« On n’a pas le droit d’être opaque, obscur ou impertinent », fait valoir Lemire, qui tient les rênes de la rentrée automnale du Double Signe pour une première fois, à un moment postpandémique crucial pour la survie des troupes de théâtre.
Bien davantage que l’esthétisme, c’est le politique qui intéresse Lemire. Politique dans le sens de ce qu’on est et de ce qu’on fait, précise-t-il. « Politique autant dans l’intime que dans le planétaire, et dans notre façon de négocier tout ça. »
« J’ai mes obsessions, confie-t-il. Une obsession pour l’humain avant tout, pour ce qui nous relie et pour ce qui nous distingue, obsession de ce qui nous met en rupture avec notre environnement et notre entourage, de ce qui nous inspire et nous éloigne de l’indifférence. J’aime la fiction qui a un propos. »
« En 2022, on ne peut pas faire du théâtre qui ne dit rien, croit par ailleurs Hubert Lemire. On souhaite du théâtre exigeant pour les artistes et artisans, et en même temps accessible au public sur tous les aspects, avec une plus-value, un propos. On peut présenter un divertissement sans être vide, en mettant de la chair autour de l’os, en insistant sur la cohérence. »
« Pour ce faire, je fais confiance aux auteurs, aux artistes. Je m’intéresse aux propos, à ce qu’on raconte, et je souhaite que ça accompagne le spectateur à sa sortie du théâtre. Je ne veux pas qu’il se sente niaiseux, mais interpelé dans son intelligence, porté par le propos. »
Laisser aller la fille en or...
Lemire et l’équipe du Double Signe comptent y arriver en variant les rendez-vous de la saison 2022-2023, par l’entremise des volets Grandes occasions, Prétextes, Ponts et Chambre d’amis.
« Les Grandes occasions, ce sont nos créations, tous les deux ans, explique Hubert Lemire. Donc, cette année, on laisse Une fille en or poursuivre sa route au Québec, au Théâtre Denise-Pelletier entre autres. L’année prochaine, on reviendra avec une création Double Signe. »
En contrepartie, trois mises en lecture du volet Prétextes seront présentées, d’abord en octobre au Centennial avec Fanny de Rébecca Déraspe, un texte sur le vieillissement et le choc des générations que viendront défendre Marie-Pier Audet et Marie Charlebois, entre autres.
« Le fil rouge qui relie tous les textes, c’est la vie qu’on s’invente », précise Hubert Lemire, qui a aussi sélectionné La traductrice du Français Vincent Farasse pour février, puis Dansereault de Jonathan Bernier, une coproduction du Double Signe et du Théâtre du Bic à laquelle il participera au Centre des arts de la scène Jean-Besré.
« Chaque fois, on ne veut pas raconter juste pour raconter, mais pour que le spectateur ait quelque chose à digérer. Ce sont des collectivités qui se parlent en fait, des collectivités dont on fait partie. »
Ponts et Chambres d’amis
La collectivité, c’est par ailleurs ce qui est au cœur du volet des Ponts du Double Signe, des liens qui existaient déjà par les ateliers et qui se prolongent désormais dans la communauté.
« Les ateliers ont retrouvé leur élan d’avant la pandémie, et on est vraiment contents de ça. On a aussi eu des invitations, entre autres d’écoles ou d’organismes, et on va tenter dans la mesure du possible ce rapprochement », explique Hubert Lemire, qui retrouvera en classe une professeure de philosophie du collégial afin d’aborder Le malentendu de Camus avec les étudiants.
« C’est vraiment excitant d’aller explorer ce texte sous l’angle philosophique, mais également théâtral, se réjouit le directeur artistique du Double Signe. C’est une porte de plus vers le théâtre, et on veut toutes les ouvrir. »
Quatrième volet de la compagnie théâtrale, la Chambre d’amis accueille les créateurs afin d’avancer des projets en bénéficiant du soutien du Double Signe. Le dramaturge Daniel Danis sera le premier invité à se poser au CASJB avec son projet Une lune roule sur la Terre.
« Ce sont autant d’occasions pour le Double Signe, les créateurs, les artistes et le public de se rencontrer, de refaire connaissance et de multiplier les rendez-vous. La rencontre, c’est ce qui compte », réitère Hubert Lemire.
Le lancement de cette nouvelle programmation a d’ailleurs eu lieu mercredi lors d’un 5 à 7 tout en apérol et rencontres.