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L’histoire commence lorsque Pierre Ellyson avait une dizaine d’années, époque où sa mère emmenait ses frères et lui manger « un hot-dog, un petit casseau de frites et une petite liqueur » pendant que son père arbitrait des parties de hockey, se souvient-il.

« Ensuite, j’y suis allé comme client, poursuit M. Ellyson. J’allais voir les Castors et y allant, j’arrêtais chez Louis’. Mon père a acheté le 1er janvier 1969, j’avais 17 ans. Je travaillais les fins de semaine à un hôtel de Deauville. J’ai commencé à travailler chez Louis’ à temps partiel à l’automne. J’y ai travaillé de 1970 à 2022. »

M. Ellyson n’a pas tout de suite pensé prendre la relève de son père. Quand il est sorti de l’université, il avait trois choix. « J’ai choisi celui que je connaissais et qui me plaisait. Mon père m’a vendu des parts. En 1979, j’ai décidé de prendre de l’expansion et d’acheter le bâtiment au coin des rues King Est, Murray et Papineau pour y bâtir un nouveau restaurant. »

« Je suis le plus vieux de la famille. J’ai toujours eu la responsabilité d’aider mon père. D’aider au bien-être de ma famille. Je ne sais pas d’où ça vient, mais je l’ai toujours eu. Ce n’était pas difficile pour moi de travailler. Je n’ai jamais compté mes heures et j’ai toujours travaillé », mentionne le père de trois filles.

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Employeur apprécié

Les employés ont toujours beaucoup compté pour M. Ellyson. Certains travaillent pour lui depuis plusieurs dizaines d’années. « J’ai toujours été honnête avec les employés. J’ai toujours essayé de les aider du mieux que je pouvais et de bien les traiter », explique celui qui a confiance en ses employés et qui a reçu un hommage de ceux-ci lorsqu’il a annoncé sa retraite en portant son nom sur leur porte-nom.

D’ailleurs, s’il compte de nombreux employés de longue date, Pierre Ellyson a donné plusieurs premières chances dans ses restaurants. « S’il fallait réunir tous les gens qui ont travaillé chez Louis’, la cathédrale serait trop petite! Des gens d’une cinquantaine d’années viennent me voir pour savoir si je me souviens d’eux. J’en reconnais quelques-uns, mais c’est rare! J’ai interviewé un employé dans mes premières années, il a le même âge que moi. J’ai interviewé son petit-fils il y a deux ans! » raconte-t-il, heureux.

« Ça m’a touché, confie-t-il. J’ai réalisé que le temps et les efforts que j’ai mis m’ont été redonnés. »

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De bonnes décisions

Pierre Ellyson a additionné les bonnes décisions en tant qu’entrepreneur. Avant que son restaurant situé tout près du pont Aylmer ne ferme ses portes en 1989, il a ouvert deux succursales aux coins des rues King Est et Murray (1980) et au coin des rues King Ouest et Wood (1982). Il a fondé la populaire Taverne Alexandre où de nombreux clients dégustent leur smoked meat toutes les semaines.

« Entre 1982 et 1989, on parlait de plus en plus de démolir le pont, raconte M. Ellyson. Le terrain sur lequel la bâtisse était appartenait à la Ville. J’avais un bail à long terme, mais il y avait une clause stipulant que si elle avait besoin du terrain, j’avais 30 jours pour démolir et partir. Ça se concrétisait, j’ai donc acheté le bâtiment au coin Alexandre et Galt Ouest en pensant que c’était une bonne place pour un Louis’. J’ai fait faire une étude de localisation et on m’a dit que ce n’était pas une bonne place. J’ai donc acheté une autre bâtisse sur la rue King Ouest. »

La dernière journée du restaurant mythique près de la rivière reste gravée dans la mémoire de l’homme d’affaires. « On avait eu du plaisir. J’avais acheté une vingtaine de caisses de bières! Je payais la traite à tout le monde. Les caisses se sont vidées rapidement! » dit-il, ajoutant que certaines personnes avaient voulu nommer le pont « Louis ».

Mais quelle est sa plus grande fierté comme entrepreneur? « J’ai trois filles. Je ne leur ai jamais mis de pression pour qu’elles reprennent l’entreprise, répond-il après une longue réflexion. J’ai vu trop de personnes mettre de la pression sur leurs enfants et que ça ne marche pas. Elles sont toutes allées à l’université, elles sont toutes diplômées et œuvrent dans leur profession. Elles élèvent leur famille. Je pense que comme entrepreneur et comme humain, c’est la meilleure chose que j’ai faite. »

« J’aurais aimé que l’une de mes filles se manifeste, mais je n’ai aucun regret ni arrière-pensée, continue Pierre Ellyson, fier d’avoir pris le temps de s’occuper d’elles. Il aurait fallu que je juge qu’elles soient capables. J’ai des exemples d’amis qui ont cédé leur entreprise à leur enfant, qui sont plus âgés que moi et qui travaillent encore. Je me verrais mal faire ça. »

Comme tenancier de la Taverne Alexandre, M. Ellyson a toujours été droit. « Le 30 décembre, certains employés m’ont vu prendre une flûte de bière pour la première fois. Le lendemain, j’ai diné avec une bière et un smooked meat. Nomme-moi un tenancier de bar qui ne boit pas ou presque durant 30 ans! Il n’y en a pas beaucoup et ça finit tout croche. Et j’ai eu du plaisir puis j’en aurai encore », qui se réjouit de passer le flambeau aux Cassar, une famille qui partage les mêmes valeurs que lui.

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Sentiment d’appartenance

M. Ellyson a toujours voulu offrir de la bonne nourriture aux Estriens. Son bœuf vient de la boucherie Face de bœuf et est haché par ses employés deux fois par semaine. Ses galettes sont faites tous les matins. Ses sauces sont faites à la main dans la cuisine du Louis’, dans l’est de la Ville. Son pain vient de la boulangerie Georges et son fromage de la laiterie Coaticook.

« Je pourrais acheter des carcasses de vaches, une encanneuse et mettre beaucoup de moutarde. Peu de gens verraient une différence. Mais non. Vaut mieux faire un peu moins d’argent, mais en faire plus longtemps. Ç’a été mon cas », assure celui qui a toujours été « très loyal » avec ses fournisseurs.

Force est de constater que c’est à grands coups d’efforts que les Sherbrookois se sont appropriés les restaurants de M. Ellyson. Entre deux hot-dogs, le restaurateur a toujours tenu à s’impliquer dans sa communauté. « Presque depuis les débuts des Paniers de l’Espoir, on nourrit gratuitement les équipes de livraison [de la Fondation Rock-Guertin]. On a donné à la Maison Aube-Lumière, à la Grande table, aux Chevaliers de Colomb, on peut tous les nommer! J’achetais des billets pour les soupers-bénéfices, mais je n’y allais pas, car je commençais trop tôt le matin. Donc je les donnais. J’ai passé ma vie à faire ça », raconte l’entrepreneur qui tient à remercier tous les Estriens qui l’ont encouragé au travers les années.

Une chose est sûre, même s’il n’est plus propriétaire, Pierre Ellyson fera son tour à la Taverne Alexandre et dans les différents Louis’ avec ses amis, mais comme client cette fois. Et pour toujours, l’homme qui a monté des institutions à Sherbrooke s’y sentira chez lui.

« La chose que je peux me reprocher, c’est d’avoir vieilli trop vite, car je dois arrêter de travailler », conclut l’homme d’affaires qui pourra dorénavant pêcher comme bon lui semble avec ses petits-enfants.

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