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Sbeïtla, des ruines romaines moins connues en Tunisie

Le forum romain de Sbeïtla peut recevoir 1500 spectateurs à la fois.

CHRONIQUE / Un arc de triomphe apparaît dans la lunette droite de la camionnette. Je sursaute en m’extirpant de la somnolence infligée par la chaleur et la route tunisienne. La ville de Sbeïtla, à près de trois heures à l’ouest de Sousse ou à trois heures et demie au sud de Tunis, se déployait en silence sous mes yeux.


Les sites de Carthage et d’El Jem, inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, sont sans doute plus connus. Plus visités aussi. Le premier, tout près de la capitale, Tunis, est facilement accessible alors que le second, un amphithéâtre rappelant le Colisée de Rome, est un monument imposant plus près de côtes et des stations balnéaires fréquentées par les Européens.

Il n’en reste pas moins que Sbeïtla représente sans doute le plus gros coup de cœur et la plus belle surprise de mon deuxième périple en Tunisie.

Avant la pandémie, on y recevait apparemment 120 000 visiteurs par an sur un site qui, en attendant d’être reconnu par l’UNESCO, souffre un peu d’un manque de signalisation... et de fonds pour sa protection. Les écritures des panneaux de signalisation s’évanouissent lentement sous les rayons du soleil. Embaucher un guide ou se munir d’une brochure pour bien comprendre ce qu’on voit apparaît donc judicieux.

Le site archéologique, qui comporte des mosaïques laissées elles aussi sans grande protection aux caprices du climat et des visiteurs, aurait une superficie d’environ 20 hectares. Les deux tiers du site seraient encore ensevelis. À voir les structures déjà révélées, on comprend que la ville ancienne, connue sous le nom de Sufetula, devait être immense.

Sufetula, qui comptait jusqu’à 12 000 habitants, agissait comme carrefour routier pour relier les principales cités antiques au premier siècle après J.-C. On rapporte par ailleurs que c’est dans cette ville qu’ont eu lieu les premières batailles entre les armées byzantines et musulmanes venues de Tripolitaine. Il s’agissait d’un centre agricole et commercial très important. Les habitants de la région se vantent encore aujourd’hui de posséder l’eau minérale la plus pure de toute la Tunisie. Pourtant, il ne pleut pas souvent à Sbeïtla.

On lance aisément que le taux d’humidité dans l’air est inexistant 342 jours par année. Au moment de mon passage, en mai, on rappelait que la dernière pluie datait de février 2022, et qu’avant elle, la précipitation la plus récente remontait à septembre 2020.

Pour la même raison, il fait chaud sur le site et l’ombre est rare. Organiser sa visite en conséquence demeure prudent. L’été, le mercure y varie en 30 et 36 degrés en général.

Le site de Sbeïtla est exceptionnel notamment en raison de trois temples au sein de son forum. Sur la photo, deux de ces trois temples.

Quelques joyaux

À première vue, en arrivant sur le site, on aperçoit surtout des ruines qui tentent de résister à l’herbe envahissante, des ruines d’églises, sept apparemment, qui se trouvaient en abondance dans la ville de Sufetula à l’époque. On aperçoit aussi les restes des pressoirs qui permettaient de recueillir l’huile d’olive. Ils possèdent toujours aujourd’hui les montants, les contrepoids et les cuvettes de l’époque. C’est que les oliviers sont omniprésents en Tunisie. Dans le seul gouvernorat de Kasserine, où se trouve Sbeïtla, on compte pas moins de 7 M de pieds d’oliviers.

Il y a bien quelques joyaux aussi, comme le forum et son capitole, une enceinte qui comporte trois temples consacrés respectivement à Jupiter, Junon et Minerve. Ils se trouvent encore aujourd’hui dans un très bon état et sont semble-t-il plutôt exceptionnels puisqu’on avait plutôt l’habitude de bâtir un seul temple dans les forums. Qui plus est, le bâtiment du milieu n’était accessible que par ses deux voisins à l’aide d’une passerelle.

Non loin de là, une église qui pourrait bien avoir été une cathédrale comporte un baptistaire traditionnel, une espèce de piscine ornée de mosaïques dans laquelle on plongeait les fidèles. On reconnaît aussi les thermes, ces bains où les hommes et les femmes faisaient leur toilette dans des espaces séparés.

Comme dans d’autres sites du genre, qui rappellent la religion catholique, les bâtiments ont parfois été démontés pour que leurs pierres servent à la construction de la grande mosquée de Kairouan, lieu important de la religion musulmane en Afrique du Nord.

La candidature du site archéologique de Sbeïtla, en Tunisie, a été déposée pour une reconnaissance au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Pour peu qu’on voyage en Tunisie à la bonne saison, notamment pendant les deux dernières semaines de mars, il est possible d’assister à des spectacles dans le théâtre romain, qui comporte évidemment une acoustique exceptionnelle. Il peut accueillir jusqu’à 1500 spectateurs. Le Printemps de Sbeïtla, un des événements phares, consiste effectivement à présenter du théâtre et du chant sur la scène extérieure.

Un musée, fermé le lundi, offre aussi une interprétation du site archéologique.

Sans les explications d’un guide, j’aurais probablement survolé le site en n’y voyant souvent que des amoncellements de pierres. Mais à comprendre son histoire et le risque que l’ancienne cité court à ne pas être protégée, je me suis égaré bien plus longtemps que la trentaine de minutes qu’on devait initialement accorder à la visite.

Notons que la région de Sbeïtla est aussi connue des amateurs de chasse, qui y traquent le sanglier de septembre à avril.

Le journaliste était l’invité de l’Office national du tourisme tunisien.