Chronique|

Défi polaire dans le cratère du lac Manicouagan

Mathieu Blanchard s’est entraîné à tirer sa pulka de 100 kilos, à Montréal, en prévision de son aventure polaire au lac Manicouagan.

CHRONIQUE / Vous avez envie de prendre le large, mais êtes encore craintifs des risques posés par la COVID? Mathieu Blanchard et Loury Lag proposent de les suivre dans une folle aventure, de voyager par procuration là où le virus ne risque pas de se propager : dans le froid polaire d’une expédition dans le cratère du lac Manicouagan. L’aventure de 240 kilomètres, où le duo sera accompagné d’un photographe, devait s’amorcer le vendredi 25 février et finira autour du 7 mars.


L’expédition polaire Uapapunan, de son nom officiel, est d’abord un défi pour ces deux athlètes de l’extrême âgés dans la mi-trentaine. C’est aussi une occasion de promouvoir le tourisme hivernal au Québec dans des endroits un peu moins connus et de mettre en valeur la réserve mondiale UNESCO de la biosphère Manicouagan-Uapishka.

« Au Québec, on pense souvent à la Gaspésie, à l’Outaouais, à l’Estrie, mais au nord, quand on arrive à Tadoussac, on met le clignotant à gauche et on bifurque vers le Saguenay. Moi-même, je ne suis jamais allé au nord de Tadoussac, mais il y a des activités incroyables à faire là-haut », insiste Mathieu Blanchard, originaire de la France et installé au Québec depuis huit ans. 

Loury Lag est lui aussi Français. Il a tenté une traversée du Canada par l’océan Arctique, en 2020, mais a dû interrompre le périple quand la COVID est apparue dans le pays. Le Canada lui a demandé de rentrer à la maison. « C’était un gros échec pour lui. Ce sera une occasion de renouer avec le Canada. Ce pays nous a tous les deux secoués, autant que la météorite qui a formé le lac Manicouagan » continue Mathieu. 

Loury possède une expertise du monde polaire. Il a traversé les plus grands glaciers d’Europe. Mathieu est un ultramarathonien professionnel. Il a remporté des courses à Tahiti, au Guatemala, en Martinique et en Turquie, notamment. Il a aussi participé à la téléréalité Koh-Lanta, la version française de Survivor. Les deux acolytes se connaissent depuis environ un an. « Je suis allé dans des endroits chauds et humides, mais jamais dans les plus froids. Je n’ai jamais dormi dans une tente sous les 10 degrés Celsius. C’était volontaire de ma part de ne pas en apprendre davantage avant le départ. Loury m’enseignera. Pour nous, sortir de notre zone de confort est vital. »

L’idée d’une aventure dans le nord québécois est apparue en plein désert du Sahara, où les journées les plus chaudes atteignaient 58 degrés. « Loury racontait ses expéditions polaires. Je lui ai dit qu’il était temps d’en faire une au Québec. »

L’idée, c’est de relever un défi. De ramener des images, aussi, pour monter un film d’aventure. « C’est un défi. On devra tout faire avec des moufles et les batteries ne tiendront pas longtemps. On veut un film grand public pour encourager le tourisme d’aventure hivernal. Pour que ce soit grand public, ça prenait quelqu’un, comme moi, qui n’y connaît rien. »

Mathieu Blanchard (à gauche) et Loury Lag (à droite) se lancent d’une expédition de 240 kilomètres au lac Manicouagan.

Les deux hommes voyageront à ski et tireront chacun une pulka, une sorte de traîneau d’un mètre et demi de long, pesant 100 kilos. On y trouvera le matériel pour monter un abri et la nourriture pour la durée de l’aventure. Il faut prévoir entre 6000 et 8000 calories par personne par jour. Les skis, dans la neige profonde, offrent une meilleure portance que les raquettes et peuvent servir d’ancre pour la tente, affirme Mathieu. 

Au duo s’ajoutera Benjamin Faure, photographe. « Pour qu’il soit libre de ses mouvements et qu’il arrive à prendre des photos, il ne tirera pas de pulka. Il sera au troisième rang, en raquettes, sur une neige qu’on espère avoir tapée devant lui. Nous nous sommes entendus pour ne pas l’utiliser pour monter le camp non plus. C’est un projet expérimental. Nous ne savons pas si ça fonctionnera. »

Le camp de base sera la station de Uapishka, une base de recherche scientifique où les copines des deux aventuriers resteront pendant tout le voyage pour assurer la logistique. Elles surveilleront entre autres les conditions météo pour alerter Mathieu et Loury en cas de tempête à l’horizon. 

« Nous sommes des collectionneurs d’histoires. Nous recevons beaucoup de commentaires positifs de ceux qui nous suivent. Ils nous disent qu’on les éveille à l’idée de sortir de chez eux. Ça nous motive à aller chercher de grandes histoires. Nous comptons nous arrêter dans le territoire autochtone de Pessamit pour deux jours. Nous voulons parler de la culture ancestrale pendant notre parcours. Nous aurons des panneaux solaires, de l’équipement à la fine pointe, en goretex, en laine de mérinos, mais les peuples nomades survivaient avec peu de matériel. Nous sommes donc obligés de réussir, considérant les équipements que nous aurons. »

Mathieu Blanchard et Loury Lag tenteront par le fait même d’attirer l’attention sur les recherches scientifiques associées au territoire qu’ils exploreront, en plus de valoriser le tourisme d’aventure et l’écotourisme hivernal. 

S’il s’ennuyait un peu dans sa vie d’urbain pendant la pandémie, Mathieu Blanchard aura un défi à sa hauteur. Il admet avoir un peu peur du froid. S’il lui arrive de congeler par moins 30 sur le mont Royal, il sait qu’il pourra toujours rentrer chez lui pour s’emmailloter après un entraînement de ski de fond. « Là-bas, il faudra monter la tente à -30 en fin de journée et dormir à l’intérieur avec la même température. Les peuples ancestraux l’ont fait, donc c’est possible. »

La durée du voyage dépendra des conditions météorologiques. L’objectif est d’avancer à raison de 25 km par jour. Mais Mathieu Blanchard se souhaite quand même des journées difficiles. « Plus on surmonte des difficultés, plus on est fier à la ligne d’arrivée. »

S’ils arrivent à récupérer toutes les images souhaitées, les aventuriers espèrent présenter leur film dans un festival d’aventure en août et organiser des projections privées tout l’automne.

Leurs publications seront relayées sur les réseaux sociaux sur le compte instagram @bonjourquebec, alors que l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, Tourisme Côte-Nord et Tourisme Autochtone Québec se sont tous associés au projet. 

Mathieu Blanchard