M. Stonebanks était l’architecte et facilitateur du projet de recherche humanitaire Transformative Praxis Malawi (TPM), un lieu d’apprentissage continu créé pour une population hautement défavorisée au Malawi et dédié à l’éducation, à la santé et au développement de plusieurs communautés. Ce projet humanitaire, qu’il portait depuis 2008 et qui a permis à près de 150 étudiants universitaires de contribuer eux aussi à son avancement, se retrouverait amputé d’une grande part de son financement et de sa main-d'œuvre, n’étant plus en mesure de recevoir l’aide d’étudiants estriens.
Par le passé, ce projet a notamment bénéficié du soutien financier de la firme estrienne Global Excel, de l’école secondaire Alexander Galt, de l’entreprise Sherbrookoise Madame Pickwick, de l’organisme LEARN (Leading English Education and Resource Network) et de la Bourse de la Fondation Pathy.
Rejoint par La Tribune, Dalitsani Sungamoyo, directeur terrain de TPM résidant sur place, se montre extrêmement préoccupé par la situation. «Tout est sur pause, explique-t-il en anglais. Il n’y a pas un seul projet qui progresse. L’école [primaire] est encore en construction. Il n’y aucun développement qui nous permet de nous assurer que l’école sera terminée.»
Le projet, qui vise à rejoindre des dizaines de milliers de Malawiens avec ses différents services et ses incitatifs à l’entrepreneuriat social, doit notamment former un partenariat avec une école pour enfants aveugles située tout près du campus. Outre le centre communautaire, la station de radio, le poulailler, les deux maisons et l’auberge des bénévoles qui ont déjà été construits, des écoles, des résidences pour enseignants et un centre de santé doivent encore voir le jour. La permaculture sur des terres qui ont été offertes au projet fait aussi partie des ambitions de la communauté, afin de subvenir à ses besoins.
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Financement
Avec sa femme, M. Stonebanks, qui continue de recevoir un salaire jusqu’à la fin de l’arbitrage, envoie toujours plusieurs centaines de dollars par mois afin d’éviter que les porteurs du projet sur place ne doivent quitter. Mais comme une bonne part du financement transitait par la venue d’étudiants, impossible d’aller de l’avant avec le reste du projet : avec son renvoi est venue la disparition du cours permettant de recruter des étudiants bénévoles à Bishop’s en échange de crédits universitaires, clame-t-il. Si le cours en question figure toujours dans la liste des cours offerts par Bishop’s, l’Université a refusé d’indiquer ce qu’il advient de ce cours et de ses liens avec le projet TPM.
Outre ce partenariat, aucun soutien de l’Université Bishop’s n’aurait été donné à ce projet depuis son existence, clament d’ailleurs MM. Stonebanks et Sungamoyo. L’Université n’a pas non plus souhaité confirmer ou infirmer cette information.
«Je ne peux plus approcher personne pour récolter des dons, mon nom a trop été terni», avance en anglais M. Stonebanks, pour qui les impacts psychologiques des derniers mois sont toujours handicapants.
Autre tuile sur le projet : bailleur de fonds principal, le Suisse Ahmad Jahan, qui tenait une fondation du même nom, est décédé en juin dernier.
«Les familles défavorisées qui devaient recevoir une paie pour le travail qu’elles font sur le campus, elles sont inquiètes de voir que M. Stonebanks n’a plus de source de revenus, partage M. Sungamoyo. Elles arrêteront bientôt de travailler. Je peux dire qu’il y a beaucoup de choses qui ont découlé du renvoi de M. Stonebanks.»
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«Briser le cycle»
Kirsten Dobler, la diplômée autochtone qui a rendu son prix à Bishop’s en soutien au professeur Stonebanks ce printemps, a elle-même prêté main-forte à deux reprises au Malawi, lors de ses études. Celle-ci se dit «le cœur brisé», par les conséquences du renvoi du professeur sur le projet.
«Il y a tellement d’organismes qui font du travail à l’étranger et qui sont enracinés dans le slacktivisme [NDLR : militantisme paresseux] et le “complexe du sauveur blanc”, avance-t-elle en anglais. Selon moi, TPM a brisé ce cycle. Il y a tellement de choses que j’ai apprises et j’apprends encore à travers mes réflexions sur le temps que j’ai passé là-bas.»
Désirant poursuivre ses actions en faveur de la justice sociale, M. Stonebanks travaille à mettre sur pieds la BIPOC Academic Coalition, un organisme à but non lucratif qui vise à lutter contre le racisme systémique au sein des universités. Il compte comme co-fondateur Aimé Avolonto, un professeur de l’Université York à Toronto qui dénonce publiquement avoir été renvoyé après avoir dénoncé du racisme systémique anti-Noirs dans son établissement.
Le téléphone sonne déjà, indique-t-il.