Comment le ministère de l’Enseignement supérieur peut-il conclure à exclure les Techniques de travail social (TTS) de la liste des programmes visés pour l’obtention des bourses Perspective Québec? La situation de pénurie de main-d’œuvre affecte grandement les postes de technicien.ne.s. en travail social (TTS), aussi désigné.es sous le nom de « technicien.ne.s en assistance sociale » (TAS) dans les conventions collectives. 

Ainsi, et bien que l’ensemble des cégeps offrant le programme des Techniques de travail social au Québec ait permis la diplomation de 540 finissant.e.s en 2020, de nombreux indicateurs démontrent que plusieurs milieux d’intervention œuvrant dans le réseau de la santé et des services sociaux, en éducation et dans le milieu communautaire éprouvent des difficultés de recrutement de plus en plus importantes, ce qui fragilise l’offre de services aux personnes les plus vulnérables de notre société, que ce soit à la protection de la jeunesse, dans les écoles, les maisons pour femmes victimes de violence conjugale, les ressources en santé mentale, les maisons de jeunes, etc., qui sont tous des milieux d’intervention dans lesquels œuvrent les milliers de technicien.ne.s en travail social.

Un deuxième enjeu qui nous semble important, voire inquiétant, est que la décision de votre ministère de ne pas inclure le programme des Techniques de travail social dans le programme de bourses Perspective Québec risque d’accentuer cette difficulté de recrutement que nous venons d’évoquer, puisqu’elle aura fort probablement l’effet d’orienter des jeunes qui envisageaient une carrière comme technicien.ne.s en travail social vers certains des autres programme admissibles aux bourses. 

Le programme des Techniques de travail social demeure attractif. Comme l’indiquent les chiffres déposés au Comité national des programmes d’études professionnels et techniques (CNPEPT) (MES) tenu le 14 décembre dernier, il y a eu pour l’année 2020-2021, 1359 inscrits en première année, 3054 étudiant.e.s actifs au programme (trois années de formation) et enfin, 540 diplômé.e.s TTS en 2020. Cette décision viendra, à notre avis, priver à court terme les différents réseaux d’une main-d’œuvre qualifiée, non seulement reconnue par les employeurs pour sa grande polyvalence, mais aussi essentielle à la réalisation des différentes missions de nos réseaux dans un contexte où les besoins sociaux vont en s’accroissant rapidement.

La pénurie de main-d’œuvre dans le réseau de la santé et des services sociaux

Concernant la situation particulière du besoin de main-d’œuvre dans le réseau de la santé et des services sociaux, nous sommes à même de constater par nos contacts continus avec les différents milieux d’intervention à quel point ces derniers sont à la recherche de personnel qualifié, notamment de technicien.ne.s en travail social. 

Ainsi, pour tenter de répondre à ces besoins pressants, les CISSS et CIUSSS ont sollicité nos départements pour développer depuis les dernières années des partenariats pour les stages de formation dans le but d’inciter les étudiant.e.s à assurer la relève dans ces établissements. Nous constatons aussi que les offres d’emploi sont fréquentes et difficiles à combler, que les listes de rappel sont épuisées, tant dans les établissements publics que les organismes communautaires et que les embauches se réalisent souvent avant même la fin de la formation.

Votre ministère annonce que le baccalauréat en Travail social sera un programme retenu pour les bourses Perspective Québec pour le domaine de la santé. Ce choix est certes judicieux. Maintenant, il est rare que l’on retrouve une pénurie à un niveau d’un champ d’études et pas dans les autres. Par exemple, la pénurie d’infirmières se fait sentir tant au niveau des auxiliaires, des techniciennes que des bachelières. Pourquoi en serait-il autrement en travail social? Il faut aussi prendre en compte que le temps de préparation à la formation du travailleur social professionnel est minimalement de cinq (5) années, soit deux années de cégep et trois années universitaires. Par ailleurs, la formation de TTS ne requiert que trois ans de formation. La pénurie de main-d’œuvre, c’est maintenant!

La pénurie de main-d’œuvre dans le réseau de l’éducation

Concernant la situation dans le réseau de l’éducation, le REECETSQ observe que ce dernier a manifesté depuis les dernières années une demande croissante pour l’embauche de technicien.ne.s en travail social. Ainsi, les offres d’emploi publiées par les Centres de services scolaires du Québec concernent de plus en plus des postes de technicien.ne.s en travail social et nos départements reçoivent régulièrement de leur part des offres d’emploi destinées à nosfinissant.e.s.

Nous constatons par ailleurs que votre ministère a choisi de retenir le programme des Techniques d’éducation spécialisée à titre de programme admissible. Selon nos informations, il semble que cette décision s’appuierait sur une perception de votre ministère à l’effet que cette formation soit mieux adaptée aux besoins spécifiques des milieux scolaires. Or, sans remettre en question le fait que le programme des Techniques en éducation spécialisée forme effectivement des personnes aptes à répondre à plusieurs besoins des milieux scolaires, nous soumettons à votre attention que le programme des Techniques de travail social forme aussi des personnes qui exercent actuellement des fonctions de travail dans ces mêmes milieux, comme le démontrent d’ailleurs les offres d’emploi en annexe.

Madame la Ministre, considérant ce qui précède, nous vous demandons d’intervenir dans les plus brefs délais, et ce avant la date limite des demandes d’admission dans les cégeps, afin que le programme de formation collégiale des Techniques de travail social (388.AO) soit inclus dans la liste des programmes admissibles au programme de bourses Perspective Québec. Cet ajout s’impose si votre ministère entend effectivement atteindre l’objectif visé, soit d’« augmenter le nombre de personnes qualifiées dans les professions priorisées par le gouvernement, en déficit de main-d’œuvre dans les services publics essentiels ». 

Faites-le pour être en mesure de permettre aux technicien.ne.s en travail social de contribuer à la mise en œuvre des mesures que votre gouvernement a annoncées depuis les derniers mois pour répondre aux besoins de la population du Québec. Faites-le pour l’avenir du Québec!

Veuillez agréer, Madame la Ministre, nos salutations distinguées.

Sylvain Montmarquette
Président et membre du comité de coordination
Regroupement des enseignantes et enseignants de collèges en travail social du Québec (REECETSQ)