Une deuxième église chauffée à la cryptomonnaie en Estrie

La municipalité de Martinville et son maire Michel-Henri Goyette s’en remettent à l’expertise développée par Projet BTU à Saint-Adrien pour diminuer la facture de chauffage de son centre communautaire, qui prend place dans l’ancienne église Saint-Martin.

Après celle de Saint-Adrien depuis quatre ans, c’est l’église du petit village de Martinville, dans la MRC de Coaticook, qui sera chauffée grâce à des serveurs de données à compter de cet automne.


Le Centre communautaire Saint-Martin économisera ainsi sur sa facture d’électricité, sera accessible et confortable 12 mois par année et pourra éventuellement utiliser son énergie de surplus pour chauffer une serre communautaire, s’enthousiasme le maire de Martinville Michel-Henri Goyette.

«Il fallait qu’on change notre système de chauffage qui était devenu désuet, relate-t-il. On a regardé différentes options (…) et ce sont des jeunes qui sont venus nous voir avec cette idée-là de chauffer avec des serveurs. Mais on ne voulait pas du problème de bruit qu’ils ont à Sherbrooke avec Bitfarms.»

L’expertise de Projet BTU



Les yeux se sont alors tournés vers Saint-Adrien où l’entreprise Projet BTU, créée en 2019 pour propager le concept né là-bas, a développé un système de récupération de chaleur innovant avec du refroidissement au glycol plutôt qu’avec de bruyants ventilateurs.

Il n’en fallait pas plus pour convaincre l’administration municipale de signer une entente de 10 ans avec eux.

«À Saint-Adrien, ça fait quatre ans que leur projet est en place et qu’ils le peaufinent. Ils sont capables de faire chauffer un spa et ils font pousser des melons d’eau dans une serre! Leur expertise est solide», estime M. Goyette.

«Après quatre années à faire des tests, à monter des prototypes et à améliorer la chose, on est rendu à l’étape où on est satisfaits de notre module de chauffage et on peut se permettre de l’exporter vers d’autres municipalités», renchérit Patrick Lussier, directeur général de Projet BTU.

«On sait qu’à Saint-Adrien, même si c’est un projet privé dans l’église, ç’a amené un gros regain à la communauté et on espère que ça puisse se reproduire dans d’autres milieux», ajoute-t-il.

Le Centre Saint-Martin est fréquenté par la communauté pour plusieurs activités dont des séances de cinéma organisées par le comité de loisirs.

Cinéma et gymnase

Cela fait cinq ans déjà que la municipalité de Martinville est propriétaire de l’église Saint-Martin, qu’elle rénove et convertit peu à peu en centre communautaire. La pandémie a freiné l’élan depuis deux ans, mais la volonté du conseil municipal est toujours là, assure Michel-Henri Goyette.

Outre la conversion du système de chauffage cet automne, on doit aussi entreprendre le remplacement des fenêtres. Éventuellement on installera une plateforme élévatrice pour les personnes à mobilité réduite et on se lancera dans les travaux de peinture.

À l’intérieur, la nef accueille déjà des projections de films et d’autres activités diverses, avec ses tables de ping-pong et ses mini-buts de soccer. 

«Une fois qu’on aura installé une toilette à l’étage, les enfants de l’école pourront se servir du lieu pour les cours d’éducation physique par mauvais temps», envisage le maire. 

Au sous-sol, la salle paroissiale était déjà offerte à la location et sera encore plus convoitée quand elle sera chauffée toute l’année.

Si la conversion du système de chauffage de l’église Saint-Martin se déroule comme prévu, la municipalité de Martinville envisage de construire une serre communautaire entre l’église et le presbytère qui serait chauffée plusieurs mois par année par le surplus d’énergie.

Un watt, deux usages

Le système de Projet BTU consistera à mettre en place quatre modules de serveurs informatiques qui seront utilisés par sa clientèle en cryptominage pour une capacité totale de 28 kW.

Comme ces serveurs dégagent beaucoup de chaleur, on le sait, des pompes vont faire circuler cette énergie dans le reste du bâtiment plutôt que de la rejeter vers l’extérieur. 

Chaque watt d’électricité aura ainsi un double usage, faire du calcul et réchauffer l’air. 

Et tout cet arsenal prendra place dans le même espace que la vieille fournaise à l’électricité de l’église et ne fera pas plus de bruit que les radiateurs à l’eau chaude existants, promet-on. 

Selon l’entente, Projet BTU va assumer 50 % des coûts d’électricité de l’église en hiver et 100 % en été, ce qui devrait représenter des économies de 12 000 $ par année pour la Municipalité, détaille M. Goyette.

Et le lieu sera accessible 12 mois par année pour les activités de la communauté, alors que présentement, il est chauffé à un minimum de 10-12 degrés par temps froid...

Martinville a d’ailleurs obtenu une subvention de 10 000 $ du Fonds vitalité des milieux de vie de la MRC de Coaticook pour ce projet. Le reste de la facture d’environ 40 000 $ sera assumée par la municipalité via les sommes qu’elle reçoit du Programme 2019-2023 de la taxe sur l’essence et de la contribution du Québec.

«Si des citoyens à Martinville sont inquiets que leurs taxes augmentent à cause de ce projet, il n’en est pas question, lance M. Goyette. Ce n’est même pas un enjeu.»