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L’argument de l’ignorance des sommes dues qu’il a d’abord invoqué est impossible à soutenir. Pas lorsqu’on a reçu 14 avis de retards ou laissé traîner des procédures jusqu’au tribunal.

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Selon des informations d’abord rapportées par La Presse, puis confirmées par Le Soleil lundi, Éric Duhaime avait accumulé une dette chiffrée à 2411,76 $ en taxes scolaires au Centre de services scolaire de la Capitale.

Ses comptes de taxes affiliés à sa propriété de l’avenue Moncton sont demeurés impayés pendant plus de deux ans, montre un jugement de la Cour du Québec consulté par Le Soleil. Il s'est retrouvé en défaut de paiement à compter d’octobre 2018, et ce, jusqu'à la décision le condamnant à payer, en juin 2021.

À cette date, c’est donc dire qu’il n’avait jamais payé les six versements de taxes scolaires réclamés depuis l'acquisition de cet immeuble du quartier Montcalm évalué à 675 000 $, quelques années auparavant.

Puis, un huissier de justice a été mandaté en juillet 2021 par le Centre de services scolaire de la Capitale pour exécuter le jugement auprès de M. Duhaime. Denis Turcotte devait se saisir de «tous ses biens meubles».

Depuis, l'organisme scolaire qui le poursuivait a donc pu récupérer la somme qui lui était due. Son plus récent état de compte daté du 24 août dernier n'affichait pas d'anormalité, lundi.

Au moment de publier, le chef conservateur n’avait pas retourné la demande de réaction au Soleil.

Les dossiers s'accumulent

Jusqu’à tout récemment, Éric Duhaime était également dans la mire des autorités de la Ville de Québec. Le chef conservateur, qui est aussi un investisseur immobilier, disposait de comptes de taxes municipales en souffrance pour deux de ses propriétés.

Le Service municipal des finances lui réclamait en effet quelque 12 363,39 $ pour une première propriété sise sur l'avenue Moncton, selon des documents consultés par Le Soleil.

Éric Duhaime avait alors dit qu'il revenait à son locataire de s'acquitter le paiement des taxes pour cet immeuble. Plaidant l'ignorance, le chef conservateur a affirmé que dès qu’il a été mis au courant du solde du compte, son locataire a payé les sommes dues. Il a par la suite pris l’entièreté du blâme, en tant que propriétaire.

Le cabinet du maire Bruno Marchand soutient que «la liste publique [des immeubles en défaut de paiement de taxes] est publiée au même moment chaque année». Le maire avait calculé samedi que les propriétaires disposant d'un compte en souffrance avaient reçu sept communications seulement cette année.

Bien que questionné à plusieurs reprises sur le sujet, Éric Duhaime est cependant resté flou au cours des derniers jours quant à l’entente qu’il avait avec son locataire, reconnaissant qu’une telle situation était «inhabituelle».

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Avec un autre compte de taxes municipales en souffrance s’élevant à 1 848,92 $ pour l’immeuble qu’il habite, sur l’avenue Joffre, M. Duhaime s’exposait à la saisie et la vente aux enchères de ces deux immeubles par la Ville de Québec.

«Disqualifiant», dit Anglade

La cheffe libérale, de son côté, estime que le fait de ne pas payer ses taxes peut constituer un critère de disqualification pour un chef de parti.

«Moi, je paie mes taxes. C'est assez disqualifiant! La règle de base est de respecter les règles», a commenté Dominique Anglade, en mêlée de presse au sortir de son autocar de campagne, à Thetford Mines, lundi après-midi.

«Il devrait payer ses taxes», a-t-elle résumé, sans s'avancer davantage. «On est dans une démocratie, mais quand je regarde les chefs politiques, je m'attends à ce qu'ils respectent la loi et qu'ils paient leurs taxes.» Avec la collaboration d'Isabelle Mathieu et Olivier Bossé

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L’autre scénario voulant qu’il cherchait simplement à aider un ami dans le besoin soulève davantage de questions qu’il apporte de réponses.

Je ne connais personne qui choisit d’aider un ami en difficulté financière en lui demandant de payer à sa place des factures de taxe.

Raison de plus si cet ami n’arrive déjà pas à payer son loyer, comme le rapporte M. Duhaime.

Apprendre dans le journal qu’un candidat n’a pas payé ses taxes aurait pu être une simple anecdote de campagne. Il peut arriver à n’importe qui d’oublier une facture ou d’en retarder le paiement s’il y a un litige.

On aurait vite mis ça de côté pour revenir à des enjeux et débats de campagne plus importants. Ce n’est pas ce qui manque.

Ce qui fait que cette histoire est plus qu’une simple anecdote dont se délectent des adversaires (et des médias), ce sont les silences, omissions et explications alambiquées de M. Duhaime.

Cette nébuleuse qu’il entretient sur ses avoirs et propriétés, incluant les modalités de location d’une de ses maisons.

Les questions à ce sujet sont légitimes et d’intérêt public.

Le fonds de commerce de M. Duhaime est de vouloir une «meilleure» gestion des affaires de l’État.

Il n’est pas inutile de savoir que l’aspirant premier ministre peine à gérer ses propres affaires.

Il ne s’agit pas d’une intrusion indue dans sa vie privée. Sauf pour la publication de la photo de sa résidence dans le Journal.

M. Duhaime a ici raison de le dénoncer. C’était «cheap» et irresponsable dans le contexte de l’intimidation à l’endroit de candidats.

Les faits documentés ces derniers jours par le Journal de Montréal, la Presse et Radio-Canada montrent qu’il ne s’agit pas d’un accident de parcours, mais d’un modus operandi. Une façon de vivre et de gérer.

On est ici devant un mauvais payeur compulsif.

Taxes municipales et scolaires, factures d’Hydro, Vidéotron et Internet. M. Duhaime en avait déjà parfois parlé lui-même.

Même son plombier a dû aller aux petites créances pour obtenir un règlement sur une facture litigieuse.

M. Duhaime multiplie les retards et voudrait que personne n’en parle. Comme s’il espérait défier la fatalité des impôts ou échapper à la mort politique.

Insouciance, irresponsabilité, naïveté, désorganisation, acte de résistance? Je vous laisse le choix du qualificatif.

Sous la pression d’une affaire devenue publique, M. Duhaime a fini par payer son dû à la ville. Intérêts et principal, avec les pénalités afférentes.

On peut se dire que c’est lui le pire, car en fin de compte, il a payé plus cher que les factures initiales.

Étrange stratégie pour un militant du moins de taxes et d’impôts, mais il ne serait pas le premier politicien à être pris en flagrant délit d’incohérence.

***

Outre le flou et le manque de transparence, les explications de M. Duhaime soulèvent plusieurs questions de fiscalité.

Il est tout à fait inhabituel de demander à un locataire de payer ses factures de taxes. Fut-il un ami.

Cela comporte un grand risque qu’un propriétaire avisé ne prendrait pas. Il pourrait perdre sa maison.

La seule explication qui y donnerait un «sens économique» serait d’y trouver pour soi-même un avantage fiscal. On pourrait imaginer ce scénario:

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- on réduit le coût du loyer de son locataire, ce qui diminue les revenus que le propriétaire doit déclarer à l’impôt.

- on demande à ce locataire de payer les taxes.

- on inscrit les taxes dans la colonne de ses propres dépenses sur sa déclaration de revenus.

La résultante serait de payer moins d’impôt sur la propriété louée.

Rien ne dit que c’est ce qu’a fait M. Duhaime. Il s’en défend d’ailleurs. Mais ce serait une explication logique.

La seule façon d’en avoir le coeur net serait que M. Duhaime rende publics ses déclarations de revenus et avis de cotisation de l’Agence du Revenu.

M. Duhaime a affirmé qu’il n’avait pas déclaré les revenus de sa propriété louée, car ceux-ci étaient négatifs.

Peut-être, mais un citoyen «n’a pas la liberté de choisir le résultat fiscal» de ses opérations, rappelle André Lareau, professeur associé à la faculté de Droit de l’Université Laval.

Il y a une obligation pour un propriétaire de produire une annexe à sa déclaration de revenus pour inclure les immeubles loués. À défaut, il s’expose à une pénalité.

Dans un scénario de taxes payées par un locataire en lieu et place d’un loyer, les montants de ces taxes devaient être inscrits dans les revenus du propriétaire, suggère M. Lareau.

Dans tous les cas de figure, il y a «forcément un os dans le fromage» de M. Duhaime, décrit-il.

***

Éric Duhaime a accusé la ville de Québec d’avoir laissé filtrer à un média l’information sur ses taxes impayées.

Il suggère ainsi qu’il aurait été victime d’une vendetta politique.

On ne peut pas exclure qu’un employé ait pu attirer l’attention d’un journaliste sur les retards, mais le document était public.

Comme chaque automne, la ville a dressé une liste des immeubles à mettre en vente pour défaut de paiement.

Le maire Marchand et les membres de l’exécutif ont reçu copie de cette liste le vendredi 2 septembre.

L’administration Marchand s’est s’assurée au début de la semaine suivante qu’on n’y trouvait pas de noms d’élus de la ville, ce qui aurait été embarrassant.

Deux immeubles de M. Duhaime apparaissaient sur cette liste, mais personne n’a alors inscrit ce nom dans le moteur de recherche pour le détecter dans la liste des plus de 1000 noms (68 pages).

Le document a été adopté à la réunion du comité exécutif du mercredi 7 septembre et rendu accessible au public le lendemain.

Il est dans la routine des journalistes de consulter chaque jeudi les documents du comité exécutif de la veille. Vous y avez accès vous aussi sur le site Internet de la ville.

L’information sur les retards de M. Duhaime a été publiée par le Journal le vendredi 9 septembre.

L’administration Marchand dit l’avoir appris alors en même temps que tout le monde.

***

Quel effet aura cette histoire sur la suite de la campagne du chef conservateur? Cela pourrait-il refroidir des citoyens indécis? Difficile à dire encore et il reste beaucoup de temps d’ici au vote pour passer à autre chose.

En langage de campagne, M. Duhaime aura perdu quelques jours, si ce n’est davantage. Des jours consacrés à s’expliquer et se défendre, au détriment des idées qu’il avait prévu promouvoir.

Sa crédibilité et son image en ont probablement souffert, mais je doute que sa base militante lui en tienne rigueur.

En pointant les médias, la ville de Québec et son ami locataire qui n’a pas payé les taxes, Éric Duhaime aura conforté chez ses partisans la perception qu’il est ciblé par les «élites» et est victime d’injustice.

Comme Trump dans ses affaires immobilières, ses démêlés judiciaires et ses revers électoraux.

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