La Ville de Sherbrooke indique que 2381 nouveaux logements ont été construits en 2021. Et ce n’était pas loin de 2000 nouveaux logements en 2020. Évidemment, plusieurs personnes se demandent pourquoi la pénurie de logements empire au lieu de s’améliorer.
Selon le directeur du Service de la planification et de la gestion du territoire, Yves Tremblay, la croissance démographique est le principal facteur. Il y a plus de logements, mais il y a aussi plus de Sherbrookois et Sherbrookoises. La Ville a connu un boum démographique de 7,2 % depuis 2016. Mine de rien, c’est presque 12 000 personnes de plus.
C’est sûr que ça fait beaucoup de monde qui recherche un toit. Mais ça serait naïf de s’arrêter là. Naïf et problématique.
Heureusement, une bonne partie du conseil municipal ne se met pas la tête dans le sable en soulignant aussi la montée des prix des logements, la distance qu’il y a entre ce que proposent les promoteurs et les besoins de la population.
Combien de logements abordables parmi ces 2381 nouvelles portes? Pas beaucoup. Vraiment pas beaucoup. À peine 50 en 2020, soit environ 3 %.
Je précise que je n’utilise pas la définition beaucoup trop large de Québec ou Ottawa de « logement abordable ». Parce que ce n’est pas vrai qu’un 4 et demi à 1200 $ par mois est un logement abordable. Ce n’est peut-être pas un logement luxueux, mais ça n’en fait pas un logement abordable pour autant.
L’exemple de Sherbrooke démontre à quel point Québec et Ottawa font fausse route avec leurs récentes politiques du logement.
À Québec, le gouvernement Legault délaisse le programme AccèsLogis, la locomotive du logement social et non lucratif, pour un nouveau programme qui souhaite maintenant financer n’importe quel projet de logements.
À Ottawa, le dernier budget Freeland s’est vanté d’investir quatre milliards dans le logement, tout type de logements, mais seulement 1,5 milliard pour le logement social et abordable – abordable selon la large définition problématique.
Le raisonnement mis de l’avant est que plus il y a de logements, peu importe le type de logements, qu’il soit social ou luxueux, moins les prix vont augmenter. Encore une fois, l’exemple de Sherbrooke démontre que ce n’est pas suffisant.
L’autre hic, c’est que plus il va y avoir des 4 et demi à 1500 $, la tendance actuelle, plus ça tire le prix moyen vers le haut et ça, ça tire aussi vers le haut le prix du logement dit « abordable ». Même les logements les moins chers s’adaptent aux prix du marché.
Sherbrooke est l’une des villes ayant eu le plus grand boum immobilier, mais elle est malgré tout dans les pires taux d’inoccupation, avec 0,9 %.
Une partie du problème, c’est que le prix du marché ne redescend jamais une fois qu’il monte. Si une pénurie fait monter les prix des logements, ces prix ne redescendent jamais une fois que la pénurie se résorbe.
Le gouvernement Trudeau a beau écrire dans son budget que « pour rendre le logement plus abordable, il faut construire plus de logements », ce n’est pas comme ça que ça se passe. Inonder le marché de nouveaux logements peur freiner la montée des prix, mais il ne fera pas redescendre le prix moyen.
Un autre problème est de mettre sur un pied d’égalité le logement luxueux, le logement moyen et le logement social, on finit par subventionner des promoteurs ou des locataires qui ont les moyens de se tourner vers des logements au-dessus du prix du marché tout en sous-finançant les projets non lucratifs et les locataires aux situations plus précaires.
C’est la même chose que le fameux chèque de 500 $ que le gouvernement Legault a donné autant à des gens qui font 100 000 $ ou 23 000 $. Ce n’est pas vrai que c’est la même chose pour tout le monde.
Avec sa forte pénurie de logements, sa forte montée des loyers, Sherbrooke démontre qu’il ne faut pas juste un boum immobilier pour régler la crise du logement. Il faut un plan. Il faut des politiques ciblées. Il faut encourager les logements sociaux, les coopératives d’habitation et les autres logements en dehors du marché. C’est la seule façon de permettre à des milliers de personnes de se loger sans sacrifier tout le reste.