Chronique|

Sécuriser la chaîne d’approvisionnement des Amériques

CHRONIQUE / Même si la guerre est une horreur sans nom, force est d’admettre que c’est aussi une occasion de réfléchir à nos modes de production et notre dépendance à des continents éloignés.


La guerre en Ukraine nous fait réaliser l’importance de sécuriser la chaîne d’approvisionnement, d’abord en la ramenant plus près de nous en Amérique, puis en concentrant nos efforts à mieux intégrer les économies canadienne, américaine, mexicaine et sud-américaine dans le processus.

Nous le constatons, il faut clairement moins dépendre de l’Asie, de l’Europe et du Moyen-Orient. Il faut faire en sorte que l’on retrouve sur notre continent à peu près tout ce dont nous avons besoin pour fonctionner efficacement. Un réalignement des Amériques du nord au sud nous offrirait une sécurité sans pareille. Pour y arriver, il faut que ce modèle de production intégré bénéficie à tous, de l’Arctique canadien jusqu’à la Terre de Feu.

Quand on parle de fonctionner efficacement, on doit penser autant à la production manufacturière qu’à la production alimentaire. Tout comme on doit penser à un alignement militaire beaucoup mieux intégré dans les Amériques. L’enjeu principal ici est de nous assurer une production locale dans la chaîne d’approvisionnement d’intrants fondamentaux, tant en matière de technologies et de pièces entrant dans la fabrication des biens durables que d’intrants cruciaux dans le domaine de la production alimentaire.

Un des avantages de l’Amérique est qu'elle dispose d’un continent isolé et séparé du reste de la planète par quatre océans et est intégrée dans seulement six fuseaux horaires. Ce concept de continent isolé, facile à gérer sur le plan des intrusions et de l’immigration, devrait guider toutes les décisions de nos politiciens, particulièrement les principaux piliers économiques qui sont le Canada, les États-Unis, le Mexique et le Brésil. Nous devrions être alignés dans une nouvelle convention nord-sud des Amériques encore plus forte que la seule Organisation des États américains (OEA).

Soyons réalistes ici. Nous ne réussirons jamais à convaincre la planète de ramer dans le même sens que nous. Trop d’intérêts divergents, trop de différences sociales, culturelles et économiques nous séparent du reste du monde. Il est clair ici que de créer une puissance entre les deux Amériques devrait aller de soi et être totalement ancré dans nos stratégies politiques et économiques. Nous devrions créer un regroupement des 22 états des Amériques disposant d’objectifs alignés visant la prospérité de tous les membres en priorité.

L’affaiblissement inquiétant de l’unité européenne avec la guerre en Ukraine devrait nous faire réfléchir. Il faut réaliser que ce sont encore les États-Unis qui devront investir des milliards de dollars dans du matériel militaire pour soutenir l’Ukraine. On le voit bien, la communauté européenne n’est pas en mesure de se concerter et parler d’une seule voix. La problématique du gaz naturel russe dont dépend l’Allemagne est un exemple flagrant de la fragilité de l’Europe. La récente demande de la Suède et de la Finlande de joindre l’OTAN est un aveu d’échec de l'unité européenne.

Ces deux pays veulent joindre l'organisation parce qu’encore une fois, les États-Unis y seront le pilier et le pourvoyeur en chef. En fait, à ce stade-ci du conflit ukrainien, il n’en faudrait pas beaucoup pour que l’Europe éclate si l’OTAN était fragilisée par un repli des États-Unis. Même pour l’Europe, ce n’est pas normal qu’il en soit ainsi.

En concentrant nos efforts afin de nous affranchir de l’Eurasie en Amérique, du nord au sud par une politique d’influence économique et de sécurisation de la chaîne d’approvisionnement, nous disposerions d’une puissance inégalable et intégrée en plus de pouvoir y développer une route des transports du nord au sud, indépendante des marchés asiatiques.

Je suis d’ailleurs convaincu que Cuba, le Venezuela, Haïti, la Bolivie ou même le Nicaragua s’aligneraient volontiers avec une pensée priorisant les Amériques et qui concentrerait les ressources financières des quatre pays les plus riches, pour soutenir les économies des Amériques par l’intégration des chaînes d’approvisionnement du nord au sud.

Essentiellement, il nous faudrait créer de toute pièce une nouvelle organisation des états américains disposant autant de pouvoirs financiers que militaires avec une envergure telle que nous pourrions même envisager l’éradication de la production de la cocaïne en Amérique du Sud. Cela irait de soi puisque les pays du sud n’auraient plus aucun intérêt financier à en produire, bénéficiant en priorité des ressources financières et des investissements des pays les plus riches grâce à des chaînes d’approvisionnement totalement intégrées.

Mais pour réussir cela, il faudrait rapidement que nos politiciens réalisent que si nous ne faisons rien pour raccrocher le sud au nord de notre continent, le destin de l’Amérique du Sud se profilera de plus en plus sur des axes est-ouest, vers le Pacifique et l’Asie, et là, nous y perdons cette opportunité d’unifier les Amériques et ainsi, sécuriser les diverses chaînes d’approvisionnement.