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Quand nos parents ou nos professeurs souhaitaient que nous cessions d’utiliser un mot erroné ou fautif, ils nous disaient souvent : « Ça n’existe pas. » C’était une façon de nous inciter à le bannir de notre vocabulaire.

Mais avec les années, on finit par apprendre les différents niveaux de langue, notamment que certains mots qui sont censés « ne pas exister » peuvent en réalité être employés, mais seulement dans le niveau de langue approprié.

C’est le cas de nombreux mots de la langue familière ou populaire québécoise, hérités du vieux français, comme « maganer », « achaler », « s’enfarger », etc.

Ainsi, dans vos conversations privées, dans une pièce de théâtre de Michel Tremblay, dans un roman du terroir québécois, dans la version québécoise des Simpson ou du film Slapshot, il est possible d’utiliser tous les « maganer » que vous voulez. Mais au Téléjournal de Radio-Canada, dans une lettre du gouvernement, un document juridique ou un bulletin municipal, recourir à « maganer » donnerait l’effet d’un chien dans un jeu de quilles. C’est ce qu’on appelle une faute de niveau de langue.

Mais comme le mot « maganer » est très répandu dans la langue familière québécoise, même les dictionnaires français comme le Petit Robert et le Petit Larousse l’ont fait entrer. On trouve ses origines en Bretagne et en Saintonge. On le relève pour la première fois en 1855, mais il est bien plus ancien. Il proviendrait d’un mot francique, « maidanjan », qui voulait dire « estropier » (le francique était la langue parlée par les Francs)

Si vous jetez un coup d’œil dans Usito, vous trouverez une fiche très complète sur ce mot bien de chez nous, avec ses multiples sens : abîmer (« maganer sa voiture »), mal prononcer (« maganer le nom de quelqu’un »), brutaliser (« se faire maganer par un voleur »), affaiblir (« être magané par une grippe »)…

Quels sont alors les véritables mots qui « n’existent pas »?

D’abord des barbarismes, par exemple quand une personne dit « omnibulé » au lieu d’« obnubilé », « aréoport » à la place d’« aéroport », « j’ai atchoumé » plutôt que « j’ai éternué »...

Certains anglicismes nous donnent parfois des mots qui n’existent pas en français. Ainsi, il y a des gens qui racontent s’être acheté un vélo en « titanium », alors que le bon mot français est « titane ». Pensez aussi à ceux et celles qui traduisent le verbe anglais « to focus » par « focusser », bien que le verbe français « focaliser » existe déjà.

Finalement, il y a les néologismes (mots nouveaux), qui connaissent généralement une période de flottement plus ou moins longue avant d’être admis officiellement, tels les verbes « reconfiner » et « déconfiner », qui n’étaient dans aucun dictionnaire... avant 2020.

***

« J’aimerais que vous nous instruisiez de l’usage du fameux \"se doit\" utilisé fréquemment par les chroniqueurs sportifs. Trop souvent à mon goût, l’attaquant blessé \"se doit\" de quitter la patinoire et l’entraîneur \"se doit\" d’envoyer un défenseur pour le remplacer. Nos communicateurs sportifs usent-ils de cette tournure \"comme il se doit\" [Luc Trudel, Shawinigan]? »

Selon le Petit Robert, « se devoir » suivi d’un infinitif est synonyme de « c’est mon devoir de… ». La Banque de dépannage linguistique (BDL) explique qu’il y a un contexte d’« obligation morale, un devoir que l’on a en vertu de ses principes, de ses valeurs, de ses fonctions ou de sa mission ». Voici des exemples qu’elle donne.

« Tu te dois de lui dire la vérité même s’il ne veut pas l’entendre. »

« Nous nous devons de réussir là où nos prédécesseurs ont échoué. »

Donc, un commentateur sportif déclarant qu’un joueur blessé « se doit » de quitter la patinoire ou que l’entraîneur « se doit » de remplacer le joueur en question fait du galvaudage. L’obligation est ici physique, non morale. Le verbe « devoir » à la voix active fera très bien l’affaire dans ce contexte. Pas besoin de remettre une couche.

Étant donné qu’il est question d’obligation morale, vous comprendrez que « se devoir » ne peut avoir de sujet inanimé. Par exemple, on ne pourra dire que « cet arbre se doit d’être coupé parce qu’il est trop malade ». Encore ici, le verbe « devoir » suffit amplement à obtenir le sens souhaité.

Quant à la locution « comme il se doit », elle est synonyme de « comme c’est l’usage, comme il le faut ».

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Mon ancien professeur André Marquis, dont je vous parlais il y a deux semaines, me rappelle que les éditions Triptyque ont été achetées par les éditions Nota Bene, lesquelles ont fait paraître en 2016 une nouvelle édition revue et enrichie de son Style en friche, sous le titre L’art de retravailler ses textes (vocabulaire, syntaxe, maladresses stylistiques). Avis, donc, à ceux et celles qui souhaiteraient mettre la main dessus!

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Un dernier mot sur les participes passés. Merci d’abord pour vos nombreux messages et commentaires à propos de mon test de la semaine dernière. La plupart d’entre vous ont répondu de bonne grâce, certains avec succès, d’autres avec difficultés.

Je ne crois pas que ce petit jeu ait fait changer d’idée personne sur le maintien ou l’abolition de la règle du participe passé. Plusieurs m’ont souligné, avec justesse, que ces règles étaient complexes mais logiques.

Pour ma part, j’essaie de me mettre dans la peau d’un jeune qui peine à différencier « mon », « m’ont » et « mont », et j’imagine l’Everest que ces règles peuvent représenter pour lui, en supposant qu’il parvienne jusque-là.

S’il faut un cours universitaire pour être capable de maîtriser sa langue, peut-être que la responsabilité n’est pas entièrement dans les mains des élèves…

Perles de la semaine

Quelques échecs et maths...

« Les tables de multiplication s’appellent ainsi parce qu’autrefois, on écrivait directement sur la table. »

« Au Moyen Âge, les Chinois savaient déjà compter, alors que les Français vivaient toujours dans des grottes. »

« Avant les calculatrices, les gens comptaient avec des bouliers comme les bébés. »

« Les Romains n’avaient pas d’ordinateurs, mais ils comptaient très bien avec leurs boules. »

« Avant la calculatrice, on utilisait des règles de trois qui étaient très chiantes, car il fallait se mettre à trois personnes. »

Source : « Le sottisier du bac », Philippe Mignaval, Hors Collection, 2007

Questions ou commentaires?

steve.bergeron@latribune.qc.ca

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