Directeur général de Productique Québec, Sébastien Houle martèle ce message lors du passage de La Tribune dans les bureaux de la rue Longpré à Sherbrooke.
« Les robots et les machines, ça en prend, mais je dirais que c’est aussi impressionnant dans les logiciels et la gestion des données, explique-t-il. La technologie c’est un détail. Comment est-ce que tu vas la valoriser? C’est quoi l’information que tu vas lui donner? C’est la base de tout. »
En tant que Centre collégial de transfert de technologie, qui a pour mission d’aider les entreprises à augmenter leur productivité en utilisant les technologies numériques, Productique Québec est à l’avant-plan de la transformation numérique des entreprises de la province. Plusieurs ont toutefois tendance à sauter des étapes dans le processus d’automatisation de leur production.
« Elles se lancent toutes sur les robots ou les cellules automatisées, déplore-t-il. Mais il faut éviter que toutes ces technologies soient en silo et qu’elles ne répondent pas aux besoins de l’entreprise. La technologie c’est la partie facile et le fun. La structure de l’information c’est souvent ce qui manque. Les entreprises qui réussissent sont celles dont les objectifs et le plan stratégique sont bien définis. Elles n’ont pas acheté un robot en se demandant quoi faire avec ensuite. »
Numériser le chaos
L’automatisation des entreprises s’intègre dans le concept d’industrie 3.0. Depuis un peu plus de cinq ans, on parle de l’industrie 4.0, qui met de l’avant la valorisation des données ainsi la connectivité. C’est à ce niveau que Productique Québec intervient auprès des entreprises.
« Combien de fois rentre-t-on l’adresse d’un client dans une entreprise, demande M. Houle. À la facturation, à l’expédition, etc.? Si tu la rentres plus qu’une fois, tu as un problème. »
Le passage vers le 4.0 est toutefois tributaire de la réussite des niveaux précédents.
« Quelqu’un qui n’est pas automatisé ou LEAN ne peut pas passer directement au 4.0, souligne-t-il. Si on numérise le chaos, ce n’est pas mieux. Il faut passer par les premières étapes et ensuite on passera à la connectivité et à la valorisation des données. »
Du chemin à faire
Productique Québec réalise beaucoup de diagnostics d’entreprises partout au Québec. Sur une échelle de 1 à 4, qui passe de très peu mature à entièrement en contrôle, les entreprises du Québec ont encore un peu de chemin à faire.
« Normalement, les entreprises sont entre 1,5 et 2, admet M. Houle. Il faut les monter lentement, mais l’objectif ce n’est pas d’être à 4. C’est d’être un niveau qui satisfait les objectifs. Si tu vends des sapins de Noël, pas besoin d’être à 4, mais si tu vends des pièces pour l’aéronautique, ton marché va le nécessiter. »
Ce n’est pas nécessairement une question d’argent non plus, selon le directeur général.
« Il y a beaucoup de programmes et d’aide pour ça, ce n’est pas non plus l’accès à la technologie. C’est plus la résistance au changement. Les emplois vont tous changer. Il faut être ouverts d’esprits. »
Un autre problème qui freine les entreprises est le caractère statique des programmes d’enseignements, qui pour la plupart évoluent plus lentement que la technologie.
« Il y a trente ans, quand la technologie allait plus lentement, le rythme était suffisant, mentionne M. Houle. Aujourd’hui, il faut que le monde de l’éducation s’adapte plus rapidement. »
Le manque de main-d’œuvre fait également très mal, principalement dans les petites entreprises.
« Les entreprises essaient de se trouver des jeunes pour les projets numériques, mais ils n’en ont pas. Elles ne voudront pas investir un demi-million dans une machine si personne ne veut la prendre en main. »
Amazon
Sébastien Croteau est analyste d’affaires à la Coopérative Alentour. Il a travaillé pour plusieurs entreprises et estime que l’approche des employeurs n’est souvent pas la bonne.
« Les entreprises voient ça comme une dépense alors qu’ils devraient voir ça comme un investissement, résume-t-il. Quand les entreprises commencent à ramasser de gros clients, la roue se met à tourner et plus elle tourne vite, moins tu mets d’énergie à développer et c’est là que ton efficacité opérationnelle te rejoint. Souvent, les entreprises se réveillent quand elles ont le dos au mur et veulent tout rattraper en deux ans. C’est 10 ans plus tôt que la décision aurait dû être prise. Les Amazon de ce monde investissent toujours en recherche et développement. »