Chronique|

Sur les traces de l’Empire romain en Tunisie

Le colisée d’El Jem est le troisième plus grand du monde.

CHRONIQUE / La mémoire joue parfois de ces tours qui font qu’on ne se souvient plus de tout avec la plus grande précision. Le Colisée de Rome, enseveli sous une quinzaine d’années de souvenirs, m’apparaît un peu flou. Il m’avait impressionné, mais je ne saurais en décrire les dimensions, si bien que je n’aurais pas pu dire, en entrant dans l’amphithéâtre d’El Jem, en Tunisie, laquelle des deux constructions était la plus imposante.


Bien naïvement, j’ignorais qu’il y avait au cœur de la Tunisie un colisée en aussi bon état. Il est pourtant l’un, sinon LE plus célèbre monument romain de Tunisie. Il a été construit par l’empereur Gordien vers l’année 230 de notre ère et serait le troisième plus grand du monde après ceux de Rome et de Capoue, en Italie. Il est donc le plus imposant d’Afrique et est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

El Jem compte aujourd’hui un peu plus de 20 000 habitants. La petite ville est plutôt calme et compte aussi un musée de mosaïques. L’animation se fait un peu plus importante à l’approche du site historique, où quelques stands pour les touristes sont installés. Un dromadaire, pour le folklore, patiente aussi près de l’entrée.

Là où on pourrait s’attendre à une affluence continue, à une longue file d’attente, il n’en était rien lors de mon passage. On entrait rapidement, sans bousculer qui que ce soit, au cœur de l’arène, où les gladiateurs s’exécutaient. Le point de vue est grandiose : les gradins paraissent si loin et si proche à la fois. Même vides, ils sont intimidants.

Ce jour-là, la lumière venait avec une chaleur insistante. Pour grimper jusque dans les hauteurs du colisée, il ne fallait pas se presser, sous peine d’écraser. Mais l’ascension en valait bien la peine. D’un côté, plus dégarni, on aperçoit au loin la ville moderne, ses boulevards, sa vie grouillante qui oublie un peu l’héritage des Romains qui agit comme point de repère. D’ailleurs, il n’est pas permis de construire des bâtiments de plus de cinq mètres de haut dans un rayon de 300 m à partir du centre de l’amphithéâtre. On s’assure ainsi qu’il continuera de dominer la ligne d’horizon.

De l’autre côté, en montant les escaliers, on reconnaît les enchevêtrements de passages derrière les gradins et on s’aventure un peu plus en altitude pour une vue à vol d’oiseau qui donne envie de s’attarder.

Vraiment, si le temps le permet, on peut y passer une éternité à être subjugué par les prouesses de construction réalisées il y a près de 2000 ans. On se meurt d’envie, aussi, d’attraper un spectacle ou une symphonie qui, apparemment, peuvent y être présentés de temps en temps.

Les Thermes d’Antonin sont particulièrement jolis en bordure de mer.

Selon l’UNESCO, ce colisée pouvait accueillir jusqu’à 35 000 spectateurs. D’autres sources parlent de 40 000. Son mur de podium, son arène et ses souterrains sont pratiquement intacts. D’ailleurs, on peut s’aventurer dans les profondeurs du colisée et réaliser à quel point il devait y faire sombre autrefois.

Il est l’un des rares monuments du genre à avoir été construit sur un terrain plat et appuyé complètement sur un système de voûtes. El Jem s’ajoute donc à Sbeïtla parmi les incontournables à visiter pour quiconque se connaît une fascination pour l’Empire romain. Et pour compléter le trio, quoiqu’il serait trop ambitieux de s’arrêter aux trois endroits dans une même journée, il ne faudrait surtout pas oublier Carthage, à une quinzaine de kilomètres de la capitale, Tunis.

Le site archéologique, lui aussi inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, côtoie la ville moderne. Carthage a pourtant été fondée par les Phéniciens au neuvième siècle avant Jésus-Christ. Il s’agissait d’un grand empire marchand en raison de sa proximité avec la mer Méditerranée. La Ville a ensuite été conquise par les Romains, qui l’ont reconstruite sur ses ruines.

Sur la colline de Byrsa, le musée de Carthage constitue normalement un bon point de départ, puisqu’il renferme des stèles, des statues, des amulettes, en plus d’offrir une vue saisissante sur la ville. Mais voilà, il est fermé pour rénovation au moins jusqu’en 2025, peut-être même en 2026, pour un grand projet de restauration entrepris avec la France. Idem pour l’ex-basilique, immense, située juste à côté.

Alors on peut à tout le moins s’aventurer vers les thermes d’Antonin, situés en bord de mer, qui figurent parmi les plus grandes d’Afrique. Une colonne de 15 mètres de haut donne une idée de l’imposante voûte qui recouvrait les bains froids. Elle était supportée par huit colonnes du même genre.

Tout près, le sanctuaire de Tanit, plutôt petit, n’a pas l’air de grand-chose. Il regroupe des monuments funéraires d’une autre époque dans un tout petit quadrilatère. Les touristes n’y affluaient pas lors de mon passage.

La petite ville d’El Jem compte un peu plus de 20 000 habitants et il est interdit d’y construire des bâtiments de plus de cinq mètres de haut autour de l’ancien colisée romain.

Pourtant, selon notre guide, il s’agit d’un site où on sacrifiait autrefois des enfants. On croyait semble-t-il que les dieux se nourrissaient du sang des enfants, si bien qu’il était nécessaire de sacrifier son premier-né quand il atteignait l’âge de sept ans. Il n’existerait toutefois que peu de traces écrites de cette pratique et certains contestent aujourd’hui l’idée que les gamins reposant dans ce cimetière y étaient brûlés vifs.

Un peu plus loin dans Carthage, un énorme amphithéâtre, qui accueille aujourd’hui le Festival international de Carthage, servait autrefois aux jeux de cirque, aux combats d’animaux sauvages ou à ceux des gladiateurs. L’ensemble reconnu au patrimoine mondial compte aussi le cirque, le quartier des villas, des citernes et une réserve archéologique. On peut donc consacrer plusieurs heures à parcourir Carthage.

Une fois bien épuisé par toute cette histoire qui se déballe sous nos yeux, on gagne à s’offrir un coucher de soleil en ne pensant à rien d’autre à Sidi Bou Saïd, à un jet de pierre de Carthage. Cette ville bleue, qualifiée de Saint-Tropez de Tunisie, rappelle aussi les îles grecques. Assez touristique, la ville est idéale pour prendre un thé ou manger une sucrerie en même temps que le jour s’évanouit.

Le journaliste était l’invité de l’Office national de tourisme tunisien.