Cette «mission possible» d’éliminer la pauvreté et de réincarner les ambitions qui ont mené à l’instauration de Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en 2002 était ainsi distribuée sous forme d’enveloppe cachetée par des personnages d’agents secrets aux bureaux des députés. Figuraient dans l’itinéraire celui de la solidaire de Sherbrooke Christine Labrie, ainsi que ceux des députés caquistes respectifs d’Orford, Mégantic, Saint-François et Brome-Missisquoi Gilles Bélanger, François Jacques, Geneviève Hébert et Isabelle Charest.
«Cet engagement a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, mais encore aujourd’hui au Québec, une personne sur dix n’arrive pas à répondre à ses besoins de base. C’est sans compter les personnes qui sont en précarité, qui vivent au jour le jour et qui, s’il y a le moindre imprévu, vont tomber dans le cercle vicieux de la pauvreté», exprime Jean-Philippe Benjamin, agent à la vie associative pour la TACAE, citant les données du Collectif pour un Québec sans pauvreté.
Selon lui, c’est surtout un manque de volonté politique qui a freiné la lutte à la pauvreté dans les 20 dernières années, alors que le Québec a pourtant les moyens d’agir. «En plus, il y a des études qui démontrent que ça coûte plus cher à l’état de garder la pauvreté, de par les différents programmes qui en découlent, les coûts sur le système de santé, sur le système carcéral, etc. que d’avoir des mesures concrètes de filet social qui se tient et qui permettent aux citoyens de vivre sans avoir l’épée de Damoclès de pauvreté au-dessus de la tête.»
Ces mesures données en exemple par l’organisme concernent par exemple un salaire minimum haussé à 18 $/h, l’accès à des services publics universels, l’augmentation des prestations d’aide sociale et l’investissement dans le logement social ainsi que le transport collectif.
Nombreux visages cachés
M. Benjamin rappelle également que le seuil de pauvreté utilisé comme indice par les gouvernements, la Mesure du panier de consommation (MPC), ne dresse pas un portrait juste de la société.
«Il y a des groupes d’études qui ont été créés à partir de cette loi-là et qui ont soulevé que la MPC n’est pas une mesure qui démontre vraiment où la pauvreté commence et finit [...] ce qui fait qu’on a l‘impression qu’il n’y a pas tant de pauvres au Québec. Compter ses cennes, ça fait partie de la pauvreté, ça fait partie d’un impact psychologique qui se répercute à long terme et ça empêche la mouvance sociale», dit-il.
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Dans son enveloppe remise aux députés, l’organisme a d’ailleurs glissé différents portraits d’individus touchés représentant la pauvreté. Retraité souffrant de l’inflation, mère monoparentale, travailleuse blessée, homme simplement malchanceux et nouvelle arrivante dont la formation n’est pas reconnue font partie des visages de pauvreté que la TACAE souhaite notamment faire reconnaître.
«On va être là», dit Labrie
Espérant trouver en l’opposition une précieuse alliée, la TACAE a choisi d’inviter les médias au bureau de Mme Labrie, qui a volontiers accueilli les porte-paroles pour en discuter.
«On va être là», leur a-t-elle signifié, soulignant reconnaître en leurs solutions différents engagements pris par son parti lors de la dernière campagne électorale et qu’elle souhaite prioriser, notamment au sujet du salaire minimum et de la prestation d’aide sociale. «On va s’en rappeler» ont-ils alors rétorqué en souriant.
En entrevue avec La Tribune, Mme Labrie exprime recevoir cette mobilisation positivement. «On en a besoin pour alimenter notre travail politique à l’Assemblée nationale, dit-elle. On n’a pas réglé les enjeux de pauvreté au Québec. Avec l’inflation, ce qu’on voit c’est qu’il y a une hausse des inégalités. Il y en a qui s’en sortent très très bien, d’autres pour qui c’est plus difficile que jamais.»
Les bureaux des députés caquistes visités par la TACAE lundi n'ont pas souhaité émettre de commentaires lorsqu'interpellés par La Tribune.