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Surprise dans Saint-François

La candidate solidaire dans Saint-François, Mélissa Généreux, mène dans les intentions de vote, devant la députée sortante de la CAQ, Geneviève Hébert.

CHRONIQUE / Depuis le début de la campagne, j’essaie de voir un signe qui appuierait les ambitions de Québec solidaire dans Saint-François. Le parti a-t-il raison d’y croire? Visiblement oui. Ce n’est qu’un sondage, rien n’est joué, mais ça montre que Mélissa Généreux est vraiment dans la course et que ce n’est pas juste une ligne de communication de son parti.


En fait, la candidate solidaire Mélissa Généreux est tellement dans la course que selon le sondage dévoilé ce matin par Segma – La Tribune - 107,7 FM, elle mène dans les intentions de vote. De peu, mais elle est première, avec 34,3 %, devant la députée caquiste sortante, Geneviève Hébert, à 32,5 %.

C’est une des surprises de ce sondage. Évidemment, avec les marges d’erreur, on est devant une égalité statistique. Ce que dit ce sondage, c’est que Saint-François peut autant rester caquiste que virer solidaire. 

La circonscription de Saint-François, qui s’étend de Brompton à Coaticook, est principalement sherbrookoise. L’arrondissement de Fleurimont représente à lui seul 63 % de la population du comté. Avec Bromptonville et Lennoxville, les trois quarts de l’électorat de la circonscription habitent le territoire de Sherbrooke.

On y retrouve des milieux propices à voter pour Québec solidaire (QS), comme la portion urbaine longeant la rivière Saint-François et collée sur le centre-ville, et qui inclut le Cégep de Sherbrooke, mais on y retrouve aussi beaucoup de bungalows et de maisons unifamiliales, des terres agricoles, des milieux plus fertiles pour la Coalition avenir Québec (CAQ). Mais l’élection municipale a montré que certains quartiers de Sherbrooke peuvent surprendre et déjouer les tendances.

Labrie en tête

On se demandait quel était l’effet de la vague d’appui envers la CAQ, mais aussi de la candidature de Caroline St-Hilaire. L’effet est là si on compare à 2018, où le caquiste Bruno Vachon avait terminé troisième, avec 23 %. Caroline St-Hilaire aurait 36,5 % des intentions de vote selon le sondage. Dans certaines circonscriptions, ce serait suffisant pour l’emporter, mais pas à Sherbrooke, où Christine Labrie mène avec 43,8 %. 

Dans ce cas-ci, l’avance est suffisante pour dépasser les marges d’erreur, mais ça demeure une légère avance. Rien pour jeter la serviette. Reste que c’est 10 % de plus que lors de son élection en 2018. Ça démontre à quel point Christine Labrie est appréciée dans la région.

Cette satisfaction dépasse les couleurs de son parti. Près des trois quarts (73 %) sont satisfaits du travail de la députée sortante, dont environ un tiers (31 %) se dit même très satisfait. Ça signifie que les gens lui font confiance, même ceux et celles qui ne votent pas nécessairement pour elle. 

Pour donner une comparaison, la députée sortante Geneviève Hébert, dans Saint-François, ne récolte que 12 % de «très satisfait» de son travail. 

Nouvel axe politique

On a souvent dit que Sherbrooke était une circonscription baromètre, votant souvent pour le parti au pouvoir. Avec cette course, elle représente le nouvel axe politique québécois, qui s’enligne de plus en plus dans un clivage gauche-droite et rien ne les représente plus en ce moment que QS et la CAQ, laissant le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti québécois (PQ) loin derrière.

Difficile de ne pas souligner l’effondrement du PLQ, parti qui avait des châteaux forts en Estrie avant 2018 et qui peine maintenant à trouver des candidatures et à dépasser les 4 % ou 9 % des intentions de vote. 

En fait, le PQ et le PLQ ont en ce moment des scores qui ressemblent à ceux que QS et la CAQ (ou l’ADQ) avaient dans la région en 2008 ou 2012, à une époque où les deux partis étaient plus ou moins pris au sérieux. C’est une bonne leçon d’humilité, pas seulement pour le PQ et le PLQ, mais tous les partis: le vent peut vite tourner en politique. Il ne faut rien tenir pour acquis.

Sortir le vote

Autant dans Sherbrooke que dans Saint-François, rien n’est joué. On retrouve 15 % d’indécis dans Sherbrooke et 17,5 % d’indécis dans Saint-François. Presque une personne sur deux se dit ouverte à changer d’idée d’ici le 3 octobre prochain. 

Sans surprise, Québec solidaire va chercher le vote des plus jeunes (44 ans et moins) alors que la Coalition avenir Québec va chercher le vote des moins jeunes (45 ans et plus). Ce qui pose des défis aux deux partis. 

Pour les solidaires, il faut réussir à convaincre les jeunes d’aller voter, particulièrement les 18-29 ans qui ont moins tendance à se rendre aux urnes. Moins que les 50 ans et plus. La jeunesse est politisée, mais elle exprime ses convictions politiques autrement, dans des mouvements citoyens ou des organismes. 

Pour les caquistes, il faut rappeler que ce n’est pas gagné d’avance. On répète tellement partout qu’il faudrait une catastrophe pour que la CAQ ne forme pas le prochain gouvernement qu’une partie de l’électorat pourrait trouver inutile d’aller donner son appui, comme si tout était joué. 

Il reste encore un peu plus de deux semaines à la campagne. Les débats des chefs pourraient influencer les personnes indécises. Des gaffes peuvent survenir. Des promesses peuvent encore surprendre. 

À la CAQ, on met beaucoup le parti devant la personnalité des candidatures locales. Chez QS, on mise sur les fortes personnalités des candidatures. Les deux stratégies se défendent, mais il sera intéressant de voir comment elles changeront, ou non, au cours des prochains jours.

On peut s’attendre, dans Sherbrooke et Saint-François, à ce que la CAQ attaque encore plus QS dans ses sorties médiatiques, ce qu’elle a déjà commencé à faire. Chez QS, on va sûrement tenter de solidifier les votes et de convaincre des personnes indécises à les suivre, de faire oublier l’étiquette «radicale» qu’on lui attribue souvent. 

Difficile de prédire en ce moment si Sherbrooke et Saint-François seront solidaires ou caquistes le 4 octobre, mais la course va définitivement se jouer jusqu’à la toute fin.