Chronique|

Une leçon canine sur le respect des distances et des biens

CHRONIQUE / Nos compagnons à quatre pattes, lorsqu’ils sont équilibrés et bénéficient de notre supervision, peuvent nous donner un bon coup de patte en matière d’éducation des enfants. Encore faut-il accepter de s’ouvrir aux leçons humanimales qu’ils ont à nous transmettre.


Voici une petite histoire, alliant faits vécus et fiction, qui en témoigne :

Céleste, une femelle berger allemand croisée, patiente sur le tapis d’entrée, dans l’attente de son repas du soir. Elle suit des yeux (et du museau) les gestes de son humaine qui prépare son bol de croquettes. La faim et l’anticipation du plaisir lui mettent l’eau à la gueule et la font piétiner sur place. À ses côtés, une petite fille regarde elle aussi la scène en lui « farfouillant » maladroitement dans les poils du cou. L’excitation semble contagieuse ! À cet instant, Céleste est légèrement agacée par le contact et la proximité de cette petite humaine agitée. Toutefois, son attention est ailleurs. Elle tolère.



L’instant d’après, les merveilleuses croquettes arrivent enfin et, miracle, elles trempent dans un restant de bouillon très odorant qui promet d’être goûteux ! Sans plus attendre, la chienne plonge le museau dans le bol.

« Ne dérange pas Céleste pendant qu’elle mange », voilà la consigne que l’adulte donne à la petite fille avant de s’éloigner.

L’enfant s’assoit aux côtés de la chienne et l’observe manger. La chienne se fige, prend quelques croquettes, mastique, avale puis recommence la séquence. C’est à la fois « dégueu », mais curieusement intrigant et attirant. L’enfant, fascinée, se demande quel goût peut bien avoir cette mixture. À ce stade, l’oeil averti aurait su reconnaître les signes d’inconfort de Céleste : regard de biais qui dévoile le blanc de l’oeil, oreilles aplaties sur les côtés, tension dans le corps, figement entre deux bouchées. À travers toutes ces manifestations comportementales, Céleste est en train de clamer dans son langage de chien : « Cesse de t’intéresser à MA nourriture. C’est à MOI ! » Ici, l’enfant sent bien la tension dans l’air et le message est assez clair pour l’empêcher de céder à la tentation de s’emparer d’une croquette. Toutefois, cela génère aussi une légère appréhension qui fait à son tour germer un brin d’insécurité. Machinalement, elle tend la main pour flatter la chienne afin de se rassurer. En réponse à ce mouvement, Céleste émet une espèce de grondement jappé, tous crocs dehors et enfonce son museau dans le bol. L’enfant a très peur. Elle retire vivement sa main et recule.

L’adulte, qui observait la scène légèrement en retrait, s’approche. « Ouf ! T’as eu peur, hein ? » Les yeux de la petite se remplissent alors de larmes. L’adulte s’approche et l’enlace. « C’est vrai que ça fait peur quand on se fait japper après comme ça. » Et, regardant Céleste... « Toi, tu voulais juste dire : “Touche pas à mes croquettes et RE-CU-LE ! ” » La chienne agite la queue, se détend et reprend son repas. L’enfant se détend à son tour et sèche ses larmes. « Tu vois Céleste, nous, on veut juste t’observer. On ne veut pas te déranger ou voler tes croquettes. »



Son bol terminé, Céleste s’approche et s’appuie contre l’enfant qui, encore un peu secouée, ose une petite caresse et s’arrête. La chienne la sollicite alors du museau, ce qui en langage de chien se traduirait par : « Encore, SVP ». L’enfant reprend son geste. Un dialogue interespèce est amorcé.

Céleste

Imaginons maintenant quelles caractéristiques de chacun ont pu contribuer à faire de cette rencontre interespèce une expérience à fort potentiel éducatif :

• CÉLESTE : Chienne suffisamment équilibrée et ayant eu le droit de « parler chien » dans sa famille. En effet, les chiens (comme les humains) défendent leurs biens et peuvent être inconfortables si on les convoite. Il est donc assez normal de « réprimander vocalement » l’impolitesse d’une trop grande convoitise (regard plein de désir de l’enfant à l’égard des croquettes).

• L’ENFANT : Curieuse et intéressée, elle est disponible à l’expérience. Elle arrive à saisir le « message canin » et réagit adéquatement (elle recule).

• L’ADULTE : Présent sans empêcher l’expérience en cours, il gère le cadre sécuritaire et mets des mots sur ce qui s’est vécu. Il accueille les émotions vives sans céder à la panique ou à l’irritation. Il ne prend pas parti, mais se fait plutôt l’interprète pour traduire les intentions de la chienne à l’enfant et vice versa.

Et voilà comment, lorsque l’on accepte le petit coup de patte offert, un simple incident enfant/chien peut se transformer en une véritable leçon humanimale !



EN VEDETTE

Nom : Céleste (source d’inspiration pour cette chronique humanimale alliant faits vécus et fiction)

Race : Croisée de berger allemand

Compétences mises à profit : Comportement maternel (savant dosage entre support et exigence, tolérance et capacité d’encadrement), bonnes habiletés de communication

Signes d'inconfort canin à retenir :

• Regard de biais qui dévoile le blanc de l’œil

• Oreilles aplaties sur les côtés

• Tension dans le corps

• Figement

• Mouvements brusques

• Vocalisations graves