Chronique|

Pendant ce temps, le monde

<em>L’homme au parapluie devant la tour Eiffel</em>, Henri Cartier-Bresson, 1938

CHRONIQUE / Quelqu’un, quelque part, est en train de rêver. Une femme accouche ; dans un autre pays, un homme échappe sa canne. À quelques mètres, un chien aboie : il déteste l’écureuil curieux.


Les simultanéités de vie me fascinent : tout est vécu en même temps. Des millions d’histoires s’écrivent tout à la fois, en ligne parallèle. Chaque personne est un livre, le monde est une bibliothèque.

Tandis que j’écris ces mots et que mes doigts courent, dans un lointain invisible, un aigle plonge. Il attrape une bête, la tue. Au même moment, à 440 kilomètres, un bébé castor naît : une vie de barrages et de rongeage l’attend.

Très haut dans le ciel, des passagers dans un avion palpitent à l’idée du retour à la maison. Ils s’inquiètent des douanes et des règles. Des statu quo et des changements.

Sur le continent voisin, deux voisins trinquent au soleil, la peau brûlée et ridée de bonheur. Ils boivent du rhum dans des verres de terre cuite.

Ici et là, un garçon meurt, puis une fille naît. Un autre aime, une autre se sépare.

Tandis qu’un médecin sauve une vie, un enfant d’Europe montre fièrement son examen à ses parents, qui éteignent la télévision et le félicitent. Pendant ce temps, un prisonnier dort.

Une alerte à la bombe sonne, tandis qu’un étranger tapote de la haine sur son clavier, puis s’esclaffe devant YouTube.

Une femme en pleurs trouve le courage d’appeler une ressource d’aide, pendant qu’un caméléon se teinte de rose.

Un papillon d’Afrique bat des ailes et une vague vient se fracasser sur la côte de la Nouvelle-Écosse.

Chaque minute contient un monde, un océan de gouttelettes, un tintamarre de cœurs qui battent ensemble. La planète tourne, les têtes se retournent, les idées jaillissent, les amants jouissent.

Chaque seconde : la nouveauté. L’espoir ou la peine. L’ennui ou la folie. Puis, deux amis rêvent à la même chose, s’habillent de la même façon, et voilà que les étincelles se touchent, que les univers se croisent. Deux touts devenant unisson. La simultanéité à son meilleur : la synchronicité. Une danse.

Là-bas, un inconnu ouvre son parapluie, offre l’abri à une femme. C’est une rencontre. Deux chemins croisés. La femme peut entrer dans le restaurant vêtue d’habits secs, grâce à l’inconnu. Son repas de fête sera heureux.

*Prendre note que je serai en vacances pour la semaine du 14 mars. Du doux dans le quotidien sera de retour le dimanche 27 mars.