Autrement dit, on revient d’Eastman avec le sentiment d’avoir rencontré des personnages attachants et touchants, mais sans avoir ri à s’en tenir les côtes. L’auteur et metteur en scène Mario Jean, qui signe ici sa première pièce de théâtre, a surtout misé sur les « sommets » personnels que doit gravir chacun des six protagonistes de cette comédie dramatique. Ce faisant, il a un peu négligé le bouton « rires ».
Remarquez, l’humoriste n’est pas de la génération des tireurs d’élite du gags, faisant plutôt partie de l’école de ceux et celles qui ne cherchent pas l’hilarité à chaque ligne. Peut-être est-ce même son intention de justement profiter de ce premier essai sur les planches pour montrer une autre facette de son métier d’auteur...
Il reste que son nom sur l’affiche crée une forme d’attente, qui n’est pas entièrement comblée. Quelques moments plus réussis viennent compenser en partie le sentiment qu’on aurait pu retravailler ce texte et cette histoire pour les emmener plus loin encore, notamment en matière de ressorts humoristiques. Il aurait aussi été possible de s’en permettre davantage dans le jeu d’acteur, qui reste ici un peu timide, comme si on avait trop eu peur des clichés.
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La coche de miss Parfaite
Kilimandjaro met en scène trois tandems : un homme (Jacques L’Heureux) qui n’est pas visiblement pas encore passé par-dessus son divorce, accompagné de son fils bougon et rebelle (Samuel Décary); deux amies (Marie Turgeon et Marie Charlebois) ayant chacune des soucis intimes (un mari écrasant pour l’une, un mal-être relié à un secret de moins en moins bien caché pour l’autre); et un couple maniaque de la forme physique (Métushalème Dary et Francis Vachon), insupportable dans sa recherche de perfection.
Bien vite, les petits soucis personnels de chacun émergeront, voire éclateront au grand jour, notamment quand Miss Parfaite, aidée probablement par le mal des hauteurs, pète sa coche devant la soumission de celle qui cite le nom de son mari Claude toutes les deux minutes (enfin, il se passe quelque chose et l’histoire prend un peu de rythme). Avec les difficultés qui augmentent au fil de l’ascension, les émotions effleurent la peau et les prises de conscience se font avec plus de lucidité.
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On devine tout le vécu de Mario Jean (qui a déjà gravi lui-même le Kilimandjaro en 2011) derrière plusieurs anecdotes, dont les défis de faire ses besoins dans un tel cadre et de dormir quand on entend tout ce qui se passe dans la tente voisine. Les saynètes en théâtre d’ombres sous ces petits dômes orangés sont d’ailleurs une belle trouvaille de mise en scène et ont quelque chose d’attendrissant.
À travers tout ça se glissent les névroses intimes et relationnelles de chacun, la plupart du temps tracées à gros traits, mais c’est du théâtre d’été, après tout.
Il faut toutefois souligner le travail très réussi quant à la scénographie, appuyée à la fois sur des projections et un décor caméléon capable d’épouser tous les motifs. Mais Kilimandjaro mériterait quand même un retour à la table de travail. Le filon est trop bon pour en rester là.