La plus récente étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke rappelle que bien du monde a l’impression de payer trop d’impôts. Un peu plus d’une personne sur deux a cette perception (53 %).
C’est important de parler de perception. Il n’y a pas de formule mathématique pour dire quand on paie trop ou pas assez d’impôts. Dans une étude similaire mais pancanadienne, les taux n’étaient pas différents en Alberta, là-bas aussi les gens trouvent qu’ils en paient trop, même si la province est reconnue pour sa faible imposition.
La réponse dépend de notre vision du rôle de l’État, de nos valeurs, de notre environnement, de notre profil sociodémographique, de notre état de santé, de la qualité des services publics, etc.
Une personne seule sans problème de santé, par exemple, n’aura probablement pas la même relation avec les services publics qu’une mère monoparentale dont un enfant a une maladie chronique.
On remarque, en parcourant l’étude, qu’une partie de la population accepterait d’augmenter les taxes si c’était pour financer la santé ou l’éducation ou en échange d’une baisse d’impôts. Mais on voit aussi qu’il y a toujours un bloc, au minimum le tiers, qui est contre la moindre hausse de taxes, peu importe la raison.
Pour bien des gens, c’est une simple question de principe. Peu importe la hauteur de la contribution, peu importe le service financé, l’impôt semble toujours de trop.
Ce n’est pas pour rien que la question des baisses d’impôts revient toujours à chaque élection, même s’il n’y a pas toujours des promesses concernant les taux d’imposition.
Voilà pourquoi la Coalition avenir Québec est souvent revenue avec la «taxe orange» lorsqu’elle critiquait Québec solidaire. L’évoquer suffit pour donner des frissons à un tiers de la population et aucune nuance ou précision ne chassera ces frissons, même si la personne n’est pas visée par la politique en question.
Probablement parce qu’une partie de la population a encore à travers la gorge les mesures d’austérité du gouvernement libéral, les partis qui proposaient des baisses d’impôts se sont fait demander si ça ne venait pas avec des coupures dans les services. Surtout que c’est convenu qu’il faut investir dans plusieurs infrastructures et améliorer les conditions de travail dans plusieurs secteurs, comme l’éducation ou la santé.
Les réponses n’étaient pas satisfaisantes – et ne répondaient pas vraiment aux questions –, mais au moins l’enjeu était posé.
Éric Duhaime a posé cette question dans un des débats : qu’est-ce que les gens devront sacrifier pour lutter contre les changements climatiques? Je pense que la bonne question est plutôt l’inverse : qu’est-ce qu’on va perdre en ne luttant pas?
Quand un parti propose une baisse d’impôt, comme la Coalition avenir Québec, le Parti libéral du Québec ou le Parti conservateur du Québec, j’ai envie de poser une question similaire : qu’est-ce que les gens devront sacrifier en échange de la baisse d’impôt? Une place dans un CPE? La construction d’une nouvelle école? L’accessibilité à des soins en santé mentale? La protection d’un lac?
«Les gens sont pris à la gorge avec les factures», se contente-t-on souvent de répondre. Mais justement, avoir accès à une psychologue dans le système public revient beaucoup moins cher qu’aller au privé à 150 $ de l’heure. La moyenne de la baisse d’impôt de la CAQ revenait à 300 $ par année pour un salaire moyen, c’est juste deux séances de psy.
Il y en a qui vont dire qu’ils n’ont pas besoin de psy ou d’une place en garderie ou d’une chambre dans une maison des aînés. Mais c’est un peu comme les assurances, on trouve souvent qu’on paie dans le beurre jusqu’au jour où un accident arrive et qu’on apprécie les prestations de l’assurance.
Sauf que les services publics, ce n’est pas juste la santé ou l’éducation. Il y a beaucoup de choses qu’on tient pour acquises ou dont on n’a aucune idée de leur existence.
The G World ou Le système G, l’art de gouverner est une courte série est à mi-chemin entre la comédie et le documentaire sur les services publics et le travail de l’ombre fait par la fonction publique. Disponible sur Netflix et produite par l’ex-président américain Barack Obama, elle porte évidemment sur le système américain, donc il y a quelques différences avec le Québec, mais ça reste une bonne vulgarisation.
Quand on parle des baisses d’impôts, on remarque souvent qu’il y a une grande méconnaissance de la fiscalité – et le gouvernement n’aide pas à vulgariser ou simplifier tout ça –, mais il y a aussi une méconnaissance des liens entre notre qualité de vie, au Québec, et tout ce que l’État prend en charge. Nos contributions fiscales ne servent pas à rien. Elles pourraient être gérées différemment, ça oui, mais contrairement à ce que certains disent, elles ne servent pas à rien.
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