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On ne parle pas ici du temps de préparation qu’un chef de parti doit consacrer à un débat. Il est vrai que c’est long, comme l’a rappelé le cabinet du premier ministre pour justifier son refus de participer à une telle confrontation politique en anglais — même si le chef de la CAQ l’avait fait en 2018.

Et il est tout aussi vrai que M. Legault a repoussé un autre débat, en français celui-là, en avançant un motif semblable, celui du temps.

Il y a déjà deux débats au programme, celui d’un consortium formé autour de Radio-Canada et celui de TVA-Québecor. Tout ça, c’est du temps. C’est absolument exact.

Mais c’est quand même lors de ces moments que les électeurs s’informent le plus. Alors, ce n’est jamais du temps perdu pour la démocratie, même si c’est toujours du temps risqué — politiquement parlant.

Le risque est cependant toujours plus grand pour la personne qui domine dans les intentions de vote.

La part de calcul

Si le Parti québécois a mis de l’avant une question de principe pour refuser ce débat, la CAQ a donc fait valoir une difficulté liée au temps.

Pour le gouvernement, cela étant, il n’existait pas de réel avantage à dire oui. Il n’avait rien à gagner sur le plan électoral. Le seul désavantage que son refus peut entraîner est d’inciter des électeurs anglophones de certaines circonscriptions à aller voter pour les libéraux de Dominique Anglade plutôt que de bouder les urnes. Mais ce désavantage sera sans doute marginal pour le gouvernement sortant.

A-t-on cependant estimé au cabinet de M. Legault qu’on aurait eu quelque chose à perdre à participer à un tel débat (outre l’élément du «temps de préparation»)? Oui, très certainement.

On aurait alors déçu de nombreux péquistes passés à la CAQ ces dernières années; ceux susceptibles d’être sensibles au message que n’aurait pas manqué de marteler le Parti québécois, message selon lequel, «malgré ses beaux discours», François Legault, en prenant part à ce débat, aurait indiqué que l’on peut vivre en anglais au Québec.

Voilà pourquoi il y a aussi eu une part de calcul électoral dans la décision de dire non; pour ne pas soudainement donner des munitions faciles au PQ.

Pas suffisamment

Ce qu’il y a de plus dommage dans cette histoire, c’est de ne pas saisir toutes les occasions de tordre le cou à des faussetés et à des malentendus qui n’ont cessé de s’accumuler depuis un certain temps dans une partie de la communauté anglophone (et au-delà) à propos, notamment mais pas seulement, du projet de loi 96 visant le renforcement de la loi 101.

Que celui-ci contienne des irritants pour de nombreux citoyens du Québec, c’est un fait. Mais, globalement, il vise un bien commun.

En refusant ce débat, le chef de la CAQ se prive d’une occasion privilégiée de le dire, de l’expliquer. Pas dans le vain espoir d’aller chercher des votes de ce côté, mais pour tenter de jeter des ponts ou, à tout le moins, d’éliminer des incompréhensions.

Contribuer à réduire les incompréhensions, c’est aussi ce que devrait viser Dominique Anglade.

La cheffe libérale a tout à fait le droit de s’opposer au projet de loi 96, comme bien d’autres. Mais ce n’est pas en défilant aux côtés de personnes ou d’organisations qui tiennent des propos outranciers à l’égard de cette loi à venir, pensons au Quebec Community Groups Network, qu’elle contribuera à faire ce qu’elle réclame du gouvernement Legault, soit de rassembler les Québécois. (De rassembler «le plus possible», devrait-on dire, puisque l’on ne peut jamais rassembler tout le monde.)

Parallèlement à tout effort de protection et de pérennisation de la langue française au Québec par voie législative, il faudrait aussi veiller à faire aimer cette langue, à la rendre attractive. C’est ce que l’on oublie toujours.

Il faudrait veiller à donner le goût à tous les citoyens du Québec — au plus grand nombre possible d’entre eux — d’apprendre le français, de le maîtriser le plus possible.

Il faut leur donner envie d’être fiers de vivre en français dans cette partie du monde, y compris à de très nombreux jeunes francophones.

C’est ce que nous ne faisons pas suffisamment.

Nous en paierons de plus en plus le prix.

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