Il faut voir cette estimation comme une limite maximale dans le cas où le redouté mollusque réussirait à s’établir et à se propager significativement dans ce plan d’eau, nuance le ministère fédéral.
L’étude s’est intéressée à la valeur économique totale (VET) de l’actif environnemental qu’est le Memphrémagog, qui est le réservoir d’eau potable de quelque 175 000 personnes.
Cette VET est calculée à partir de la valeur de plusieurs activités : les activités touristiques, la pêche sportive, la navigation de plaisance et les résidences riveraines, entre autres. L’étude s’est aussi penchée sur la perte de valeur qui pourrait survenir avec l’établissement et la propagation de la moule zébrée.
«On sort du cadre comptable traditionnel, explique Diego Munoz, chef des analyses économiques au sein des services stratégiques de POC de la région du Québec. Admettons qu’on ferme une usine, c’est assez tangible, ça se compte en dollars (…) Dans une approche environnementale, avec les concepts de valeur économique totale, on prend en considération ça, mais on va plus loin. On essaie d’aller capter tous les bienfaits ou les bénéfices associés à l’actif environnemental que l’on est en train d’étudier.»
«On s’intéresse même à la valeur des legs. C’est un peu plus abstrait; c’est comme la valeur économique associée à la préservation de l’actif environnemental pour des générations futures. Autrement dit, le fait de protéger un actif, c’est quelque chose qui n’a pas de valeur monétaire, mais on va lui attribuer une valeur avec certains calculs et hypothèses… Ça nous permet d’établir un portrait quand même assez large de la valeur de cet actif environnemental, surtout des biens et des services qui sont offerts.»
Ainsi, les analystes ont voulu voir comment la valeur des biens et services écosystémiques pourrait être affectée.
Des nuances
Le Ministère nuance toutefois les données. Selon des travaux de biologistes indépendants, la densité de la population de la moule zébrée pouvant s’établir dans le lac à partir de 2024 (soit sept ans après sa détection) est faible en raison des conditions physicochimiques qui ne sont pas favorables à «une forte propagation». La probabilité que des impacts économiques surviennent est faible, avance donc le Ministère.
Les résultats représentent une valeur cumulative et actualisée sur une période de 20 ans.
Le lac Winnipeg au Manitoba, comme le lac Memphrémagog, n’était pas considéré comme un plan d’eau propice à l’invasion de la moule zébrée, selon une étude d’évaluation de risques de POC effectuée en 2012.
«Pourtant, la présence de moules zébrées a été détectée en 2013 au lac Winnipeg et en 2017 au lac Memphrémagog», souligne une étude de population des moules zébrées au lac Memphrémagog et dans les environs, parue en 2020, menée avec l’Université McGill.
L’analyse économique de Pêches et Océans Canada, commencée en 2019 (donc avant la pandémie), a été réalisée par des économistes du ministère des Pêches et des Océans (MPO) afin d’éclairer la prise de décision du Programme de gestion des espèces envahissantes du MPO.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/UOBE6FL6SBFXVN4BEGRFHZZFN4.jpg)
Des conséquences coûteuses
Par ailleurs, les conséquences économiques des EEE se font bien sentir un peu partout sur la planète, selon les données du Plan de lutte contre les espèces exotiques envahissantes animales du gouvernement québécois.
Ce plan fait ressortir que dans la région des Grands Lacs, «les espèces envahissantes animales du milieu aquatique entraînent à elles seules des pertes de plus de 7,5 milliards de dollars pour le territoire canadien».
Aux États-Unis, les pertes économiques liées aux EEE s’élèvent à plus de 120 milliards de dollars américains annuellement, indique-t-il également.
Le document observe également que la prévention de l’introduction des EEE et de leur propagation constitue «la façon la plus efficace et la plus rentable de s’attaquer au problème». «Une fois qu’une EEE est établie, il est très difficile, voire impossible de l’éradiquer.»