C’est que sur tout le territoire, seul l’hôpital de Gaspé offre le service d’avortement chirurgical. Une journée par semaine. Le mercredi.
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« Oui, le service existe, mais il n’est pas toujours facilement accessible, selon la région où les femmes habitent. Certaines devront se déplacer jusqu’à Gaspé, d’autres iront plutôt à Rimouski, parce que c’est plus près. Une seule journée de service, c’est peu. Il faut vraiment que ça fitte dans l’agenda à un moment où le temps qui passe compte. Ça peut mettre une pression sur la prise de décision et ajouter un stress supplémentaire », expose Léa Blouin-Rodrigue, agente de développement au sein de la Table de concertation des groupes de femmes de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.
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Celle-ci insiste sur la lourdeur de la logistique à prévoir pour les femmes qui souhaitent interrompre leur grossesse.
« Il n’y a pas de réel système de transport en commun, en Gaspésie, souligne-t-elle. Le bus passe le matin et le soir, c’est tout.»
Plusieurs personnes n’ont pas de voiture, elles doivent demander un congé du travail, trouver quelqu’un pour les accompagner, aussi, et faire plusieurs heures de route.
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«Ça complexifie les démarches, d’autant plus qu’on a réalisé qu’il y avait un réel vide d’information. C’est-à-dire que lorsqu’on tape les mots-clés ''avortement'' et ''Gaspésie'', on ne trouve pas de renseignements clairs sur les services offerts. C’est disparate, morcelé. On a donc travaillé sur une plateforme web qui réunira toutes les infos pertinentes et qui sera lancée en septembre. Ce microsite permettra aux femmes d’avoir en un clic toutes les ressources vers lesquelles elles peuvent se tourner », explique Léa Blouin-Rodrigue.
Autre particularité : la petitesse du milieu qui tranche avec l’immensité du territoire.
« L’enjeu de l’anonymat est propre aux régions éloignées. Certaines femmes préfèrent que l’entourage ne soit pas au courant, et il existe encore vraiment un tabou autour de l’IVG. On l’a constaté lors de nos appels à témoignages, même s’ils étaient faits de façon anonyme. On le voit aussi avec l’équipe de la clinique de planning : celles et ceux qui y travaillent ne sont pas très chauds à l’idée de dévoiler leur identité. Ils ne veulent pas se faire étiqueter par le voisinage, ils ne veulent pas être stigmatisés dans la communauté », expose Léa Blouin-Rodrigue.
Et ça aussi, c’est un élément qui ajoute à la complexité. En Gaspésie, mais aussi aux Îles-de-la-Madeleine, où l’avortement n’est offert qu’à Cap-aux-Meules, jusqu’à 16 semaines de grossesse.
Ça laisse un peu de temps, soit. Mais parfois, ce n’est pas suffisant.
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« Si une femme désire interrompre sa grossesse à l’extérieur des Îles pour préserver son anonymat, note Mme Blouin-Rodrigue, elle peut ne pas être capable de le faire, particulièrement en été. »
Le blâme revient à l’afflux touristique. Celui-ci est tel, explique Léa Blouin-Rodrigue, que les Madelinots ne peuvent pas entrer et sortir des Îles comme ils le souhaiteraient parce que tous les traversiers et tous les avions sont pleins.
« C’est un problème parce qu’on le voit, ça arrive : certaines femmes préfèrent se rendre à Rimouski. Ou même à Québec. »
Et là, elles se butent à d’autres obstacles. Parce que s’ajoute le délai avec lequel il faut parfois composer pour obtenir les services.
« À Québec même, parce qu’on dessert un vaste territoire, et selon les périodes de l’année, il peut y avoir jusqu’à trois ou quatre semaines d’attente pour avoir un avortement. Émotivement et psychologiquement, ça peut devenir anxiogène, surtout quand la décision est claire. Et physiquement, les hormones font leur effet. C’est difficile à vivre pour les femmes. En même temps, on sait que ce n’est pas volontaire de la part du milieu hospitalier. Ce n’est juste pas possible d’aller plus vite, avec les ressources humaines disponibles », note Sylvie Pedneault, directrice de SOS Grossesse.
À Gaspé, l’hôpital offre le service jusqu’à 12 semaines et six jours de gestation.
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« À partir de la 13e semaine de grossesse, on accompagne les femmes à l’extérieur de la région, au besoin. Un service de transport électif est offert, avec un montant pour couvrir les frais de repas et d’hôtel, comme c’est le cas pour n’importe quel autre soin de santé qui doit être offert en dehors », note la présidente-directrice générale adjointe du Centre intégré de la santé et des services sociaux (CISSS) de la Gaspésie, Connie Jacques.
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Le nombre d’interruptions chirurgicales de grossesse pratiqué à l’hôpital de Gaspé a varié entre 44 et 65 ces trois dernières années.
« Évidemment, on sait que nos chiffres ne sont pas tout à fait exacts, parce que certaines femmes vont se diriger vers la clinique de Rimouski, plus près d’elles géographiquement », précise Mme Jacques.
La possibilité d’ajouter un point de service ailleurs en Gaspésie a été envisagée, confirme-t-elle.
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« Pendant des années, on a observé les statistiques. Notre conclusion, c’est qu’en regard du volume d’avortement, et pour préserver l’expertise nécessaire, il est préférable de concentrer les soins à un seul endroit. Et de s’assurer, par ailleurs, que l’accès à l’interruption de grossesse par pilule abortive est plus facile sur l’ensemble du territoire », note Mme Jacques.
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Léa Blouin-Rodrigue plaide, elle, pour davantage de choix.
« La pilule abortive, c’est une option, bien sûr, mais il faut y avoir accès avant d’avoir atteint neuf semaines de grossesse. C’est une courte fenêtre, parce qu’il n’est pas rare que les femmes réalisent qu’elles sont enceintes alors qu’elles ont déjà franchi le cap des six ou sept semaines. Et la pilule abortive, c’est une méthode qui ne plaît pas à toutes, parce qu’elle renvoie à une interruption de grossesse que tu vis seule, chez toi. Ça n’a pas les mêmes effets sur le corps qu’une interruption chirurgicale », résume l’agente de développement.
« Ce qu’on souhaite, poursuit-elle, c’est qu’il y ait moins d’embûches et que chaque femme de la région ait facilement accès à la méthode d’avortement qui est la plus rassurante pour elle. »
Et pour ça, oui, il y a encore du chemin à faire.