Mais avec Inséparables distances, son premier recueil de poésie qui paraît aux Écrits des Forges, Mélanie Noël le constate : pas de faux-fuyants. Ce sont uniquement ses mots à elle qui meublent l’espace, sans images ni musique qui pourraient lui laisser l’impression qu’elle ne se dévoile pas tant que ça.
« Cette fois, je ne peux pas partager avec quelqu’un d’autre la vulnérabilité et le risque de m’exposer. Avec une chanson, je pouvais toujours me défendre en disant : ce n’est pas moi qui chante, je n’ai pas composé la musique. Là, je ne peux plus me cacher. Mais il y avait aussi à l’intérieur de moi cette volonté de réaliser un projet par moi-même, de ne pas avoir à attendre les autres. J’ai donc décidé de mettre mes tripes sur des pages blanches. »
Car même si elle est connue par son entourage comme une femme énergique et enjouée (elle copilote une famille reconstituée comptant quatre enfants), Mélanie Noël possède aussi une vie intérieure riche.
« Je réfléchis beaucoup à la vie et à ce qui a du sens. Le recueil est ainsi né de cette impression d’être parfois trop loin de quelqu’un qu’on aime ou de qui on voudrait être aimé, mais aussi du sentiment que nous sommes tous liés les uns aux autres. J’ai donc essayé de voir tous les contrastes entre les solitudes qui nous habitent et les liens qui nous maintiennent en vie. D’où ces inséparables distances. »
Intrication quantique
Amorcée en été 2019 pour la Nuit du pont couvert à Lingwick, l’écriture d’Inséparables distances s’est poursuivie jusqu’en décembre 2020. En un peu moins d’une centaine de pages, le recueil explore en courts poèmes (parfois presque des haïkus) les différentes facettes de cet éloignement qui peut s’installer entre soi et l’être aimé, entre une mère et son enfant, entre une fille et ses parents, entre une femme et un ami qui part pour le grand voyage.
« Il y a des gens qui se mettent en couple pour ne pas être seuls, mais qui s’aperçoivent qu’on peut s’ennuyer de la personne avec qui on se couche tous les soirs [parce qu’elle s’est éloignée]. D’autres ont des enfants en pensant qu’ils vont leur tenir compagnie. Mais tes enfants ne sont pas sur la planète pour ça, ils ont leur chemin bien à eux... Dans certains moments difficiles, tu peux te dire que ta mère t’aime et qu’elle sera toujours là. Mais, non, elle va mourir un jour. »
Toutes ces constatations sur les rapports humains peuvent sembler dures, mais Mélanie Noël les dresse sans jugement ni amertume. Il n’y a ni révolte ni reproche. Seulement des instantanés d’une réalité qui, par moments, frappe.
L’autrice s’est quand même efforcée d’inclure un côté lumineux. Oui, il y a les grandes douleurs des séparations définitives, les petites douleurs auxquelles on s’habitue et qu’on n’arrive plus à quitter, mais aussi ces regards ou ces gestes anodins posés par un étranger qui peuvent sauver une vie.
« J’ai lu aussi sur le principe d’intrication quantique, selon lequel deux particules peuvent être liées peu importe la distance. Si tu en modifies une, l’autre le sera aussi. Certaines personnes transposent ce principe aux êtres humains, qui auraient donc intérêt à être bons avec les autres au lieu de penser que l’homme est un loup pour l’homme. Car si ça va bien pour l’un, ça ira bien pour l’autre. »
Embellir les départs
Le deuil d’un grand ami en mars 2020, couplé à un AVC ayant affecté son père presque en même temps (celui-ci s’en est heureusement remis sans séquelles) explique sans doute pourquoi la partie centrale du recueil, consacrée aux grands départs, est la plus ample. Il faut dire que Mélanie Noël voue déjà un intérêt particulier aux personnes âgées, qui se retrouvent souvent au cœur de ses reportages journalistiques.
« Ça n’empêche pas que je suis une personne qui a beaucoup de misère avec les fins, les départs, la mort... Il y a donc de ma part un certain travail d’acceptation, par l’écriture, des cycles de la vie. Un travail d’embellissement même, parce qu’il y a quelque chose qui reste de nos relations même après leur fin. C’est un peu ce que je raconte dans la chanson Les couleurs de ton départ, que j’ai écrite pour Fred Pellerin. »
« Mon ami Léo était en fait un ami de mon père, avant de devenir un de mes grands amis à moi aussi. Même s’il se savait condamné, il était rempli de reconnaissance pour la vie qu’il a eue. Donc, même si j’ai une grande peur de la mort, une sérénité m’a remplie lorsque j’ai eu à la côtoyer, avec Léo mais aussi ma grand-mère. Et j’espère avoir gardé un peu de cette sagesse-là. »
Sa façon de parler du sentiment de solitude le laisse croire... « Je pense qu’il n’est pas que négatif. Il peut nous faire mal, mais aussi nous faire réfléchir, nous faire grandir, nous rendre meilleur et empathique. Mais quand même, bravo à celui ou celle qui ne se sent jamais seul! » conclut-elle dans un rire.
Le lancement d’Inséparables distances aura lieu le lundi 21 mars (Journée internationale de la poésie), lors d’un 5 à 7 au restaurant O Chevreuil, en même temps que celui de Dans le ventre du vent, de Mélanie Béliveau, ainsi que de Raisonnements poétiques canadiens, parution posthume du regretté auteur estrien Yves Boisvert. Ces deux derniers lancements devaient avoir lieu en décembre, mais ont été reportés lors du reconfinement de la plus récente vague pandémique.
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- MÉLANIE NOËL
- INSÉPARABLES DISTANCES
- POÉSIE
- Écrits des Forges
- 94 pages