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Le vélo à obstacles

Tous les jours, un train bloque cette piste cyclable longeant la rivière Magog, parfois pendant plus d’une heure.

CHRONIQUE / Dès qu’on parle de transport collectif ou de transport actif, il y en a toujours pour évoquer une guerre à l’automobile. Pourtant, quand on regarde l’argent et l’énergie mis sur chacun de ces dossiers, les vélos et les autobus sont encore très loin derrière les voitures.


Le vélo coûte moins cher à la société que l’automobile, drastiquement moins cher. Investir un million de dollars sur une piste cyclable a beaucoup plus d’impact que le même million sur une rue.

Pour donner une idée, avec 17 millions, Montréal a créé ou retapé 36 kilomètres de pistes cyclables. Prolonger l’autoroute 410 de quatre kilomètres a coûté 75 millions. Autrement dit, un kilomètre de piste cyclable, environ 0,48 millions, un kilomètre d’autoroute, environ 18,75 millions.

Construire une autoroute coûte plus cher qu’une simple rue, d’accord. Mais une piste cyclable, c’est un peu comme une autoroute pour vélo, c’est un espace réservé pour ce transport.

Je pourrais aussi dire que le vélo a un coût presque nul lorsqu’on accepte de partager la route.

Les pistes cyclables sont, en théorie, des liens express pour vélo. Pourtant, on ne cesse de mettre des obstacles. Plusieurs entrées de pistes cyclables sont agrémentées de blocs de béton ou de barrières pour bloquer d’autres moyens de transport de les utiliser, sauf que ceux-ci sont parfois tellement efficaces qu’ils bloquent aussi les vélos.

C’est comme si au bout des entrées d’autoroutes, il y avait chaque fois des obstacles qui obligent à ralentir à 10 km/h pour embarquer sur la voie rapide. Je doute que les automobilistes acceptent ça longtemps.

C’est aussi fréquent qu’on bâtit les pistes cyclables sans trop se demander si le trajet est optimal ou pratique.

L’exemple de la piste longeant la rivière Magog entre Rock Forest et le lac des Nations est un bon exemple. Près du pont Jacques-Cartier, la piste cyclable doit traverser le chemin de fer. Rien de bien grave à première vue. Sauf qu’il y a souvent un train stationné à cet endroit.

Pourquoi? Parce que la gare de triage utilise cette portion pour des manœuvres de convois ferroviaires.

Encore une fois, les automobilistes ne tolèreraient pas — avec raison — que des trains se stationnent sur les rues Aberdeen ou King. Les quelques minutes de son passage sont bien assez longues déjà!

Les trains immobilisés sur la piste cyclable peuvent être longs et impossibles à contourner selon les usagers.

Des cyclistes disent que la piste cyclable est parfois bloquée plus d’une heure. Et ça arrive tous les jours selon des usagers réguliers de cette piste.

Mine de rien, c’est un détour d’environ deux kilomètres si la personne arrive de l’ouest.

On peut se demander pourquoi personne n’a pensé à créer un tunnel ou un viaduc lors de la mise en place de la piste cyclable. Probablement parce que le vélo est encore trop souvent considéré comme un loisir et non comme un moyen de transport.

Devant ce problème, le conseiller municipal Marc Denault et la Ville de Sherbrooke disent que c’est de compétence fédérale, les chemins de fer, et renvoient la balle vers la députée Élisabeth Brière. Réponse un peu facile, les pistes cyclables ne sont pas de juridiction fédérale. Je doute qu’on en fasse aussi peu si c’était une rue principale qui était bloquée comme ça.

C’est le manque de proactivité qui ressort souvent en politique quand on parle de transport durable. Et le manque de considération généralisée. Le triage n’a pas l’air de trouver ça grave de bloquer une piste cyclable non plus.

Dangereuse trottinette

Prenons aussi le cas des trottinettes électriques. Ça fait depuis 2019 que le ministère des Transports mène un projet pilote. C’est long un peu comme évaluation.

À Montréal, les conclusions envers la trottinette électrique ont été négatives, mais pas pour des raisons de sécurité. Ce qu’on déplore surtout, c’est que les gens laissent les trottinettes un peu trop n’importe où. Seulement une sur cinq était stationnée dans les endroits prévus.

Mais ici, on parle des trottinettes louées par des entreprises comme Lime ou Bird. Ce problème est bien réel et pas seulement à Montréal. Plusieurs grandes villes américaines ont aussi ce problème, parce que ces entreprises laissent leurs clients les déposer n’importe où.

Sauf que si le problème c’est la mauvaise gestion des entreprises qui en louent, pourquoi continuer de l’interdire pour les gens qui s’en achètent? J’ai de la misère à croire que ces propriétaires vont laisser trainer leur engin n’importe où. Les projets pilotes n’ont pas démontré d’enjeux de sécurité pire que les autres moyens de transport.

Encore une fois, ce dossier illustre le manque de proactivité et le manque d’énergie que nos différents gouvernements démontrent lorsque ça concerne un autre moyen de transport que l’automobile.

J’ai évoqué ces deux histoires, mais j’aurais pu parler de la possible piste sur l’ancien chemin de fer de Québec Central dont les études de faisabilité se font toujours attendre. Je pourrais parler des rues piétonnes abandonnées. De toutes ces fois où on préfère protéger des stationnements plutôt que de faire une place aux cyclistes. De l’abandon des correspondances en transport en commun si on n’a pas de billets électroniques.

Notre société devrait en ce moment déployer un maximum d’énergie pour encourager et faciliter le transport actif et le transport collectif. Et ce n’est pas ça du tout qu’on observe.

Est-ce qu’il y a plus d’investissements qu’il y a 20 ans? Oui. Est-ce qu’on sent un virage majeur? Non. Ça avance encore à tâtons, avec timidité.

Les gouvernements se pensent audacieux à la moindre petite annonce alors qu’en fait, ces annonces témoignent de rattrapages attendus depuis longtemps.

C’est encore plus frappant quand on se compare avec l’Europe où le vélo a régulièrement priorité sur l’automobile, où on peut avoir accès à tous les transports en commun d’un pays pour 9 euros par mois.

Se déplacer à pied, en vélo, en trottinette, en skate, en autobus, ça devrait tout le temps être facile. Pas un combat.