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Le québécisme « serrer » au sens de « ranger » est tellement bien implanté ici que les dictionnaires français n’ont pas eu le choix de le faire entrer. Il s’agit d’un vieil usage que nous avons conservé (on le relève également dans les Antilles françaises), pendant qu’en Europe francophone, il a presque disparu, laissant le champ libre à la définition la plus courante aujourd’hui, celle de « tenir fermement, étreindre, presser ».

Mais en réalité, le sens de ce québécisme est plus près de celui d’origine, raison pour laquelle cette définition vient en premier dans le Petit Robert. En bas latin, « serare » voulait dire « fermer avec une barre ». Il était lui-même dérivé de « sera », un mot pouvant signifier « serrure, verrou, cadenas ». Il y avait donc au départ une notion d’enfermement, toujours présente dans l’usage québécois, mais qui s’est transformée en « maintien ferme » dans la signification plus courante.

Bref, ce n’est pas un usage si étrange que ça!

Aujourd’hui, on tente d’éviter le verbe « serrer » au sens de « ranger » dans la langue soutenue, non pas parce qu’il est erroné, mais à cause de la confusion qu’il pourrait susciter.

« Serrer » a évidemment de multiples autres définitions, dont au moins une comporte également une différence entre le Québec et la France. Je vais toujours me rappeler mon premier GPS, acquis il y a une quinzaine d’années (avant l’émergence des téléphones intelligents), et du jour où j’ai modifié le réglage « français (Québec) » pour « français (France) ».

C’est à ce moment que j’ai entendu pour la première fois la tournure « serrer à gauche, à droite », alors que, dans la version dite québécoise, on utilisait plutôt l’anglicisme « garder la gauche, la droite » (« keep left, keep right »).

« Serrer » peut en effet signifier « rapprocher » ou « mettre près l’un de l’autre », comme dans « serrer les rangs », « serrer les dents », « se serrer les coudes », « se serrer contre quelqu’un ou quelque chose ».

Je pressens votre prochaine question : est-ce que les expressions québécoises « tissé serré » et « tricoté serré » sont acceptables?

Même si elles proviennent de l’anglais « close knit » et « close weave », elles sont claires, justes et ne concurrencent aucune autre expression française, raisons pour lesquelles la Banque de dépannage linguistique les autorise. Et vous avez le choix de considérer « serré » comme un adverbe (donc de le laisser invariable), soit comme un adjectif (donc de l’accorder).

« C’est une famille tricotée serrée (ou serré). »

+

« En lisant récemment qu’un troupeau de volailles était peut-être touché par la grippe aviaire, j’ai été très surprise de voir qu’on pouvait utiliser ce terme pour des volatiles. J’ai toujours cru qu’un troupeau était constitué de bœufs, de vaches, de moutons, mais pas de poules. J’ai fait plusieurs recherches pour trouver comment nommer un groupe de volailles, en vain. Pourriez-vous m’éclairer? [France Rousseau, Sherbrooke]. »

Je crois savoir d’où provient votre malaise. Le problème n’est pas de recourir à « troupeau » pour parler de volatiles, mais bien de l’utiliser précisément avec le mot volaille.

Lorsqu’on examine la définition du mot « troupeau » dans le Petit Robert, on peut lire ceci : « Réunion d’animaux domestiques qu’on élève, nourrit ensemble. » Aucune mention d’exclusivité d’emploi pour le bétail. Même que, si vous regardez un peu plus loin, vous trouverez dans les exemples « troupeau d’oies ».

Toutefois, lorsqu’on jette un coup d’œil au mot « volaille » dans le dictionnaire, on tombe sur ceci : « Ensemble des oiseaux qu’on élève pour leurs œufs ou pour leur chair. »

Autrement dit, le mot « volaille » contient déjà la notion de groupe, de troupeau. Quand on dit « la volaille », on parle la plupart du temps d’un ensemble. Un troupeau de volailles, c’est comme dire « un troupeau d’un ensemble d’oiseaux ». Le sens collectif est présent deux fois. Il y a donc pléonasme.

Maintenant, si on regarde plus loin dans la définition de « volaille », on s’aperçoit qu’on peut quand même dire « une volaille » pour désigner un oiseau de basse-cour. Cela légitime « troupeau de volailles ». Mais il est normal que le malaise persiste, étant donné que ce mot est le plus souvent utilisé au sens collectif.

Une façon d’être moins indisposé par cette tournure serait de remplacer « troupeau » par « élevage ».

Étant donné que poulets, dindons, pintades, canards et oies domestiques n’ont pas la capacité de voler, on ne peut évidemment pas employer les mots « vol » ni « volée », et encore moins « nuée ».

+

« Je connais une version de votre énigme d’il y a deux semaines [celle du cavalier sot portant un seau et un sceau] qui se résout autrement. Il faut la faire oralement. Il est question d’un chevalier sot, grand et mince (donc étroit). À la chute (dans tous les sens du terme), on mentionne que \"l’étroit sot tombe\". [Michel Harnois, Sherbrooke]. »

Bien joué! Voilà qui est beaucoup plus sensé comme réponse. Mais comme vous le mentionnez, il faut poser l’énigme d’une manière vraiment très précise. Quand on perd les détails, on peut en venir à chercher erronément une façon d’écrire « les trois [so] », ce qui est impossible.

Perles de la semaine

Merci à Mylène Alarie, du Centre de services scolaire des Mille-Îles, pour l’envoi de ces mots d’enfants.

« Comment s’appelle le métier de la personne qui prend des photos?

— Un photographrier! »

« Qu’est-ce qui a fait couler le Titanic?

— Un ice pack! »

« Comment s’appelle le tuyau qui est dans la gorge par lequel passe l’air pour se rendre dans les poumons?

— La tranchée! »

« Ma grand-mère est née dans les années 40-600. »

« On est allés faire du ski à Saint-Terrebonne. »

Questions ou commentaires?

steve.bergeron@latribune.qc.ca

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