Chronique|

Un toit, pour le meilleur et pour le pire

En vertu du Code civil, les animaux ne sont plus considérés comme des meubles, mais comme des êtres sensibles. Mais pas comme un membre de la famille.

CHRONIQUE / Nonobstant tout l’amour qu’ils peuvent se porter, il y a des gens qui se sont mariés, à une époque, pour sauver de l’impôt; d’autres pour maintenir des prêts et bourses. Des couples, aussi, qui se sont unis pour faciliter l’immigration d’un partenaire.


Mais voilà, maintenant, il y a de ces mariages qui font sourciller. Comme cette femme qui a choisi de s’épouser elle-même afin de s’éviter une peine de cœur...

Et peut-être avez-vous entendu parler récemment de cette Anglaise qui, pour ne pas avoir à se départir de son chat tout en conservant son logement où les animaux sont désormais interdits, a décidé d’épouser l’animal.



L’histoire ne dit pas si cette union pour le moins particulière, célébrée le 19 avril dernier, aura pour effet de sauver les meubles, mais toujours est-il que cette anecdote insolite nous démontre qu’on est rendus là, comme société.

Une crise du logement où les appartements se font de plus en plus rares et de plus en plus chers, jumelée au fait que relativement peu de propriétaires acceptent les colocataires à poils, à plumes ou à écailles (à l’exception des animaux d’assistance, qui sont un droit garanti par nos chartes), établit le rapport de force actuel entre propriétaires et locataires. D’apparence inégal, celui-ci est de plus en plus dénoncé, les seconds étant presque à la merci des premiers, faute de quoi ils se retrouveront à la rue.

Le mois dernier, la SPCA de Montréal a lancé une pétition, avec le soutien de Québec solidaire, visant à faire abolir la clause dans les baux de location résidentiels qui permet aux propriétaires d’interdire la présence d’animaux dans les logements, comme c’est le cas notamment en Ontario et en France.

On fait valoir que 52 % des ménages québécois possèdent un animal, la moitié d’entre eux hébergeant un chien. Or, à peine 4,2 % des propriétaires de logements acceptent que leurs locataires emménagent avec leur chien, apprend-on, ce qui force des « décisions déchirantes » : se défaire d’un animal ou se trouver un toit qu’on a les moyens de s’offrir.



Ce faisant, un grand nombre d’animaux sont abandonnés, ce qui contribue à engorger les refuges, quand ces bêtes ne se retrouvent pas à errer dans les rues, plaide-t-on.

À ce jour, plus de 26 000 personnes ont signé la pétition sur le site de l’Assemblée nationale.

Ce n’est pas nouveau que des voix s’élèvent pour demander la fin de l’interdiction des animaux dans les logements.

L’enjeu a de quoi diviser, car il oppose, une fois de plus, les propriétaires aux locataires.

Les premiers possèdent un bien pour lequel ils ont le loisir d’en louer l’usage moyennant certaines conditions, comme l’interdiction de fumer, par exemple. Il est difficile de concevoir comment l’État pourrait dicter à des individus de quelle manière jouir de leur propriété privée.

Les locataires, pour leur part, estiment que s’ils sont chez eux en signant un bail, ils devraient avoir le droit de posséder un animal. Pour la plupart des maîtres d’animaux de compagnie, ceux-ci sont considérés comme étant des membres de la famille. On ne leur demanderait pas de se séparer d’un enfant, pourquoi de leur chien ? Un peu d’humanité, de compréhension et de souplesse seraient les bienvenus, particulièrement quand les gens ont du mal à trouver un appartement.



Rappelons d’ailleurs qu’en vertu du Code civil, les animaux ne sont plus considérés comme des meubles, mais comme des êtres sensibles et conscients. Mais pas comme un membre de la famille.

Malheureusement, les règles existent toujours pour encadrer ceux qui manquent de civisme ou qui, sans balises, auraient tendance à abuser. Et pour cette raison, la moyenne des ours, qui sait comment se comporter, se sent brimée.

Si tous les maîtres d’animaux savaient comment gérer leur animal et l’empêcher à coup sûr de créer des dégâts dans le logement, dégâts pour lesquels certains n’assumeront pas la responsabilité, il en irait sûrement autrement, mais on doit toujours penser au pire.

Pourrait-on envisager la présence d’animaux dans un logement à la condition que le locataire se prévale d’une assurance spéciale pour compenser quelque dommage provoqué par son compagnon ? Cela serait une façon de montrer patte blanche et de rassurer le propriétaire, question que celui-ci ne montre pas les dents trop vite.