Chronique|

Un musée pour l’histoire qui n’existe pas encore

Le Musée du futur, situé devant la station de métro Émirates Tower, présente une architecture originale en forme d’anneau. Des citations du vice-président et premier ministre des Émirats arabes unis ont aussi été gravées dans l’acier inoxydable qui recouvre le bâtiment.

CHRONIQUE / Les musées témoignent souvent d’un temps ancien, parfois révolu, à l’aide d’artefacts et de tableaux ayant appartenu à des ancêtres qui ont depuis longtemps fait leur lit dans les livres d’histoire. Pas à Dubaï! Le nouveau Musée du futur, inauguré en février, renverse le paradigme. En proposant différentes expériences immersives et interactives, il tente de se projeter 50 ans en avant.


Déjà, à Dubaï, on se sent un peu dans le futur. Les gratte-ciel poussent à une vitesse folle et l’architecture repousse les limites de l’impossible. On a bâti des îles en forme de palmier, implanté une pente de ski alpin en plein désert, construit une tour tordue offrant une faible résistance au vent. Et désormais, bien visible à la station de métro Emirates Towers, le Musée du futur propose d’imaginer un avenir plus vert et plus durable.

Son hall, comme la plupart des pièces, est d’un blanc immaculé, épuré. On y voit des ascenseurs vitrés s’élançant vers les étages supérieurs, un peu comme dans les films des Hommes en noir. Et un mini-dirigeable flotte au-dessus de nos têtes.

D’emblée, la visite s’amorce avec la simulation du décollage d’une navette spatiale pour nous mener virtuellement dans une station spatiale nommée OSS Hope. Il faut jouer le jeu et s’imaginer qu’on a conquis l’espace non pas par pure soif de suprématie, mais pour améliorer la qualité de vie des habitants de la planète. On suggère entre autres une ceinture solaire autour de la lune pour transférer ensuite l’énergie accumulée vers la Terre.

De façon plus ludique, on nous propose de postuler pour des emplois d’explorateurs en décrivant les tâches qui seront dévolues aux volontaires sélectionnés. Le futur, pour certains, il se vit en apesanteur.

Pour éviter de précipiter la visite, mieux vaut laisser passer les foules et déambuler à son propre rythme. Ça laisse plus de temps pour apprivoiser les outils interactifs et pour échanger avec les « guides », transformés pour la cause en agents de recrutement.

On se déplace ensuite d’un étage à l’autre dans des escaliers en colimaçon, tout en jetant un œil par les fenêtres offrant une vue sur la ville.

Cette salle d’exposition présente les innovations futuristes déjà en développement, de la voiture électrique aux organes fabriqués à l’aide d’une imprimante 3D.

Après, c’est justement une vision du monde circa 2070 qui nous est présentée à travers une fenêtre virtuelle. On y voit Dubaï encore plus ponctuée de grandes tours que contournent des voitures volantes. Au loin, on aperçoit une fusée qui décolle.

Au cœur du musée se trouve la pièce la plus impressionnante : une bibliothèque d’ADN. Des capsules lumineuses représentent 2400 espèces d’animaux et de plantes dont on garderait l’ADN pour éviter une extinction. La salle, plongée dans une demi-pénombre, invite à la retenue et au chuchotement, même s’il n’y a pas réellement de petit bouts de vie dans lesdites capsules. On peut s’y attarder longtemps, en essayant de différencier les espèces de grenouilles ou en cherchant un animal en particulier pour voir comment on l’a représenté. On avance par ailleurs que la santé de la planète, dans le futur, sera surveillée comme celle des êtres humains, en contrôlant la température et les signes d’épuisement. On pourra ainsi la guérir plus rapidement aux moindres signes d’affaiblissement.

Au-delà des technologies et des fantasmes d’un monde meilleur, on interpelle également les sens dans une exposition qui nous invite tantôt à fredonner en harmonie pour partager notre énergie avec les autres visiteurs, tantôt à nous abandonner à des sons et des vibrations visant à relâcher le stress. Une salle de méditation jalonne même le parcours.

Avant de conclure, on nous propose une exposition plus traditionnelle comportant des innovations déjà à diverses étapes de développement. On peut penser aux autoroutes « électriques », en projet-pilote à Dubaï, qui permettent de recharger les autobus en mouvement grâce à des dispositifs sous le pavé. Ou encore aux robots en forme de chien qu’on a déjà vus dans les parcs de Singapour pour éviter les rassemblements en temps de COVID.

J’ai levé les sourcils, aussi, devant les organes fabriqués à l’aide d’imprimantes 3D et devant la chaise « invisible », un mécanisme de type exosquelette à installer autour de la taille et derrière les jambes, qui se déploie comme une chaise quand on adopte une position assise.

Notons que le bâtiment lui-même, en forme d’anneau, suffit à faire écarquiller les yeux. Les publicités, sur les panneaux géants à travers Dubaï, le qualifient d’ailleurs du plus bel édifice au monde. Sa forme représente l’humanité et le trou en son centre symbolise l’inconnu. Même la colline sur laquelle il est érigé porte une signification : la Terre. À 77 mètres de haut, il est couvert de 1024 panneaux d’acier inoxydable. La façade est gravée d’immenses citations du cheikh Mohammed ben Rashid Al Maktoum, vice-président et premier ministre des Émirats arabes unis.

Quoi de plus futuriste qu’un escalier en colimaçon dans une pièce blanche épurée?

Le belvédère, auquel on accède au troisième étage, permet d’ailleurs de sortir au centre de l’anneau pour des photos et une vue unique sur le quartier. Un incontournable.

L’exposition vaut-elle les 50 $ du laissez-passer? Tout dépend de la capacité de chacun à s’émerveiller. Les éléments interactifs, les animations et les effets spéciaux nous transportent dans un musée où nous faisons en quelque sorte partie de l’exposition. L’expérience immersive fait oublier le temps qui passe. Mais on aurait sans doute pu pousser un iota plus loin, par exemple avec de la réalité augmentée, ou en ajoutant d’autres technologies en cours de développement. C’est une critique tatillonne, oui, qu’on peut sans doute se permettre après avoir allongé 50 $.

Le Musée du futur est donc sans aucun doute digne d’intérêt, mais un prix légèrement plus bas aurait été plus raisonnable.

Pour ceux qui souhaitent plonger en 2070 avec un peu d’avance, il importe de réserver l’heure de la visite en ligne, sans quoi l’avenir appartiendra à ceux qui se seront levés plus tôt que vous.

Le journaliste était l’invité de Turkish Airlines.