Une autre école est possible et nécessaire vise ainsi à informer la population des problèmes majeurs du système éducatif québécois. «Mais surtout à proposer des solutions pour que nos écoles soient émancipatrices et que nos enfants aient du plaisir à apprendre», lance avec vigueur Mme Chartrand, coordonnatrice et porte-parole du collectif Debout pour l'école! regroupant 1 400 membres.
Pour cela, le livre qui compte quelque 480 pages sur 24 chapitres fait d’abord état des lieux en explorant plusieurs thèmes, enjeux et défis auxquels font face les travailleurs du domaine de l’éducation.
Parmi ceux-ci : la place de la culture à l’école, la question des compétences langagières, la question des lacunes et des défis dans la formation des enseignants et la place qu’occupe la transmission des savoirs autochtones dans le système d’éducation québécois, entre autres.
Mais le problème va au-delà de ses enjeux, croit Mme Chartrand, qui déplore la «vision néolibérale» du système d’éducation qui vise à «former de petits consommateurs performants».
«À l’heure actuelle, on met de l’avant la réussite et la diplomation. Juste ça. De la maternelle jusqu’à l’université. Il faut absolument s’affirmer et dire que ce n’est pas ça que l’on veut comme école. Ni aujourd’hui ni demain.»
«On veut que nos jeunes soient libres, émancipés et cultivés», a-t-elle clamé sous les applaudissements d’une foule réunie à l’Université de Sherbrooke (UdeS) à l’occasion du lancement du livre auquel ont participé une dizaine de professeurs et doctorants de la Faculté d’éducation.
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Prendre position
La professeure Chantale Beaucher, qui a contribué au chapitre sur la formation professionnelle, affirme par ailleurs avoir livré le texte «le plus plaisant à écrire de toute sa carrière».
«Pour une fois, on pouvait prendre position, dire un peu plus ce que l’on pense, sans devoir se retenir de par notre rôle d’universitaire qui nécessite que tout ce que l’on dit soit appuyé par des sources», raconte celle qui espère que «des cartes soient brassées» en formation professionnelle, notamment quant à l’insertion et l’intégration des élèves à besoins particuliers.
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Le professeur de didactique du français et vice-doyen à la formation et à la culture de la Faculté d’éducation, Martin Lépine, a pour sa part collaboré au chapitre entourant la place de la culture dans les écoles.
Ce dernier partage entre autres quelques inquiétudes quant à la formation «insuffisante et inégale» des enseignants qui sont en réalité des «passeurs culturels».
«Chaque enfant arrive à l’école avec son propre rapport à la culture, influencé par son milieu familial et communautaire ; l’école doit contribuer à enrichir ce rapport en offrant des repères culturels riches et en éveillant la curiosité des élèves à la diversité des manifestations culturelles», cite celui qui aspire à «une école plus ouverte, plus accessible et plus culturellement ancrée».
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Se mobiliser
L’œuvre collective dirigée par Suzanne-G. Chartrand s’inscrit néanmoins dans un mouvement qui existe depuis plusieurs décennies. «Les solutions partagées dans ce livre, nous tentons de les faire entendre depuis des années. On ne nous écoute pas», déplore la professeure à la retraite.
Moins d’élèves par classe, moins d’omertàs pour que les enseignants aient le droit de parler, moins de ségrégation scolaire, diminution de la charge de travail, gestion différente : «le ministère de l’Éducation est bien au fait de nos revendications», assure Mme Chartrand, à l’origine d’une pétition ayant récolté plus de 12 000 signatures.
«Et même si le ministre est d’accord, il ne fera rien parce que son mode de gestion est axé sur les résultats et le taux de diplomation. Le changement devra donc être initié par les citoyens.»
«Mais tant qu’on a juste les faits et qu’on ne comprend pas l’idéologie qui gouverne les institutions publiques, on ne peut pas agir alors qu’il faut changer radicalement le système de gestion et la conception même de ce que doit être l’éducation.»
Suzanne-G. Chartrand entend par ailleurs organiser des forums citoyens dans diverses villes du Québec afin de réfléchir collectivement à «ce que l’on veut comme école».
«Les gens verront qu’ensemble on peut faire quelque chose», conclut-elle.