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Je vous propose donc cette semaine une petite incursion dans les nouveaux locataires du Petit Robert 2023, dévoilés mercredi.

Difficile de ne pas commencer par le pronom non binaire «iel», qui a déjà fait beaucoup jaser en novembre lorsque le dictionnaire l’a intégré à sa version numérique, non pas pour le cautionner, mais pour indiquer son existence. Même si l’utilisation d’«iel» demeure marginale pour l’instant, une personne qui tombera dessus pourra désormais trouver sa définition et son contexte d’usage dans le Petit Robert.

On y apprend aussi que la première apparition d’«iel» remonte à 2009 et qu’il s’est momentanément écrit «yel» à ses débuts.

Or, dans le communiqué annonçant l’édition 2023, Robert nous informe que, parmi les méthodes employées par les documentalistes et les lexicographes pour repérer les mots nouveaux, il y a «les recherches des utilisateurs restées sans réponse au sein de [ses] différents dictionnaires numériques».

Il n’est donc pas improbable que plusieurs personnes aient effectué une recherche du mot «iel» dans les ouvrages du Robert, non pas tant pour connaître sa définition que pour voir s’il y figurait. Car, on dira ce qu’on voudra, faire entrer un mot dans un dictionnaire aussi prestigieux est quand même perçu, dans l’esprit de la plupart des gens, comme un sceau d’approbation, même si on est encore loin d’en avoir fini avec les débats sur l’écriture inclusive, non binaire et compagnie.

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Vous avez dit «woke»?

L’arrivée de deux autres mots se fera assurément remarquer en 2023 : celle des anglicismes

«woke» et «wokisme».

Le plus étonnant, c’est que ces deux mots débarquent avec, déjà, une connotation négative. Pourtant, lors de leur émergence en anglais, ils n’en avaient pas. Robert donne d’ailleurs des synonymes beaucoup moins péjoratifs, tels «conscientisé, vigilant, engagé».

Autrement, la définition de «woke» est la suivante : «Qui est conscient et offensé des injustices et des discriminations subies par les minorités et se mobilise pour les combattre, parfois de manière intransigeante (surtout péjoratif, par dénigrement).»

Robert fait également une place à une nouvelle locution désignant un phénomène souvent considéré comme une dérive négative du «wokisme»: «culture de l’annulation » ou « de l’effacement» («cancel culture»), qu’on appelle également «culture du bannissement» chez nous.

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Pandémie et cuisine

Si l’édition 2022 avait vu entrer une foule de mots et expressions découlant de la pandémie, on perçoit que cette dernière s’essouffle, en regard de la modeste cuvée 2023 reliée à cet événement historique: on note seulement quelques nouveautés telles que «spicule», «covidé» et «covid long» (le féminin «covid longue» est accepté au Québec, tout comme «syndrome post-covid»).

Restons dans le créneau médical: peut-être serez-vous surpris de constater que le mot «acétaminophène» aura désormais son article, même si nous l’employons ici depuis 1963.

Dans les autres québécismes qui ont réussi à se tailler une place cette année, il y a «écoanxiété» (apparu en 2007), «bénéfice» (en apposition, comme dans «concert-bénéfice», pour exprimer une collecte de fonds), «humidex», «coton ouaté», «chasse-moustique» et notre décadente «banane royale», la locution que nous avons inventée pour remplacer «banana split» (cette dernière figure déjà dans le Robert).

Parmi les ajouts culinaires, notons le «skyr», le «labné» (ou «labneh»), la «faluche» (un pain du nord de la France) et le «baiser» (un petit-four belge composé de deux meringues assemblées par une crème).

On pourra performer

En matière d’anglicismes qui ont fini par nous avoir à l’usure, il y a le verbe «performer», qui tente de faire son entrée dans notre langue depuis 1932. Souvent j’ai eu à rappeler à l’ordre mes jeunes collègues aux arts et spectacles trop prompts à écrire qu’un artiste performait. Il semble que je devrai désormais m’abstenir, puisque, parmi les trois définitions relevées par Robert, il y a «réaliser une performance artistique». Remarquez, ce n’était qu’une question de temps: «performance» était déjà accepté comme synonyme de «prestation artistique».

Que je ne les voie pas toutefois écrire que telle chanteuse a «performé une chanson»! Car ce verbe demeure intransitif (sans complément d’objet).

Les deux autres définitions de «performer» désormais admises sont «faire de bonnes performances en Bourse» et, plus généralement, «être performant, efficace».

Comme ils disent

Dans la catégorie des expressions et mots familiers, les très répandus québécismes «chiller» et «avoir les fils qui se touchent» côtoieront dorénavant les mots «bail», utilisé de plus en plus en France comme synonyme de «truc, machin», et «go», un mot d’origine bambara pour désigner une jeune fille, une jeune femme ou une petite amie.

Pour ma part, j’ai appris qu’un joueur de badminton s’appelait «badiste», que lorsqu’on parle d’écoblanchiment au Canada, on dit plutôt «verdissement d’image» («greenwashing») en Europe, et qu’un escroc en ligne est un «brouteur» pour nos cousins. Pourquoi? Parce qu’il se nourrit sans efforts.

Et si jamais vous êtes animé par une profonde antipathie envers le pays qui a envahi l’Ukraine il y a trois mois, sachez que Robert vous propose, du moins sur le plan psychologique, de remplacer «montagnes russes» par «ascenseur émotionnel».

Perles de la semaine

Les rouages sociaux n’ont plus rien de sorcier pour ces élèves...

«N’importe qui peut passer de la drogue. Il suffit de faire semblant d’être enceinte.»

«Si on est arrêté, il vaut mieux avouer tout de suite qu’on y est pour rien.»

«Avec le télétravail, chacun peut travailler chez soi ou à son domicile.»

«C’est souvent un handicap d’être de nationalité noire.»

«Les riches n’aiment pas prendre le bus. Il y a trop de promise cuitée.»

Source : «Le sottisier du bac», Philippe Mignaval, Hors Collection, 2010

Questions ou commentaires?
Steve.bergeron@latribune.qc.ca

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