Gilles Bélanger poursuit Owl’s Head et ses actionnaires pour 2,8 millions $

Gilles Bélanger réclame une somme totale de 2,8 millions à Destination Owl’s Head ainsi qu’à plusieurs de ses compagnies actionnaires pour ne pas avoir respecté des engagements pris lors d’une entente de juin 2018.

Le candidat et député caquiste sortant d’Orford, Gilles Bélanger, amène devant les tribunaux ses anciens associés dans le développement de la montagne Owl’s Head. En son nom et en celui de son entreprise Sommet Memphrémagog, il réclame une somme totale de 2,8 millions à Destination Owl’s Head ainsi qu’à plusieurs de ses compagnies actionnaires pour ne pas avoir respecté des engagements pris lors d’une entente de juin 2018.


Selon les documents obtenus par La Tribune, le dossier a été déposé le 20 avril 2022 et est réapparu devant un juge de la Cour supérieure le 22 septembre dernier afin que les parties présentent leur proposition de protocole. Aucune date n’est pour l’instant fixée pour la suite du dossier.

Interrogé par La Tribune à ce sujet, M. Bélanger explique mener cette bataille judiciaire pour « une question de principe », pas pour « passer à la caisse ». Il maintient également ne plus posséder d’intérêt financier dans le développement de la montagne et être exclu de toute discussion gouvernementale à ce sujet. 

Avec un groupe d’investisseurs privés, l’homme d’affaires a racheté la montagne de ski Owl’s Head au début de l’année 2018 des mains de son propriétaire fondateur, Fred Korman. Il a plaidé auprès du gouvernement Couillard pour l’obtention d’un investissement de 26,6 millions (dont 20,6 millions non remboursables) afin que lui et ses nouveaux associés réalisent leur projet de relance. 

Il a quitté ses fonctions de président-directeur général de Destination Owl’s Head en juin 2018, soit environ trois mois avant son élection à l’Assemblée nationale. 

C’est au printemps 2018 qu’un litige autour de la vision du projet est survenu entre les associés, ce qui a mené à une entente de sortie de M. Bélanger en juin 2018, alors qu’il n’était pas officiellement candidat pour la CAQ.

« Je voulais permettre que ce territoire soit accessible au public et protéger jusqu’à 1 km de bord de rive. [...] Je voulais protéger du territoire parce qu’il y avait déjà une réserve de l’autre bord de la montagne et je voulais faire zéro construction à partir de 250 m d’altitude. J’avais déposé un plan d’affaires au gouvernement avec cette vision-là. Je ne faisais pas un chemin sur le bord de la montagne », avance-t-il en référence au prolongement du chemin du Panorama, qui a soulevé la grogne dans la région. 

Ce sont précisément deux clauses de son entente de sortie de juin 2018 qui font l’objet de la poursuite et qui n’auraient pas été honorées. « Cela n’a rien à voir avec le développement actuel d’Owl’s Head », insiste M. Bélanger.

Dans des documents de cour, il est reproché aux parties défenderesses d’avoir omis « d’étudier de bonne foi le(s) projet(s) de développement immobilier soumis par les demandeurs [NDLR : soit M. Bélanger et son entreprise] ». Celui-ci souhaitait notamment participer au développement d’un éco-resort. 

Il n’a cependant pas été possible de consulter les différentes clauses de cette entente privée, M. Bélanger souhaitant éviter de nuire aux procédures en cours. 

Gilles Bélanger poursuit Destination Owl’s Head et ses actionnaires, avec qui il a été associé avant sa carrière politique, à hauteur de 2,8 M$.

2,8 millions

La poursuite de 2,8 millions vise spécifiquement la société d’investissement Groupe Owl’s Head ainsi que le Groupe sportif du lac et Gestion Sweet Park, qui sont toutes deux actionnaires du Groupe Owl’s Head. Aux défenderesses s’ajoute l’Immobilière Owl’s Head, qui a été fusionnée avec Destination Owl’s Head et dont le premier actionnaire est le Groupe Owl’s Head, selon le Registraire des entreprises du Québec. 

La firme Dufour Mottet Avocats, qui représente l’ensemble de ces entreprises dans cette affaire, n’était pas en mesure de fournir des commentaires ou précisions sur cette affaire cette semaine.  

Pierre Bourdages, président-directeur général de Destination Owl’s Head, n’a pas souhaité émettre de commentaire, tout comme comme le premier actionnaire du Groupe sportif du lac et cofondateur du groupe d’immobilier commercial Plaza REIT, Michael Zakuta. Il n’a pas été possible de joindre directement le président de Gestion Sweet Park, Aldo Bensadoun, qui est fondateur de la chaîne Aldo.

Lorsqu’interrogé sur le moment choisi pour entamer ces démarches judiciaires, soit peu avant les élections provinciales de 2022, M. Bélanger a répondu avoir tenté de s’entendre avec ses anciens associés dans le passé, en vain. 

« Puisque la date de prescription approchait, je n’ai eu d’autre choix que d’entamer des procédures judiciaires », Indique-t-il. 

Destination Owl’s Head a reçu des sommes de Québec à hauteur de 5 millions (dont 2 millions non remboursables) en 2020, pendant le mandat de M. Bélanger, en vertu du programme d’appui au développement des attraits touristiques. M. Bélanger précise cependant qu’il s’agissait d’une somme bouclée par le gouvernement précédent.

De nombreux hommes d’affaires québécois ont investi dans Owl’s Head depuis le rachat de la station en 2018.

Deuxième litige

La poursuite de M. Bélanger ne représente pas le premier litige judiciaire impliquant le député sortant et Destination Owl’s Head, qui ont tous deux été poursuivis devant la Cour supérieure dans les dernières années pour une facture impayée de près de 80 000 $ datant de 2017. 

Le poursuivant, la firme française MDP Consulting, avait été mandatée par l’entreprise de M. Bélanger pour concevoir le plan directeur de la redynamisation de la montagne entre septembre 2017 et décembre 2017. M. Bélanger clamait plutôt que Destination Owl’s Head était responsable du paiement de cette facture, ayant pris ses distances avec le projet. 

Une entente à l’amiable a finalement été signée le 1er décembre 2021. 

Tenu par un accord de confidentialité, le président de MDP Consulting, Anthony Jullien, se fait avare de détails sur le contenu de cette entente. Il déplore cependant d’importantes pertes dans cette saga juridique qui aura duré trois ans. « Nous avions ouvert une filiale à Montréal en plus, pour faire la suite du projet, accompagner les travaux, etc. et le développement de la station. Filiale que nous avons fermée évidemment compte tenu de la situation. Ça n’a vraiment pas été pour nous une réussite. Au total, avec les frais de création, les loyers, etc. c’est pas loin de 100 000 $ que nous a coûté notre relation avec Gilles Bélanger », affirme-t-il dans un échange de courriel. 

M. Bélanger s’est contenté d’affirmer que l’affaire a été réglée, rappelant qu’il a travaillé seul pendant deux ans avant le rachat de la montagne avec les autres actionnaires. Il avait plaidé dans ce dossier que l’ensemble des actionnaires du projet devaient débourser pour ces services.

Le prolongement du chemin du Panorama, réalisé pour quatre villas de luxe, a fait couler beaucoup d’encre.

Grogne face au développement

Le développement immobilier dans le secteur d’Owls Head a fait couler beaucoup d’encre dans les derniers mois. En mai 2021, l’organisme environnemental Memphrémagog conservation inc. a notamment qualifié de « saccage environnemental » le chantier de prolongation du chemin du Panorama, aménagé sur le versant est de la montagne pour quatre villas de luxe. 

Les députés libéraux Isabelle Melançon et Gaétan Barrette, alors respectivement porte-parole de l’opposition officielle en matière d’environnement et en matière de questions éthiques, avaient par la suite réclamé une intervention du ministre de l’Environnement. Toutes les autorisations nécessaires à ce développement avaient cependant été octroyées. 

Le plan directeur du centre de villégiature quatre saisons d’Owl’s Head  prévoit notamment l’ajout de 495 unités résidentielles d’ici 2030.