Selon le rapport Présence et portraits régionaux des personnes immigrantes admises au Québec de 2010 à 2019 du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, la MRC des Sources n’a accueilli que 38 immigrants depuis 2010 alors que les MRC de Coaticook (67), du Granit (70), du Val-Saint-François (114) et du Haut-Saint-François (133) n’ont guère eu plus de nouveaux arrivants.
L’Estrie représente 5,8 % de la population, mais n’a reçu que 2 % des immigrants depuis 2010. Ce faible influx d’immigrants, autant à Sherbrooke que dans les villes et villages environnants, met évidemment beaucoup de pression sur le marché de l’emploi dans la région qui manque tout simplement de travailleurs.
Le gouvernement Legault a déjà annoncé son intention d’accueillir environ 70 000 immigrants en 2022, mais ce ne sera pas encore suffisant selon Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ). L’organisme qui représente 13 600 entreprises qui contribuent à 12,6 % du PIB de la province demande, en marge de la campagne électorale qui approche, d’augmenter les seuils d’immigration à 90 000 personnes immigrantes par année pour trois ans.
«Recruter au Québec, c’est comme pêcher dans un lac vide, mentionne-t-elle en entrevue avec La Tribune. Il n’y a pas de travailleurs. L’augmentation des seuils est un incontournable. Si vous êtes un restaurateur et que vous manquez d’employés, vous allez fermer deux jours. Dans un hôtel, vous allez réduire la capacité d’hébergement, mais l’entreprise manufacturière à Coaticook par exemple doit rouler. Elle ne peut pas fermer une journée donc ça prend des travailleurs.»
Près de 70 % des immigrants arrivés depuis 2010 se sont installés dans la région métropolitaine de Montréal. MEQ propose donc de mettre en place un incitatif financier de 10 000 $ par année non imposable par personne pour les immigrants qui vont travailler en région afin d’encourager la régionalisation de l’immigration. La capacité d’accueil est également au cœur du problème selon Mme Proulx.
«Il faut travailler sur l’hébergement abordable, le transport en commun et avoir de l’espace dans les différents services comme les hôpitaux, les écoles ou les garderies. C’est vrai autant pour les employés temporaires que permanents.»
Mme Proulx estime aussi que la transition de l’immigration temporaire vers permanente devrait être facilitée.
«On accueille déjà des travailleurs immigrants temporaires, on demande aux partis de mettre en place une voie rapide à l’immigration permanente pour que ces gens puissent rester, souligne-t-elle. Si on prend les travailleurs étrangers temporaires qui sont en région notamment à Coaticook et qu’on leur donne une voie rapide, c’est intéressant parce qu’ils sont déjà là.»
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Bâtir des communautés
Le grand défi des régions est de bâtir des communautés d’accueil pour les personnes immigrantes selon le professeur Raoul Gebert de l’Université de Sherbrooke, spécialiste en intégration régionale.
«Ça passe beaucoup par des relations ou des contacts qu’on a déjà, explique-t-il. Beaucoup d’immigrants vont avoir un cousin ou un oncle ou ils vont essayer de se greffer à des réseaux qui existent déjà pour obtenir de l’entraide ou des conseils. Et ces réseaux n’existent pas nécessairement pour toutes les communautés dans toutes les régions du Québec. Un nouvel arrivant, un réfugié ou même un travailleur temporaire doit s’orienter quand il arrive.»
L’objectif est de réussir à attirer les premiers membres d’une communauté immigrante pour pouvoir créer ce réseau social à l’extérieur des grands centres.
«On peut présumer qu’une fois qu’une première porte a été ouverte et que des gens s’établissent, que des liens vont se créer et que d’autres gens de cette communauté vont être attirés, mentionne-t-il. C’est compréhensible que les gens s’orientent vers des gens qui leur ressemblent.»
Plus de 27 % des immigrants arrivés au Québec entre 2010 et 2019 ont décidé de quitter la province quelque temps après leur arrivée. M. Gebert estime que le processus d’admission pourrait être amélioré.
«Il y a énormément de gens qui viennent comme étudiant étranger ou des réfugiés, résume-t-il. Ce sont des gens qui veulent venir et qui veulent rester. Cette motivation est importante parce que le Québec et le Canada ne sont pas les seuls à vouloir attirer de la main-d’œuvre. Si on envoie le message qu’on met des barrières à vouloir s’établir de façon permanente, les gens vont aller ailleurs.»