Ce sont les données recueillies par François Courcy, professeur titulaire au Département de psychologie de l’Université de Sherbrooke (UdeS). Il avance même que les «pertes de temps inutiles» sont nécessaires pour une entreprise d’aujourd’hui.
«Les groupes d’amis au travail diminuent l’intention de quitter son emploi, mentionne-t-il. Tu ne quitteras pas ta gang, même si la job est plate et la paie n’est pas bonne. C’est essentiel de jaser autour de la machine à café, les employeurs devraient y aller chaque jour. La qualité des relations avec ton superviseur et avec tes collègues est parmi les meilleurs facteurs de la santé psychologique.»
On est donc bien loin du «si tu as le temps de jaser, tu as le temps de travailler» qui prévalait il y a à peine quelques années.
«Contrairement à la réputation qu’on peut avoir, on est hyper travaillant, avance M. Courcy. On met jusqu’à 85 % de notre temps à produire alors qu’on devrait mettre un peu plus de temps dans les relations et dans l’amélioration du fonctionnement de l’équipe. De passer cinq minutes autour d’une machine à café chaque jour permet la rétention d’une personne que si elle devait partir vous coûterait 100 000 $. C’est du temps bien investi.»
Intelligence émotionnelle
C’est d’ailleurs l’intelligence émotionnelle, un concept qui regroupe les notions d’empathie, de motivation, de maîtrise et de conscience de soi ainsi que les aptitudes sociales, qui distingueront les employeurs de l’avenir, selon Jeannette Boulanger, directrice principale chez Raymond Chabot Grant Thornton, service-conseil.
«C’est d’être à l’écoute pour vrai et de ne pas juste faire semblant pour que la personne se sente considérée, souligne-t-elle. Si ce n’est pas déjà entamé, faites quelque chose, posez de petites actions.»
Et les solutions se trouvent bien souvent à l’interne selon Phillipe Marceau, directeur principal service-conseil et ressources humaines.
«Dans une équipe, il y a des gestionnaires qui l’ont naturellement et d’autres qui l’ont moins, explique-t-il. C’est d’identifier ceux qui l’ont pour mentorer les autres parce que ceux qui l’ont ne s’en rendent pas compte et ceux qui ne l’ont pas ne le savent pas.»
Les employeurs qui souhaitent améliorer leur rétention doivent donc favoriser la création de liens d’amitié entre leurs employés, mais aussi d’établir une relation avec leurs employés sur le plan personnel, selon les intervenants rencontrés par La Tribune.
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Charge de travail, entre perception et réalité
L’un des concepts amenés par le professeur François Courcy durant sa conférence est que la charge de travail perçue est plus importante que la charge réelle. Il faut donc creuser un peu lorsqu’un employé se sent surchargé. «Un employé qui a un emploi normal et qui se sent surchargé alors que tout le monde autour ne comprend pas, c’est peut-être la charge mentale aussi, lance le professeur. Par exemple, un jeune père de famille dont le bébé se lève trois fois par nuit. Il arrive le matin déjà épuisé. Ça peut expliquer pourquoi il perçoit sa charge autrement. Si on creuse autour, on comprend mieux. Je ne dis pas qu’il faut être lousse, mais d’avoir une compréhension de ce que vit en ce moment la personne, c’est vraiment important.»
À l’inverse, une charge de travail trop faible peut aussi avoir des effets dévastateurs. «Les gens ont une charge optimale, résume M. Courcy. Si tu as trop de job, tu en souffres. Mais on comprend maintenant que ne pas avoir assez de travail, ou que c’est ennuyant ou monotone, ça a un impact sur la santé aussi. On le voit avec les crises de mi-carrière parce que les gens connaissent leur job par cœur, n’ont plus de défis et font tout sur le pilote automatique.»