La somme représente les actifs du Faubourg au moment de sa dissolution, dont l’essentiel représente la vente de l’immeuble pour 18,25 millions. Sans les modifications effectuées par les administrateurs avant la vente, ces fonds auraient toutefois pu se retrouver entre les mains d’un ou de plusieurs organismes comme l’Équerre, allègue la demanderesse.
La poursuite recense notamment des actions comme la réduction du nombre d’administrateurs, effectuée dès 2018, la mise en vente faite «à l’insu des bénéficiaires et de la communauté», le changement de nom de l’organisme pour une appellation «inconnue» du public, et, surtout, le retrait dans les lettres patentes de «l’obligation de remettre l’actif net de Mena’Sen à une ou plusieurs personnes morales dont le siège social est situé dans le district judiciaire de Saint-François, au Québec, et qui poursuivent des objets analogues ou similaires» en cas de dissolution ou de liquidation.
Appel aux autres OSBL
C’est parce que les Habitations l’Équerre correspondent à ces critères que l’organisme a l’intérêt pour agir dans ce dossier, a précisé à La Tribune l’avocat au dossier, Me Frédéric-Antoine Lemieux. La directrice générale des Habitations L’Équerre, Denise Godbout, souhaite cependant que d’autres OSBL d’habitation puissent se joindre à cette démarche. Des discussions à cet effet sont d’ailleurs entamées et elle peut déjà compter sur l’appui du Parallèle de l’habitation sociale, a-t-elle indiqué.
Mme Godbout rapporte que son conseil d’administration était «outré de la situation» lorsque la vente du Faubourg est devenue publique ce printemps et elle promet d’aller «jusqu’au bout» pour récupérer les sommes. Elle espère qu’à terme, les profits de la vente du Mena’Sen puissent plutôt servir à financer de multiples projets de logements sociaux dans la région de la part de plusieurs organismes.
L’été dernier, les Habitations l’Équerre avaient par ailleurs affiché leur intention de procéder au rachat du Faubourg Mena’Sen pour ramener le complexe du giron d’un organisme sans but lucratif. On ignore l’avancée de ces démarches et l’intérêt des nouveaux propriétaires pour cette option.
Les revenus annuels bruts de l’OSBL pour l’année 2020-2021 étaient de 1,27 millions et il parvenait à dégager un excédent de 244 000$, indique le document juridique. Devant la succession d’actions des anciens administrateurs et la «très bonne santé financière» constatée dans le rapport 2021 de l’organisme, Me Lemieux ne voit «aucune raison valable de dissoudre l’organisme» de la part des administrateurs. D’après les faits au dossier, «la seule conséquence a été le partage des actifs entre les cinq membres», observe l’avocat.
«Faute civile»
La poursuite allègue qu’ils ont ainsi «commis une faute civile en contrevenant à leur obligation d’agir avec honnêteté et loyauté dans le meilleur intérêt de [l’organisme]», dont la mission était notamment de fournir du logement abordable à la communauté.
On évoque également le contexte dans lequel les démarches se sont déroulées, par exemple que les acheteurs potentiels ont été approchés «de façon confidentielle et en leur indiquant que la vente était confidentielle», ou bien que l’avis d’intention de dissolution a été publié par la suite dans le quotidien montréalais Le Devoir.
Datée du 19 octobre, cette poursuite civile déposée en Cour supérieure dans le district de Saint-François arrive à peine quelques semaines après une autre action juridique entreprise par un autre avocat, Me Louis Fortier, afin d’obtenir l’autorisation d’exercer un recours collectif au nom des locataires du Faubourg Mena’Sen.
Évoquant un «stratagème trompeur, voire frauduleux», la demande d’action collective voudrait contraindre les administrateurs à annuler la vente ou bien à remettre un montant de 25 millions.
La nouvelle poursuite vise uniquement les cinq anciens administrateurs du Faubourg Mena’Sen : René St-Amant, Michel Fortin, Patrick Fortin, Jocelyn Morissette et Serge Dubois, qui agissait à titre d’avocat et de porte-parole pour le groupe après la vente. La Tribune a tenté de rejoindre ce dernier, vendredi après-midi, sans succès.