Un long processus pour enrayer l’islamophobie

Pour le président de l’Institut des mondes arabe et musulman de l’Estrie et membre actif dans la société, Abdelilah Hamdache, l’éducation est la clé afin de développer une société qui favorise le bien commun et le respect d’autrui.

Cinq ans après l’attentat de la grande mosquée de Québec, la communauté musulmane de Sherbrooke se souvient de ce tragique événement. Soixante mois plus tard, l’islamophobie est encore bien remarqué au Québec. Pour le président de l’Institut des mondes arabe et musulman de l’Estrie et membre actif dans la société, Abdelilah Hamdache, l’éducation est la clé afin de développer une société qui favorise le bien commun et le respect d’autrui.


M. Hamdache soutient que l’islamophobie se trouve dans toutes les tranches de la société. « La meilleure solution, le meilleur remède, c’est l’éducation, l’information et le dialogue. Je l’ai toujours dit, le chemin est long et ardu, mais je pense qu’avec la persévérance et la patience, on va arriver à bout [de l’islamophobie] et on va améliorer la situation. Les extrémistes sont partout dans le monde. Lorsqu’on travaille, ce n’est pas pour éliminer le racisme et l’islamophobie, mais pour les diminuer au maximum pour que la société puisse être respectueuse. »  

L’homme explique que certaines personnes ont de grands préjugés envers la communauté musulmane. « Pour être honnête, je ne crois pas dans ma vie que je vais voir une société ouverte, mais j’espère que je verrai au moins un avancement pour dire qu’on est sur le bon chemin. »

« Il faut distinguer l’islamophobie du racisme. L’islamophobie est une idéologie. Tu détestes l’autre ou tu rejettes l’autre en raison de sa croyance et non en raison de la couleur de sa peau ou de sa langue. [...] C’est quelque chose que l’on doit clarifier. Énormément de travail reste à faire », ajoute-t-il. 

La communauté musulmane de Sherbrooke est l’une des communautés qui est le plus touchée par la discrimination ou les gestes désobligeants.

Abdelilah Hamdache explique qu’il souhaite que le gouvernement provincial et les instances municipales suivent le fédéral en reconnaissant le 29 janvier comme la Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie.

La tragédie du 29 janvier 2017 a laissé des traces douloureuses au sein des communautés musulmanes. « En réalité, pour les musulmans, c’est difficile de savoir ce qui est le plus dur. Est-ce que c’est d’être toujours traité comme un terroriste ou bien de recevoir le coup et de perdre des collègues et des amis ? »

Le Collectif pour un Québec inclusif regroupe une quinzaine d’associations musulmanes et non-musulmanes en Estrie. Le collectif aimerait faire plusieurs activités chaque année afin de développer une société respectueuse. Ce regroupement était d’ailleurs derrière l’organisation de la cérémonie de commémoration de l’attentat de la grande mosquée de Québec.

Une majorité ouverte, mais silencieuse

M. Hamdache estime que la société se dirige vers la bonne voie en matière de lutte contre l’islamophobie. « Dans toutes les tranches de la société, on trouve des gens racistes et islamophobes. Il faut dire aussi qu’on trouve des gens qui sont très ouverts et respectueux. C’est la majorité. Malheureusement, cette majorité est silencieuse. Ceux qui parlent plus fort, ce sont les extrémistes. [...] Il faut s’attarder plus à comprendre l’autre. Ça prend peut-être une, deux ou trois générations. Ce n’est pas quelque chose qui se fera demain. Il faut continuer, il ne faut pas lâcher, on est sur la bonne voie. » 

La directrice régionale d’Actions interculturelles pour l’Estrie et le Québec, Jacqueline Belleau, explique que l’organisme travaille à lutter contre l’islamophobie. Dans son rapport intitulé « Racisme et discriminations à Sherbrooke - Un portrait préliminaire », le Comité contre le racisme et les discriminations de l’instance de concertation en immigration (ICI) de Sherbrooke indique que des microagressions et de la discrimination surviennent quotidiennement. « Plusieurs [situations] renvoient à des préjugés et microagressions dans les espaces publics et la vie quotidienne, ce que les auteurs qualifient souvent de racisme ordinaire qui se produit dans les relations interpersonnelles, mais qui repose sur des préjugés qui dévalorisent un groupe de population, ici plus souvent les femmes noires, les femmes musulmanes ou les hommes arabes. Ces situations du racisme ordinaire peuvent être banalisées dans la société majoritaire alors qu’elles entraînent de la détresse, du stress et de l’impuissance pour les personnes qui les vivent », peut-on lire. 

« La communauté musulmane de Sherbrooke est l’une des communautés qui est le plus touchée par la discrimination ou les gestes désobligeants », ajoute Mme Belleau.  

Afin de lutter contre ce type de discrimination, Actions interculturelles de l’Estrie est d’avis qu’il est primordial de mettre de l’avant les échanges et les dialogues. « C’est clair que ce n’est pas tout le monde qui a la chance de côtoyer des gens provenant d’autres cultures ou religions. On essaie de créer des opportunités de partage et une meilleure compréhension des autres. »

Les instances politiques ont également leur rôle à jouer selon Mme Belleau. « Je pense que c’est important qu’il y ait des prises de position publique lorsqu’il y a des gestes haineux et de la violence. Il faut tout de suite dire que c’est inacceptable. Ça passe aussi par les élus. Heureusement, dans notre région, ils sont à l’écoute et ils soutiennent la communauté. C’est aussi un travail en amont. On ne veut pas attendre qu’il y ait une tragédie pour que les gens prennent la parole. C’est important pour les villes, les élus et les organismes d’avoir des règlements de tolérance zéro à la discrimination, au racisme et à l’islamophobie », conclut-elle.