Lavage des embarcations: «Les gens vont se faire casser les oreilles»

Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a fait une démonstration de lavage d’embarcation à la plage

Lavez vos embarcations. Les utilisateurs des plans d’eau de la province n’ont pas fini d’entendre ce message. Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) veut sensibiliser les Québécois à cette mesure qui se veut le meilleur moyen d’éviter la prolifération des espèces exotiques envahissantes (EEE).


Des représentants du Ministère ont tenu une séance d’information et de démonstration de nettoyage, jeudi matin, afin de sensibiliser les propriétaires d’embarcation (à moteur ou non) à l’importance de cette mesure. Une telle initiative, qui avait lieu à l’aube d’un long week-end, se répétera dans la province cet été. 

Le lac Memphrémagog est aux prises avec la moule zébrée depuis 2018, une espèce envahissante qui a notamment la particularité de s’accrocher aux prises d’eau municipales et résidentielles et de contribuer à l’augmentation des cyanobactéries. 

Sa présence peut avoir des conséquences écologiques très graves, rappelle Annick Drouin, biologiste à la direction de l’expertise de la faune aquatique au MFFP. 

«Pour tous les autres lacs de l’Estrie, le Memphrémagog devient un réservoir de cette espèce-là», note-t-elle en ajoutant qu’il devient ainsi une potentielle source de contamination pour les autres lacs du secteur.

Le plan d’eau est le réservoir d’eau potable de plus de 175 000 citoyens.

Les gens vont se faire casser les oreilles tout l’été avec le nettoyage d’embarcation, mais c’est une nouvelle habitude que les gens doivent prendre.

«Il n’existe pas de méthode efficace pour éradiquer les espèces exotiques envahissantes une fois qu’elles sont entrées dans un plan d’eau. Notre meilleur outil est la prévention. C’est vraiment un geste que les citoyens ont la capacité de faire (...) Ce n’est pas parce qu’un lac est envahi qu’il faut baisser la garde. Au contraire. Si un lac est envahi, c’est que les barrières à l’introduction n’étaient pas là. Il y a eu introduction d’une espèce et il pourrait y en avoir d’autres. Ces lacs deviennent la source pour d’autres lacs aux alentours», rappelle Annick Drouin. 

Également biologiste au MFFP, Olivier Morrissette rappelle pour sa part qu’une partie de l’exercice peut se faire à la maison, notamment en inspectant son embarcation. Le transport de végétation sur la coque ou dans la remorque peut être un vecteur de propagation. 

Plusieurs initiatives

La Tribune rapportait la semaine dernière le projet d’étudiants du Cégep de Sherbrooke, qui ont installé des collecteurs au lac Lyster, afin de détecter la présence de moules zébrées dans ce lac de Coaticook. 

Un projet semblable de science citoyenne se déroulera au lac Stukely cet été. 

Celui-ci borde notamment le parc national du Mont-Orford, de même que les municipalités de Bonsecours, Eastman et Orford. Il s’agit de la suite d’un projet-pilote mené d’abord au lac Memphrémagog. «Riche de cette expérience-là, on est en train de peaufiner notre protocole à d’autres lacs.» 

Plusieurs espèces exotiques envahissantes se retrouvent dans les lacs estriens, dont les vivipares chinoise et géorgienne.

Selon une étude du Ministère, plusieurs lacs en Estrie, en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent sont très propices pour la reproduction de la moule zébrée. 

«En Estrie, il y a le Massawippi qui était le lac optimal. Les lacs Lyster, Memphrémagog et Brome sont à risques intermédiaires. Ce qu’on voit présentement dans le Memphrémagog, c’est que malgré une physicochimie qui n’est pas tout à fait optimale, la moule zébrée semble avoir trouvé de belles conditions de survie.» 

D’autres espèces préoccupantes

Si on parle beaucoup de moule zébrée, notamment en raison de la lutte de Bleu Massawippi pour éviter la prolifération de cette espèce dans le lac Massawippi, d’autres espèces suscitent l’inquiétude, comme le myriophylle à épis.

Memphrémagog Conservation Inc. (MCI) surveille aussi, de son côté, la présence de deux espèces de vivipares, des escargots qui sont maintenant présents dans le Memphrémagog. 

Il est cependant difficile de dire depuis combien de temps on les retrouve dans le plan d’eau et de s’avancer sur l’abondance et les distributions. C’est ce que l’organisme étudiera cet été, a précisé la directrice générale de l’organisation, Ariane Orjikh. La patrouille de MCI a d’ailleurs commencé sa 50e saison estivale sur le lac Memphrémagog.

Selon Mme Drouin, la vivipare géorgienne est très abondante dans le Memphré et d’autres lacs estriens. 

Le lac Stukely est de son côté aux prises avec une grande invasion de vivipares chinoises.

La moule quagga, dont l’apparition est aussi surveillée par Bleu Massawippi, n’est présente pour le moment que dans le fleuve et les Grands lacs; à la connaissance du MFFP, elle n’a atteint aucun lac de la province.

«Elle supplante la moule zébrée, elle est encore plus néfaste. Ses conditions de vie sont plus arides...» observe Mme Drouin.