Ces engagements peuvent paraître alléchants de prime abord pour l’électeur, en particulier lorsqu’il est question d’abaisser son fardeau fiscal ou dans le but de dédier plus d’argent à la nécessaire lutte aux changements climatiques ou à des programmes sociaux structurants.
Et pourtant, de nombreux groupes de la population civile (et de la communauté d’affaires) s’opposent avec véhémence à cette idée, puisqu’elle détourne complètement le Fonds de ses objectifs traditionnels, soit l’équité intergénérationnelle à travers un fardeau allégé de la dette pour ceux et celles qui viendront après nous.
Nous ne sommes pas dogmatiques. En effet, nous avions appuyé le gouvernement il y a quelques années lorsqu’il a pris la décision de piger dans le Fonds pour effectuer un remboursement partiel de la dette du Québec, car les conditions le permettaient et que l’objectif central du Fonds était maintenu. Toutefois, celui-ci ne devrait être en aucun temps considéré comme une enveloppe où l’on peut piger ici et là, pour financer des promesses électorales.
Soyons clairs, nous ne serions pas opposés à utiliser une partie des versements prévus, si une situation urgente et temporaire le nécessitait, pour autant que ce soit important et provisoire. Par contre, dans un contexte où au Québec, le salaire horaire moyen a augmenté davantage que l’indice des prix à la consommation au cours de la dernière année, sacrifier présentement des versements au Fonds n’entre pas sous cette condition de notre point de vue.
Sans parler d’une potentielle abolition complète des versements qui serait quant à elle, contraire à des pratiques de saine gestion des finances publiques, voire relèverait de l’irresponsabilité de se priver de plusieurs milliards de dollars en rendements, qui auraient été au bénéfice des prochaines générations.
En janvier 2020, une analyse de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke démontrait d’ailleurs qu’il était possible pour le Fonds d’atteindre plus de 100 milliards de dollars grâce entre autres, à des rendements annuels moyens de 4,5%, et avec disons-le, une augmentation graduelle des versements en suivant le rythme d’endettement. À titre indicatif, de 2006 à 2018, son rendement annualisé a été de 5,5 % sur 12 ans, et ce, malgré une chute de 22,4 % en 2008. Bien sûr, la pandémie et ses nombreux impacts économiques ont pu modifier les prévisions, mais cette courbe avantageuse demeure importante et non négligeable.
Nous l’avons dit sur plusieurs tribunes et la campagne électorale n’y change absolument rien : une approche responsable et pérenne en matière de finances publiques implique de maintenir le rythme des versements au Fonds, de cristalliser les gains générés et de tirer avantage de ces sommes pour soulager les générations futures du poids de la dette de demain, occasionnée par les dépenses d’hier et d’aujourd’hui.
Le Fonds des générations continuera de générer des rendements intéressants pour s’attaquer au poids des déficits. Il nous permettra de profiter de l’écart positif entre le rendement du Fonds et le coût des emprunts du gouvernement. D’ailleurs, l’historique des 15 dernières années nous enseigne que les conditions de marché ont amené un effet de levier efficace, une tendance qui devrait se poursuivre dans la prochaine quinzaine.
Dans notre monde politique actuel où les débats sont vifs et polarisés, nous avions réussi jusqu’à présent à mettre à l’abri de la tourmente un de nos principaux legs pour les prochaines générations. Laissons le Fonds sur la ligne de touche pour la présente campagne.
Charles Milliard
Président-directeur général, Fédération des chambres de commerce du Québec