Le milieu communautaire craint pour le programme AccèsLogis

Une poignée de manifestants ont défilé sur la rue King Ouest pour réclamer un meilleur financement du programme AccèsLogis, qui permet la réalisation de projets de logements sociaux.

L’Association des locataires de Sherbrooke et des alliés du milieu communautaire ont manifesté mardi à Sherbrooke pour réclamer des investissements de Québec dans le programme AccèsLogis, qui rend possibles la plupart des projets municipaux de construction de logements sociaux.


Le milieu communautaire craint toutefois qu’il ne soit en péril au profit d’une autre enveloppe gouvernementale, le programme d’habitation abordable Québec, qui fait cependant « plus de place au privé », selon Rosalie Dupont, coordonnatrice de la Table d’action contre l’appauvrissement de l’Estrie, qui parle ainsi d’un « glissement dangereux ».

Mario Mercier, porte-parole de l’Association des locataires de Sherbrooke, réclame ainsi du gouvernement Legault qu’il réinvestisse dans le programme AccèsLogis au lieu de le laisser « vivoter pendant deux ans » avant d’être remplacé, comme il anticipe. Le sous-financement chronique revient par ailleurs « aux gouvernements qui se sont succédé » au cours des 40 dernières années et qui ont investi des « miettes » dans le programme, a critiqué M. Mercier. 

Pour donner un exemple concret à Sherbrooke, rappelons que le projet de 116 unités locatives attendues depuis longtemps sur la rue Galt Ouest est justement réalisé via le programme AccèsLogis.

Le premier appel d’offres a toutefois été annulé en novembre dernier puisque les soumissions reçues dépassaient largement le budget prévu.

Mario Mercier, porte-parole de l’Association des locataires de Sherbrooke.

Programme d’habitation « abordable »

Comme son nom l’indique, le nouveau programme cible davantage le logement « abordable », une notion de plus en plus contestée, a aussi souligné Mme Dupont. Dans son discours livré sur place, elle a d’ailleurs fait le lien avec le barème fixé par le gouvernement pour déterminer le seuil de la pauvreté, un « choix politique » là aussi discutable, selon la coordonnatrice de la Table d’action contre l’appauvrissement de l’Estrie.

Elle a ainsi rapporté qu’une personne travaillant à temps plein au salaire minimum ou une personne aînée recevant le supplément de revenu garanti arrive à peine à franchir ce seuil. Dans ce contexte, se targuer de sortir des citoyens de la pauvreté par cette simple logique mathématique revient à « capitaliser sur la misère du monde », a-t-elle déploré.

« Pour nous, sortir de la pauvreté, ça veut dire avoir le pouvoir de faire des choix. […] Ne pas calculer à la cenne près, ne pas vivre avec le stress constant de vivre au bord du gouffre », a exprimé Rosalie Dupont. Pendant ce temps, les personnes qui reçoivent l’aide sociale n’obtiennent que « 49 % de ce qu’on considère comme le minimum vital », a-t-elle aussi souligné. 

Rosalie Dupont, coordonnatrice de la Table d’action contre l’appauvrissement de l’Estrie.

Revitalisation et embourgeoisement 

L’action de mardi s’est amorcée devant le chantier de l’Espace Centro, sur la rue Wellington Sud, et Rosalie Dupont a d’ailleurs critiqué au passage la démarche de « revitalisation » en cours au centre-ville, une réalité qui va « changer le visage » du quartier, a-t-elle affirmé. « Quand ils parlent d’augmenter le revenu moyen des gens au centre-ville, on parle de mettre dehors les gens qui ont un revenu moyen insuffisant à leurs yeux et de rentrer des personnes avec un revenu plus élevé », a-t-elle accusé.

Une situation particulièrement problématique alors que la « recherche de logement se passe très difficilement » cette année, ajoute Mme Dupont.

« On a des besoins en logement, c’est criant », a rappelé la coordonnatrice de la Table d’action contre l’appauvrissement de l’Estrie, qui remarque que « d’autres gros projets de vie municipale qui ne répondent pas aux besoins de la population sont poussés » pendant ce temps. Elle tient toutefois à spécifier que, seul, « le municipal ne peut pas supporter l’entièreté » de l’effort à réaliser en logement et qu’il faut que « tous les paliers de gouvernement s’investissent ».