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Le péquiste Pascal Bérubé a sonné le tocsin politique mardi. Il était temps, même si l’on sait depuis l’an dernier qu’il ne se passera rien sur ce front avant des années au moins.

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«Le but de la Coalition avenir Québec, c’est d’éliminer toute concurrence. Ils ne veulent plus qu’il ne reste aucun député du Parti québécois, aucun député de Québec solidaire, si possible, même des libéraux. Ils veulent tous les comtés. Ils vont mettre des efforts considérables en ce sens-là. Opposition néant», a déclaré le député du Parti québécois dans Matane-Matapédia, mardi matin, en mêlée de presse au parlement.

Les projections de l’agrégateur de sondages Qc125.com prédisent en ce moment une récolte de 99 sièges sur 125 pour la CAQ au prochain scrutin général du 3 octobre. Avec la marge d’erreur, la députation caquiste pourrait même revenir avec 106 élus pour son prochain mandat à l’Assemblée nationale.

Ce qui, toujours selon Qc125, laisserait 17 sièges aux libéraux, huit aux solidaires et un seul représentant péquiste. Qui pourrait bien être M. Bérubé, qui assure vouloir solliciter un sixième mandat cet automne.

«C’est ce qui se profile. Je veux que les Québécois en soient témoins, peut-être que ça ne change rien sur l’appui que bien des Québécois leur confient, mais je veux leur dire qu’à quelques mois d’une élection, voici ce qui se profile : un déficit démocratique important où un gouvernement vainqueur, avec autour de 40 % des voix, pourrait avoir 100 sièges. Ce qui est énorme! Et ça pose bien des questions sur le rôle des parlementaires et sur la démocratie au Québec», a poursuivi M. Bérubé.

«Vraiment pas la priorité»

Selon lui, «le gouvernement a abandonné sciemment, de façon calculée, un engagement électoral pour assurer une domination totale du Québec».

En campagne électorale de 2018, la CAQ avait promis de réformer notre mode de scrutin uninominal à un tour pour un système proportionnel mixte. Quelques mois plus tôt, le chef caquiste François Legault, aujourd’hui premier ministre, avait signé une entente à ce sujet avec les chefs du PQ et de QS. Le Parti libéral n’en était pas.

La CAQ a ensuite bel et bien déposé un projet de loi 39 à cet effet, mais l’a depuis ouvertement abandonné.

Mardi, en étude de crédits, la ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Réforme électorale, Sonia LeBel, a réitéré qu’«à ce stade-ci, on tourne la page sur ce projet-là. À ce stade-ci, il n’est pas opportun d’en parler».

Son patron, le premier ministre François Legault, a ensuite confirmé que de la réforme du mode de scrutin est rayée de l’ardoise caquiste.

«On s’était engagés à déposer un projet de loi pour réformer le mode de scrutin. On l’a déposé, comme promis. On aurait voulu avoir le temps de faire une vaste consultation des Québécois, parce que c’est quand même un changement majeur. On a eu deux ans de pandémie où ça n’a pas été possible de faire cette consultation. Puis, en plus, on se rend compte que ce n’est vraiment pas la priorité des Québécois. Il n’y a personne qui se bouscule dans les autobus au Québec pour changer le mode de scrutin. Les Québécois sont habitués à voir leur député. [...] Arriver avec des députés de liste, c’est un changement important. Puis, je ne sens pas d’appétit, pour les Québécois, pour changer ça», a tranché M. Legault, en mêlée de presse.

Selon la ministre LeBel, «il ne faut pas jouer avec la stabilité de notre mode de scrutin au moment où on se parle». La pandémie a «grandement changé le contexte, on ne peut pas en faire fi». Elle dit ne «plus avoir l’oreille des Québécois» sur cet enjeu.

Rappel historique : le Parti libéral du Québec de 1973 mené par Robert Bourassa a obtenu 102 des 110 sièges alors disponibles au Salon bleu de l’Assemblée nationale. Il avait récolté 55 % pour des votes.

«Notre système est malade»

Chez Québec solidaire, le chef parlementaire et co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois se montre d’accord avec son rival péquiste.

«En ce moment, comment fonctionne la démocratie québécoise? On peut avoir 40 % des votes, ça nous donne 80 % des sièges à l’Assemblée nationale, ça nous donne 100 % du pouvoir. Est-ce que c’est normal? N’importe qui, qui a une tête sur les épaules, répond : non, ce n’est pas normal», a commenté M. Nadeau-Dubois, lors de sa mêlée de presse matinale.

«Notre système démocratique, il est malade, a enchainé M. Nadeau-Dubois. Et François Legault a déjà été d’accord avec moi là-dessus. Je l’ai regardé dans les yeux, il a signé une entente avec nous et il a rompu sa parole, il a brisé sa promesse. Ça fait que la question que je pose aux Québécois puis aux Québécoises, c’est : comment, maintenant, pouvez-vous faire confiance à François Legault alors qu’il a brisé une promesse aussi importante pour la démocratie québécoise?»

Représentant du PLQ mardi devant les journalistes parlementaires, le leader parlementaire libéral André Fortin a quand même dit comprendre la frustration du péquiste Bérubé.

Les libéraux n’avaient pas signé l’entente de mai 2018 et se montrent toujours rébarbatifs à changer de mode de scrutin. Mais M. Fortin demande quand même à la CAQ de poursuivre l’étude de son projet de loi 39.

«Le système actuel n’est pas parfait, le système actuel a des fautes. C’est pour ça qu’on demande d’appeler le projet de loi, de faire le processus démocratique. Mais c’est un système qui fonctionne dans plusieurs juridictions», a répondu M. Fortin.

La création récente de deux nouveaux partis visant à défendre les intérêts des anglophones du Québec, Mouvement Québec et le Parti canadien du Québec, M. Fortin constate que la division du vote risque de permettre à la CAQ de faire élire encore davantage de députés à l’Assemblée nationale du Québec, cet automne.

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Dans une sortie forte qu’on aurait aimé entendre depuis longtemps, Pascal Bérubé a appelé les Québécois à se souvenir que le gouvernement de la CAQ a rompu un engagement phare en jetant à la poubelle le projet de réforme par lequel les différentes options politiques auraient pu être plus justement représentées à l’Assemblée nationale.

Le solidaire Gabriel Nadeau-Dubois lui a emboîté le pas quelques instants plus tard.

La ministre Sonia LeBel a usé d’un raccourci acrobatique en affirmant que l’engagement de son parti n’était que de présenter un projet de loi, elle qui est pourtant d’habitude si solide et si précise. Comme si on présentait des projets de loi pour le simple plaisir de la chose…!

Compte tenu de l’état du Parti québécois, de ce qu’il récolte dans les intentions de vote, la sortie de Pascal Bérubé peut sembler à la fois intéressée et désespérée. Elle l’est, puisque le parti paraît constamment jouer sa survie ces années-ci.

Mais au-delà de cet aspect, le député de Matane-Matapédia a parfaitement raison de noter que dans l’état actuel des choses, si les chiffres des dernières intentions de vote devaient se concrétiser dans les urnes, en octobre, notre actuel mode de scrutin ferait en sorte que les caquistes bénéficieraient d’une incroyable surreprésentation à l’Assemblée nationale par rapport aux suffrages qu’ils auraient décrochés.

Or, le bien commun et le bien démocratique supposent aujourd’hui bien plus qu’avant que les partis soient représentés au parlement à peu près à la hauteur des suffrages qu’ils reçoivent.

Attention tout de même : «un déficit démocratique» n’est pas un déni de démocratie. Ne confondons pas l’un et l’autre. Il ne faut pas aller jusqu’à délégitimer l’actuel mode de scrutin.

Il faut simplement et calmement noter que celui-ci correspond de moins en moins aux besoins et aux exigences de l’époque. Et qu’il faudrait en changer.

Rattrapage en vue?

Si le gouvernement Legault a pu abandonner aussi facilement son engagement, c’est qu’il sait très bien que le sujet n’intéresse pas les Québécois en général. Et c’est pour cette même raison que Québec solidaire et le Parti québécois n’ont pas fait de ce dossier une priorité sous l’actuelle législature. Ils ont fait le service minimum.

Sans doute plus par habitude que par un réexamen de la question, le Parti libéral du Québec demeure officiellement opposé à un scrutin proportionnel. «Officiellement», car bien des libéraux sont en faveur.

Sur le fond, il n’a jamais été question de passer à une proportionnelle pleine et entière, mais d’inclure des éléments de proportionnalité. Avec des seuils d’entrée, bien sûr.

Le projet de loi déchiré par le gouvernement Legault prévoyait que les Québécois se prononcent sur ce sujet par référendum tout en allant voter pour élire le prochain gouvernement, le 3 octobre.

Quelle occasion ratée!

Le premier ministre François Legault a déclaré mardi que son gouvernement ne sent toujours aucun «appétit dans la population pour changer le mode de scrutin». Même si c’est vrai, c’est malheureusement une vision à courte vue.

Dans l’état actuel des choses, il est fort probable que les distorsions électorales à venir soient de moins en moins bien acceptées. L’appétit pourrait bien naître après le prochain scrutin. Le prochain gouvernement sera alors en rattrapage.

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