«Le gouvernement serait bien fou de ne pas nous écouter», lance sans détour le président du Conseil du patronat, Karl Blackburn. «Nos conseils sont gratuits; nos recommandations sont gratuites et sont basées sur des faits, sur des données et sur une mobilisation des acteurs de la société civile.»
Le G15+ dévoile mardi ses deuxièmes indicateurs du bien-être dans la province. Les données de 54 indicateurs y sont analysées. Celles-ci, qui incluent pour la première fois une comparaison avec l’Ontario et le reste du Canada et un survol sur plusieurs décennies, font état de bonnes et de moins bonnes nouvelles.
Côté positif, le collectif dénote entre autres une croissance du revenu disponible par habitant, une qualité de l’emploi en progression et une amélioration au chapitre de la pauvreté. Bref, les indicateurs économiques vont dans la bonne direction. Le bien-être au Québec semble avoir progressé au cours des dernières décennies, remarque aussi l’étude.
Côté négatif, un gros morceau : le bilan environnemental prend du retard, principalement en ce qui concerne la qualité de l’air, la mobilité et les émissions de gaz à effet de serre.
«La véritable transition environnementale tarde à se matérialiser», constate Emna Braham, directrice générale de l’Institut du Québec, qui a copiloté l’étude avec François Delorme, économiste à l’Université de Sherbrooke. «Il y a plusieurs indices environnementaux qui ne vont pas dans la bonne direction. Et plusieurs où on n’a tout simplement pas de données, pour lesquelles on ne peut ni se comparer ni mesurer nos avancées.»
La présence de plusieurs organismes du secteur économique dans ce collectif vient ajouter un poids à ce message environnemental. Karl Blackburn assure que les leaders économiques du Québec veulent aussi considérer d’autres éléments que le PIB et l’emploi pour déterminer le bien-être de la population.
«Il est plus que temps qu’on puisse aller de l’avant avec l’arrivée d’indicateurs environnementaux qui vont nous permettre de connaître exactement où le Québec se situe et vers où nous devons aller», affirme M. Blackburn.
«Large éventail»
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Le G15+ est formé de plusieurs organismes aux missions fort différentes, allant du Conseil du patronat à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, en passant par Équiterre et l’Ordre des urbanistes du Québec. Un «large éventail de notre société», soutient M. Blackburn.
Et un bel exemple de dialogue social et de consensus, constate celui qui y voit un point de départ vers une société «plus forte, plus résiliente et plus verte».
«Cet exercice a démontré qu’il y avait une réelle nécessité de briser les silos entre les réflexions économiques, sociales et environnementales, affirme pour sa part Emna Braham. Et que pour assurer un réel progrès du bien-être des Québécois, il faut considérer conjointement ces trois piliers-là. […] Cet exercice de travail conjoint est tout aussi intéressant que les résultats.»
Le communiqué publié mardi propose d’ailleurs une série de citations cosignées par différents dirigeants. Deux exemples :
— «Même si la croissance du PIB par habitant au Québec poursuit son rattrapage vis-à-vis l’Ontario, l’accès aux logements à un coût raisonnable se dégrade. Cela affecte à la fois les ménages défavorisés et les entreprises. Ironiquement, la crise du logement contribue à l’inflation et à la hausse du PIB. Notre approche pour mesurer le progrès doit évoluer», disent Karl Blackburn et Christian Savard (Vivre en ville).
— «Si les gains économiques et sociaux du Québec sont notables par rapport à l’Ontario et l’ensemble du Canada, la lenteur du virage écologique — par exemple la faible circularité de l’économie et la maigre part du PIB dédiée aux produits environnementaux et aux technologies propres — augmente non seulement notre dette environnementale léguée aux prochaines générations, mais elle affecte aussi notre résilience socio-économique», affirment Natalie Pouliot (Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d’œuvre) et Béatrice Alain (Chantier de l’économie sociale).
Pour arriver à mieux connaître l’état des lieux, remarque le G15+, le Québec doit rapidement colliger davantage de données plus «robustes» sur 18 autres indicateurs, par exemple la qualité du service de garde à l’enfance, la situation de l’itinérance et l’adaptation aux changements climatiques.
Le collectif souhaite que Statistique Canada et l’Institut de la statistique du Québec soient rapidement mandatés pour rassembler ces informations manquantes.
Le moment de la sortie du collectif, deux jours avant le dévoilement du nouveau Conseil des ministres par François Legault, n’est pas un hasard. Le G15+ espère voir les ministres intégrer rapidement ces indicateurs du bien-être dans leurs décisions à venir.
«Le premier ministre du Québec aime se comparer à l’Ontario : on lui remet sur un plateau d’argent plusieurs possibilités de comparaisons, affirme M. Blackburn. Il n’a qu’à les saisir. Ce qu’on souhaite, c’est d’avoir une meilleure situation qui sera engendrée par des décisions prises en lien avec les indicateurs et les recommandations que le G15+ a faits et va continuer de faire.»