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C’est l’image qui m’est venue en apprenant la décision de la Ville de Sherbrooke de demander une somme «symbolique» pour avoir accès à l’aide d’urgence de dernier recours pour les ménages qui se retrouveront sans toit le 1er juillet.

Je comprends que la facture devient salée pour Sherbrooke. C’était près d’un demi-million de dollars l’an dernier et la crise s’annonce encore plus corsée cette année. L’Association des locataires de Sherbrooke estime qu’environ 130 ménages seront sans toit cet été. Presque le double que l’an dernier. La facture sera sûrement plus grande.

J’imagine aussi une certaine frustration du côté du conseil municipal qui doit assumer la gestion de cette crise alors que celle-ci existe parce que le gouvernement de François Legault, peu importe ses prétentions, n’en fait pas assez – il fait même partie du problème. Le comble, c’est que le gouvernement se fait chiche sur l’aide d’urgence aussi. Il a assumé moins de 30% de la facture (qui aurait dû tout lui revenir), en déboursant à peine 136 600$ des 462 065$ payés par la Ville. Comme quoi, se laver les mains n’est pas juste une mesure sanitaire pour le gouvernement Legault.

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C’est une évidence que les villes se font pelleter dans leur cour des problèmes qui devraient être gérés et financés par les autres gouvernements. Les villes se font passer de gros sapins. Mais la solution est-elle vraiment de transférer cette pression sur les personnes qui se retrouvent dans la chnoute?

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«Les ménages devront verser une contribution symbolique équivalente à leur dernier loyer», écrivait la mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, sur Facebook. J’ai de la difficulté à comprendre que le prix d’un loyer, souvent le plus gros compte de dépense d’un ménage, puisse tout d’un coup n’être qu’un coût «symbolique».

Le raisonnement derrière cette contribution peut sembler avoir du sens. Ces personnes qui n’ont pas de toit paieraient normalement un loyer, on peut donc croire que ceci n’aura pas d’impact sur leur budget. Après tout, ces ménages sont hébergés par la Ville le temps qu’ils trouvent un logement. Et cette contribution ne paie pas l’ensemble des frais.

Sauf ce n’est pas aussi simple. Ces gens n’ont pas besoin d’aide par hasard. Prenons le cas d’un ménage dont le loyer était déjà au-dessus de leur moyen et que l’augmentation demandée était trop élevée. Ou le cas d’une mère monoparentale qui déménage à la suite d’une récente séparation. Imaginons une situation où une personne a connu une diminution de salaire dans la dernière année. Ou une famille à faibles revenus noyée sous l’inflation et qui ne pouvait plus s’offrir le logement dans lequel elle était. Une personne frappée par la maladie. Une personne qui fuit du harcèlement ou de la violence conjugale.

Même sans ces situations. Ce n’est pas parce que la Ville paie les frais du premier déménagement et paie l’hébergement que ces ménages n’ont plus de frais à payer. Il y a plein de petits détails qui peuvent coûter cher dans une telle situation (transports, garderies, frais administratifs, etc.). On leur offre un toit temporaire, on entrepose leurs biens, mais du jour au lendemain ces gens se retrouvent avec plus rien. Même si c’est temporaire, c’est sûr que ça vient avec un coût!

Et se réinstaller, ça ne se fait pas sans frais. Même quand ça se passe bien, ça coûte cher déménager. Imaginez dans une telle situation.

La Ville paie le premier déménagement, celui vers l’entreposage, mais le suivant, les ménages doivent le payer. Et la facture peut être salée! Ayant moi-même magasiné pour déménager dans les prochaines semaines, une des soumissions reçues montait à 1040$. Pour un simple 4 et demi situé au rez-de-chaussée. Réserver des déménageurs à la dernière minute, c’est beaucoup plus cher que quatre mois d’avance.

Aucun de ces ménages ne va «profiter» de l’aide d’urgence pour mettre de l’argent de côté et se payer un voyage dans le sud. On parle de ménages qui en arrachent. Des ménages qui vivent un stress assez intense.

Peut-être que dans certains cas ça va permettre au ménage de souffler un peu, mais c’est peut-être ce petit souffle qui va leur permettre de trouver un logement, de se redonner un petit élan. Une respiration que la contribution vient écraser. Si c’est ça qui inquiète des gens, je peux assurer que personne ne va sortir de la pauvreté grâce à cette aide d’urgence! Ces ménages vont rester précaires!

L’Association des locataires de Sherbrooke ne comprend pas plus que moi cette décision. Le porte-parole, Mario Mercier, s’est dit «ahuri» lorsqu’il a vu ça dans les nouvelles, mercredi matin. L’organisme avait donné son point de vue sur ce scénario, mais ne savait pas que la Ville avait décidé de l’adopter.

Mario Mercier trouve le symbole dangereux. «Il y a un jugement de classes sociales là-dedans, dit-il. On s’en prend à des gens sans voix, qui n’ont pas de prises de paroles. Ça heurte nos principes de solidarité, c’est indécent.»

Selon lui, même si c’était 100$ et non relié au prix du loyer, c’est un montant peut-être symbolique quand on fait 60 000$ par année, mais quand on est sur l’aide sociale, c’est 14% de son revenu mensuel (726$). C’est un gros montant pour du monde à faible revenu.

Je reviens au principe. Mettons les chiffres de côté. Je pose cette question très simple: en facturant l’aide de dernier recours, est-ce encore de l’aide ou un service vendu par la Ville?

Pour les gens qui ont besoin de cette aide, c’est recevoir une claque juste après avoir accepté la main tendue.

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