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Effectivement, c’était le sujet de ma chronique du 5 novembre 2016. Je la republie au profit de toute personne qui l’aurait manquée à l’époque.

En regardant de plus près, vous vous apercevrez que, si vous vous enlevez ce « ne », non seulement votre phrase se tient encore, mais elle ne passe pas non plus du négatif au positif. C’est parce que ce « ne » est un « ne » explétif. Autrement dit, il ne sert... à rien.

Le mot « explétif » vient du verbe latin « explere », qui veut dire « remplir ». Un mot explétif, c’est donc un mot qui ne fait que du remplissage. Il n’est pas nécessaire au sens ni à la syntaxe de la phrase.

On rencontre des mots explétifs dans plusieurs tournures familières. Par exemple : « Regardez-moi ce gâchis! » Vous pouvez très bien retirer le pronom « moi », la phrase garde le même sens. Même si vous avez ajouté le pronom « moi », vous vous attendez à ce que votre interlocuteur regarde le gâchis, pas vous-même. Le « moi » ne sert ici qu’à créer un effet de style. Il donne l’impression que la personne qui parle est encore plus engagée émotivement dans l’action qui vient de se produire.

Mais le « ne » explétif est certainement le plus courant. La Banque de dépannage linguistique mentionne d’abord son usage avec les adverbes de comparaison comme « plus, davantage, moindre, meilleur, pire, mieux », lorsqu’ils sont utilisés avec « que ».

On l’emploie aussi à proximité de verbes de doute ou de risque comme « craindre », « redouter », « empêcher » ou « éviter ». Finalement, il se faufile derrière des locutions conjonctives telles que « avant que » ou « à moins que ».

« Il est plus intelligent qu’elle ne le pense. »

« Le maire souhaite empêcher que le projet ne soit bloqué. »

« Je crains que vous ne soyez renvoyés. »

« Je m’en vais, à moins qu’elle n’arrive dans la prochaine minute. »

Le plus important à retenir avec le « ne » explétif, c’est que vous pouvez très bien l’enlever s’il vous gêne trop. Personne ne viendra rougir votre copie.

***

« Ma mère disait : \"Tu apportes ce qui est inerte comme une table, un pain, un pantalon, mais tu amènes ce qui est mobile comme ton frère, ton vélo ou ton chien.\" Est-ce exact [René Hamel, Trois-Rivières]? »

J’ai tenté de faire le tour de la question dans ma chronique du 18 novembre 2017 (non seulement quant à la différence entre « amener » et « apporter » mais aussi entre « amener » et « emmener ») ainsi que de plusieurs autres interrogations connexes. Je vous offre donc également ce texte en rappel.

La plupart des gens savent qu’avec des êtres animés (personnes et animaux), il faut utiliser « amener » et « emmener », alors qu’avec des objets, ce sont les verbes « apporter » et « emporter » qui sont de mise. Une première chose de réglée.

Quelle est maintenant la différence entre « amener » et « emmener » (ou « apporter » et « emporter »)? Mon truc, c’est un petit mantra facile à retenir : « Amener ici, emmener là-bas. » Amener, c’est faire venir avec soi. Emmener, c’est faire partir, faire quitter un lieu avec soi. Le même raisonnement s’applique à « apporter » et « emporter » (apporter ici, emporter là-bas). C’est pourquoi on parle, au restaurant, d’une commande à emporter (et non « pour sortir », encore moins d’un « take-out ».

Toutefois, plusieurs ouvrages de référence (notamment le Multidictionnaire et même la Banque de dépannage linguistique) vous diront qu’amener une personne suppose qu’on la laisse à l’arrivée.

Cette nuance, je la trouve complètement dépassée et je ne suis pas le seul. Des dictionnaires, comme Difficultés et pièges du français de Larousse ou le Dictionnaire Bordas, n’en ont cure. Pourquoi? Primo, parce qu’il y a des contextes où il est impossible de savoir si la personne qui a amené l’autre l’a quittée à l’arrivée. Secundo, quel autre verbe faudrait-il employer lorsqu’on demeure avec la personne, par exemple si vous avez amené quelques amis à la réunion à laquelle vous participez? Ça, personne n’y répond.

Autre question : quel verbe utiliser lorsqu’il est question d’une chose qui se meut par elle-même?

Dans ces cas-là, c’est « amener » qui l’emporte sur « apporter », en devenant synonyme de « diriger ».

« J’amènerai ma moto demain. »

Finalement, que faire lorsqu’il est question de choses abstraites ou immatérielles?

Les deux mots peuvent s’employer. Selon le contexte, « amener » et « apporter » prendront donc le sens de « diriger, occasionner, fournir, entraîner »...

« Sa plume a apporté beaucoup d’âme à son roman. »

« Les décisions du maire ont amené plusieurs changements. »

Il y a quand même quelques cas où l’usage hésite. Ainsi, on retrouve dans les dictionnaires aussi bien la locution « amener de l’eau au moulin » qu’« apporter de l’eau au moulin », probablement parce que l’eau peut aussi bien être apportée dans des seaux que se mouvoir elle-même par dérivation.

Pour finir de compliquer tout ça, sachez que l’on peut aussi bien ramener quelqu’un ici... que là-bas! Le verbe peut signifier « amener une deuxième fois », mais également « faire revenir quelqu’un au lieu qu’il avait quitté ». En ce sens, il devient presque synonyme de « remmener », à une nuance près : on remmène quelqu’un qu’on avait d’abord amené.

Les mêmes différences s’appliquent à « rapporter » et « remporter », sauf que ces deux verbes ont plusieurs autres définitions. Par exemple, « rapporter » peut vouloir dire « répéter ce qu’on a entendu », alors que « remporter » est aussi synonyme de « gagner » (« remporter la palme »).

PERLES DE LA SEMAINE

Examen de vocabulaire, qui ne fut pas aussi facile qu’il en eut l’air...

« Comment appelle-t-on les savants qui observent le ciel? »

« Les asprophysiciens. »

« Quel mot désigne une personne qui étudie la nature? »

« Un naturiste. »

« Comment appelle-t-on les amateurs de mots croisés? »

« Les crucifiés. »

« Qu’est-ce que \"ressortissant\" veut dire? »

« Un ressortissant est quelqu’un qui ne peut plus rerentrer dans son pays. »

« Que veut dire le préfixe grec \"poly\"? »

« Il veut dire qu’il y en a plusieurs. Exemple : les polyciers. »

Source : « Le sottisier du collège », Philippe Mignaval, Éditions Points, 2010

Questions ou commentaires? Steve.bergeron@latribune.qc.ca

« Séance d’orthographe » prend congé pour deux semaines. Prochain rendez-vous les 11 et 12 juin.

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