Chronique|

La fierté caquiste

François Legault et la CAQ mènent une large campagne publicitaire pour vanter le bilan de leur premier mandat.

CHRONIQUE / Vous l’avez sûrement vu, vous aussi. Moi, je la vois partout. «Maintenant. Le bilan.» Une grosse campagne publicitaire de la CAQ pour vanter ce qu’elle considère comme ses bons coups des quatre dernières années. Jetons un œil sur ce qui rend fiers les caquistes.


Premier constat en regardant rapidement cette liste de 104 «changements qui prouvent hors de tout doute que la CAQ tient ses promesses», c’est que le parti a ratissé large.

Tenez, le #54 : «Un premier ministre compétent en économie et proche du monde». Non seulement c’est très subjectif, mais où est la pertinence de ce point? Si je demande à un joueur de l’Avalanche de dresser un bilan de leur saison, s’il me répond «je pense qu’on est les meilleurs», ce n’est pas un bilan, c’est une émotion. 

Juste pour qu’on comprenne bien à quel point la CAQ se trouve bonne, le point suivant, le #55, on retrouve : «Une équipe de ministres efficaces et solides». L’humilité n’est pas une valeur caquiste.

Parmi ce bilan, certains éléments sont assez secondaires. La lettre ouverte signée par le ministre Roberge et le ministre français Blanquer fait partie du bilan. Je ne sais pas trop quoi penser d’un gouvernement qui considère qu’une lettre ouverte est une réalisation. Ça ne met pas la barre haute, mettons. 

Il y a des trucs plus sérieux dans cette liste. Le dossier Internet haute vitesse en est un. Le branchement a effectivement beaucoup avancé pendant le mandat caquiste. L’augmentation de la collaboration des pharmaciens et pharmaciennes dans le système de santé aussi. Augmenter le nombre de fonctionnaires en région est un point positif. La création d’un Tribunal spécialisé pour les violences sexuelles et conjugales également. Comme l’aide pour l’achat de lunettes pour les moins de 18 ans.

Sur d’autres éléments, il est tôt pour savoir si ça sera une réussite. Les changements que le ministre de la Santé, Christian Dubé, veut mettre en place, par exemple. C’est seulement dans le prochain mandat qu’on va pouvoir juger de leurs qualités. 

Et sur plusieurs autres, le CAQ embellit le portrait. Oui, le gouvernement a augmenté le salaire des préposées aux bénéficiaires et fait de grandes embauches, mais l’aurait-il fait sans la crise sanitaire? Aurait-il accepté d’améliorer les conditions dans le système de santé sans cette énorme pénurie de main-d’œuvre?

Même chose pour l’augmentation du salaire dans les services de garde, des hausses «historiques» selon le #73 du bilan, mais les éducatrices et le personnel de soutien ont dû se battre pour avoir ces hausses.

L’équipe de François Legault se vante d’investissements «historiques» dans la rénovation et la construction des écoles, mais si on fait un portrait global, la réalité est que la moitié des écoles est toujours en mauvais ou très mauvais état. Le gouvernement n’a pas atteint sa cible, même s’il l’a diminué.

Parle-t-on du bilan environnemental? La CAQ se vante d’avoir le meilleur bilan de l’histoire du Québec, mais il est bien le seul à y croire. 

Le Journal de Québec a sondé plusieurs spécialistes concernant ce bilan. Les qualificatifs qu’on y retrouve parlent de «bilan plutôt neutre», d’un «bilan plutôt léger» et d’un «manque de cohérence». Il y a même un «pitoyable» lorsqu’on aborde le dossier des transports.

La fin de l’exploration et de l’exploitation gazière au Québec est une bonne chose – bien que le sacrifice ne soit pas bien grand –, mais la CAQ demeure un gouvernement qui voit le gaz naturel comme une énergie de transition. C’est une équipe qui accuse les critiques de faire une guerre à l’automobile. C’est un parti qui s’entête dans des projets autoroutiers qui vont empirer les problèmes de circulation, empirer l’étalement urbain et empirer le bilan carbone. C’est un gouvernement qui retire des voies réservées au transport en commun d’un projet et qui déclare après que ce projet est plus écologique que jamais. 

C’est aussi le même gouvernement qui se permet de diminuer les normes environnementales pour accélérer des travaux. Qui augmente les taux de contaminants dans l’air.

La CAQ se targue d’être le gouvernement qui a investi le plus d’argent en environnement, dont son plan de 7 milliards, mais quand on compare la proportion du budget consacré à l’environnement aux budgets précédents, le portrait n’est pas si différent des autres gouvernements. Le prorata est similaire – ce qui est plutôt inquiétant vu la crise climatique.

François Legault ne s’intéresse à l’environnement que lorsqu’une opportunité économique a des avantages environnementaux. 

J’aurais pu aussi critiquer toutes les politiques qui stigmatisent ou mettent des obstacles sur la route des personnes immigrantes ou ayant une autre culture que celle de l’héritage catholique. Si le gouvernement mettait autant d’énergie en environnement que sur ce dossier, le Québec pourrait être un leader vert. 

La CAQ se vante d’être transparent, alors qu’on ne sait toujours pas si le Directeur de la santé publique peut faire une recommandation qui va à l’encontre des volontés politiques du gouvernement, que le parti fait croire qu’une entrevue ciblée et payée est un vox pop, que le gouvernement refuse toujours de publier les supposées études sur le troisième lien ou refuse d’améliorer la Loi sur l’accès à l’information et multiplie les documents caviardés. 

Et là, je n’ai même pas évoqué les promesses écartées, comme la réforme électorale qui aurait permis d’avoir une meilleure représentativité à l’Assemblée nationale. C’est là qu’il est bien de rappeler que 62 % de l’électorat n’a pas voté pour eux la dernière fois et que présentement, 58 % n’ont toujours pas l’intention de voter pour eux.

Mais ça, ça ne préoccupe pas la CAQ tant que ça. Ce qu’elle veut, c’est avoir beaucoup de député·e·s.