Si vous n’avez pas eu vent de la saga d'intimidation à Occupation Double cette semaine #JonathanGate, je vous annonce que vous vivez dans une grotte. Heureusement, je livre cette chronique, même dans les endroits les plus humides et reculés de la province.
Pour faire court, dans les dernières semaines, les adeptes de la télé-réalité à grand succès qu’est OD ont assisté à l’exclusion sociale de Jonathan, un des candidats, par d’autres garçons résidants avec lui. Franchement, on ne va pas se mentir, c’était plutôt triste et enrageant à regarder. Les fans se sont empressés de dénoncer l’injustice sur les réseaux, ce qui a créé un tollé de réactions allant des personnalités publiques, aux médias, en passant par les marques partenaires de l’émission populaire qui ont, pour plusieurs, décidé de se retirer…
Si l’argent ne fait pas le bonheur, ça paie quand même un voyage en Martinique, un condo de luxe à Sainte-Agathe-des-Monts ainsi que le salaire d’une très très grosse équipe de production télévisuelle (sans oublier les fringues du beau Jay). Ainsi font font font les équipes de com pour annoncer le renvoi des agents perturbateurs et le retrait des épisodes de la série de leur site web. Les candidats vont même avoir droit à une formation pour apprendre à ne pas être un gros intimidateur dégueu de cours d’école à l’aube de la trentaine (j’ai bien hâte de voir ça dimanche soir).
Dans cette tempête sur les réseaux que je suivais avec délectation (#livinforthedrama), je suis tombée sur des commentaires absolument exécrables sur le profil des intimidateurs de Jonathan. «Esti de rat», «T’es une marde», «Esti que tu vas tomber de haut en revenant au Québec», «On t’attend avec une brique et un fanal», «Tout le Québec a vu ce que t’as fait», pour ceux que je peux publier ici.
Ça va bien les gens? Non, mais parce que j’ai trouvé certains de ces messages sur de vieilles photos Instagram des candidats. N'avez-vous pas autre chose à faire? Tout ça après que la production ait bloqué les commentaires sous leurs photos les plus récentes*. Depuis quand répond-on à l’intimidation par l’intimidation?
«Les personnes se sentent justifiées de réagir comme ça, parce qu’ils sentent que, ce faisant, ils décrient une injustice. Ils ont l’impression d’être du bon côté de la médaille», analyse Stéphanie Boutin, professeure au département de psychologie de l’UQAM.
De son côté, Dre Linda S. Pagani, professeure titulaire à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal pense aussi que l’on agit de la sorte par simple mimétisme. «Le comportement est contagieux», dit-elle.
C’est en partie pour cette raison que le cycle de l’intimidation se perpétue: rares sont ceux qui ne portent que le chapeau de bourreau ou de victime. La force du nombre justifie aussi notre comportement: si les autres ont dit que cet homme est le pire connard de la terre, j’ai bien le droit de montrer au monde que je le pense aussi.
Mais pourquoi a-t-on besoin de le crier sur tous les toits? En vérité, c’est pour se donner le bon rôle aux yeux des autres.
As-tu envoyé chier ta chum qui intimidait la fille un peu nerd dans la salle des casiers au secondaire Amélie? T’es-tu insurgée devant les comportements toxiques de ton collègue de travail qui est gentil avec toi, mais pas avec le nouveau qui a du mal à s’intégrer dans l’équipe? La réponse est sûrement non. J’ai observé ces comportements durant tout mon parcours scolaire et les gens comme toi n’ont jamais rien fait.
On est tous un jour le bourreau de quelqu’un. Mieux vaut en prendre conscience et se remettre en question plutôt que d’insulter une vedette de télé-réalité sur les réseaux sociaux. Non?
Ne plus tolérer l’intolérance
Cette saga nous aura également appris que nous n’avons plus la même tolérance à l’intimidation. Je ne m’en plains pas. Adolescente, je pouvais passer des heures à regarder des télé-réalités françaises et américaines plus horribles les unes que les autres. Grossophobie, homophobie, sexisme, violence physique, psychologique, nommez-les, vous pouviez observer tous ces comportements à l’écran. Plus les querelles éclatent, plus on est heureux. C’est ce qu’on appelait de la bonne télé.
Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ça fait plus de 30 ans que Linda S. Pagani exerce la psychologie. Elle observe une différence majeure avec la nouvelle génération qui est le public principal d’Occupation Double. «La génération Z est une génération qui veut améliorer le monde, nous faire la leçon sur des questions éthiques et morales, explique-t-elle. Je n’ai jamais vu autant de jeunes qui sont mal à l’aise avec les émotions négatives».
Selon elle, cette génération plus sensible que les précédentes va s’indigner collectivement en voyant ce type de comportement de peur qu’ils soient les prochains à le vivre. «En connaissant la génération Z, est-ce que ces programmes ne sont pas rendus désuets?», me demande la chercheuse en fin d’entrevue.
Peut-être bien. Parce que le fondement de la télé-réalité repose sur la compétition, le voyeurisme, l’intrigue et la bisbille. Dans un avenir quelque peu terrorisant d’un point de vue climatique, économique et social, il se peut que l’on n'ait plus envie de voir un pauvre gars se faire démolir par ses chums de gars à la télévision.
En conclusion: dénoncer est une chose, intimider en est une autre. Apprenez à ne pas franchir la ligne, votre propos n’en sera que plus édifiant.
*Les candidats ne peuvent pas gérer leurs propres réseaux sociaux pendant la durée de la télé-réalité, donc la production s’en charge.