Plusieurs représentants de ces quatre compagnies ont en effet avalé leur café de travers mercredi matin en voyant le nom de leur entreprise être associé à celui de la fonderie dans un article de Radio-Canada intitulé « Voici les 89 entreprises polluantes que Québec autorise à déroger à la loi. »
On peut y consulter la liste des attestations d’assainissement délivrées aux industries. Ces attestations permettent, selon l’article de Radio-Canada, aux entreprises de « déroger à certaines normes ». Rappelons que la Fonderie Horne rejette actuellement dans l’air jusqu’à 100 nanogrammes d’arsenic par mètre cube, soit 33 fois plus que la norme québécoise.
Interrogée à savoir si les attestations d’assainissement sous-entendent forcément une dérogation à une norme environnementale, la directrice des communications du cabinet du ministre de l’Environnement Benoit Charette, Émilie Toussaint, s’est contentée de répondre que les détails concernant les 89 entreprises faisant l’objet d’une attestation d’assainissement seront donnés dans les prochains jours.
Par ailleurs, malgré les démarches effectuées par La Tribune auprès de l’instance régionale du ministère de l’Environnement, il n’a pas été possible non plus d’obtenir une réponse précise sur le contenu de ces attestations.
Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a quant à lui plaidé pour la patience en entrevue avec La Presse mercredi après-midi.
« Les normes changent. Il faut donner le temps aux entreprises de se conformer. Les pâtes et papiers, je viens de là. Si on change les normes, il faut laisser le temps passer. Règle générale, les sociétés veulent respecter les règles, mais ça prend du temps pour le faire. Ça prend des investissements », a-t-il dit.
Aucune dérogation
Or, toutes les entreprises de la région contactées par La Tribune nient avoir quelconque entente avec le gouvernement et expliquent que les attestations d’assainissement et les dérogations sont deux concepts complètement différents.
« Toutes nos usines opèrent à l’intérieur des normes prévues et nous n’avons aucune entente avec le gouvernement pour opérer au-delà de ces normes, indique Hugo D’Amours, vice-président communications, affaires publiques et développement durable chez Cascades à Kingsey Falls, qui déplore du même souffle les liens à l’intérieur de l’article entre la Fonderie Horne et plusieurs autres entreprises. Est-ce que d’autres papetières pourraient avoir une dérogation ou avoir négocié quelque chose? Je ne peux pas parler pour les autres, mais pour Cascades ce n’est pas le cas. »
« Toutes les entreprises dans notre secteur d’activité, parce que ce sont des émettrices, font l’objet d’une attestation d’assainissement, poursuit-il. C’est un outil que le gouvernement se donne pour, s’il le juge pertinent, resserrer les règles, mais ça n’a jamais été notre cas. On met beaucoup d’efforts pour réduire notre empreinte. On consomme 7 fois moins d’eau que la moyenne de notre industrie, on consomme 3,4 fois moins d’énergie que la moyenne et on émet 50 % moins de CO2. On n’est pas du tout dans une situation où on aurait une dérogation. »
La réaction était semblable chez Domtar à Windsor.
« Contrairement à ce qui a été rapporté dans les médias, l’attestation d’assainissement de l’usine Domtar de Windsor ne contient aucun allègement nous permettant de nous soustraire à nos obligations environnementales, indique la directrice aux communications et affaires publiques Providence Cloutier, par courriel. L’usine Domtar de Windsor est assujettie à l’attestation d’assainissement et doit en respecter les conditions pour demeurer en exploitation. L’usine de Windsor, construite en 1987, est une usine relativement moderne dans son secteur et les conditions d’opération de son attestation d’assainissement se réfèrent intégralement aux règlements adoptés en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement. »
Dans sa missive, elle indique que non seulement l’attestation ne comporte pas d’allègements, mais que celle-ci comprend même des exigences supplémentaires dans le cadre du Programme de réduction des rejets industriels.
« L’usine Domtar de Windsor est la seule usine de papiers fins à maintenir l’accréditation européenne Écolabel qui exige des critères de rejets et suivis encore plus sévères que la réglementation, ajoute-t-elle. C’est pourquoi au niveau de sa performance globale, les rejets dans l’air et dans l’eau de l’usine sont tous significativement inférieurs aux normes applicables. »
Même son de cloche chez Kruger dans le secteur Brompton à Sherbrooke où l’on assure le respect des normes environnementales en vigueur.
« Pour l’ensemble des établissements de Kruger au Québec, nous respectons les normes, martèle Jean Mageau, vice-président principal affaires corporatives et communications. Nous ne bénéficions d’aucune exemption ou dérogation. Il n’y a aucune raison de s’inquiéter de Kruger à Sherbrooke. Une attestation d’assainissement ne veut pas dire automatiquement non-respect des normes, bien au contraire. »
Une autre entreprise estrienne, soit Graphic Packaging d’East Angus, se trouve également sur la liste dévoilée mercredi. Elle a cependant refusé la demande d’entrevue de La Tribune.
L’industrie des pâtes et papiers se trouve quand même parmi les plus polluantes du Québec selon Statistique Canada.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/OMP2F3DUPRHTBBDESUYIAUY4HA.jpg)
Pas de passe-droit
La mine de calcaire et de production de chaux de Marbleton, Graymont, ne fait pas exception. Le directeur d’usine de Marlbeton, Alexandre Renaud, stipule que son entreprise ne fait l’objet d’aucun passe-droit. Il précise toutefois qu’il y a une dizaine d’années, son entreprise a dû s’adapter.
« Au tout début de l’attestation, on avait deux critères qui dépassaient la norme selon les calculs du ministère, dont le pourcentage de soufre dans les combustibles. On a réglé ça en dedans de deux ans. C’est peut-être une situation comme celle-ci qui explique que dans le cas d’autres usines, comme la Fonderie Horne, il faut plus de temps pour arriver à rejoindre la norme. Mais dans notre cas, présentement, il n’y a aucun critère ni dans l’air ni dans l’eau ni la poussière qui dépasse les critères des règlements en place », dit-il.
Il ajoute du même trait que non seulement l’attestation d’assainissement ne permet pas de dépasser les normes, elle oblige son entreprise à maintenir ses standards plus élevés en l’empêchant de régresser en matière d’environnement : « Si, par exemple, pour les carrières-sablières la norme sur les matières en suspension dans l’eau est à 50 milligrames par litre, dans notre attestation à nous on est à 25 parce qu’on est capables d’être à 25. C’est encore plus sévère. »
Loin de prétendre que son entreprise est sans impact environnemental, M. Renaud assure toutefois que ses performances en matière d’environnement reflètent ou excèdent les exigences en vigueur.