La langue comme un trésor

Wim Remysen, professeur de sociolinguistique et d’histoire de la langue à l’Université de Sherbrooke

Passionné de langue et d’histoire, le professeur et chercheur Wim Remysen a choisi le français québécois comme principal sujet d’étude. Il s’intéresse ainsi, depuis plus de deux décennies, aux variations de la langue française québécoise dans l’usage en vue de valoriser, de diffuser et de préserver ce trésor linguistique et patrimonial.


Ayant grandi en Belgique, plus précisément dans la région néerlandophone de Flandre, Wim Remysen s’est intéressé au Québec, dans le cadre de ses études en philologie romane, avant même d’avoir pu en contempler ses paysages. 

Dès sa première visite en territoire québécois au début des années 2000, alors qu’il effectuait sa maîtrise à l’Université KU Leuven, le chercheur affirme avoir été séduit par ce qui deviendra rapidement son « pays d’adoption ».

Sa carrière a ainsi débuté à l’Université Laval à titre de chargé de cours où il a effectué un doctorat en linguistique. « Je suis captivé depuis cet instant par le domaine de la sociolinguistique et du rapport entre la langue et la société », raconte celui qui a depuis été engagé comme chargé de cours et comme professeur à l’UdeS puis comme directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur le français en usage au Québec (CRIFUQ).

« La langue est partout dans nos vies. Elle fait partie de qui nous sommes, indique M. Remysen. Pourquoi varie-t-elle autant? Que provoquent certains accents chez les autres? Dans quels contextes la langue donne-t-elle lieu à des préjugés et des idées reçues? »

Ces questions attirent toute l’attention du chercheur qui s’intéresse à la langue dans sa dimension sociale.

Numériser l’histoire

Dans une ère où la censure engendre quelques débats, le professeur Remysen est d’avis qu’il faut, d’une part, démystifier davantage le rôle des linguistes et, d’une autre, permettre au grand public de découvrir certains usages caractéristiques de leur langue associés à certaines époques de leur histoire.

« Les linguistes ne portent pas de jugement sur les usages qui existent, rappelle-t-il. Nous sommes dans l’observation et la compréhension de la langue. Nous ne sommes pas dans les discours où l’on essaie d’orienter les usages ou de porter des jugements de valeur sur les usages qui existent. »

En ce sens, Wim Remysen travaille sur la création d’un fonds de données linguistiques et d’une plateforme dédiée à la valorisation de certaines pratiques linguistiques observées au Québec. Une initiative pour laquelle son centre de recherche a notamment reçu une aide financière de 4,5 M$ du Gouvernement du Québec.

« Pour décrire la langue, il faut pouvoir l’observer, dit-il. Le but de ce projet est donc de rendre disponibles des corpus de langue qui sont représentatifs du français en usage au Québec, à l’aide de textes ou de bandes sonores par exemple. Nous souhaitons mettre à la disposition de tous ces données-là qui ont souvent été recueillies pour des projets de recherches et qui peuvent bénéficier à d’autres chercheurs, mais aussi au grand public », mentionne-t-il.

Parmi les données recueillies, notons déjà plusieurs bandes magnétiques datant parfois des années 1970. « Outre l’idée de rassembler les données et de les rendre accessibles, il est important d’agir pour leur préservation et leur pérennisation en les numérisant. »

« Cela nous permet de voir comment certains usages et traits de prononciation ont évolué au cours des années », ajoute M. Remysen qui espère intéresser les gens du milieu de l’éducation et de la francisation avec cette plateforme numérique qui sera lancée au cours de l’année 2022.

Jumelage linguistique

Par ailleurs, cette initiative qui tend à valoriser et à mettre en lumière la richesse et la diversité du français en contexte québécois s’ajoute à d’autres mises en place par le professeur Remysen au cours des dernières années.

Bien qu’il ait été mis sur la glace en raison de la pandémie de COVID-19, le programme J’apprends le français : jumelage linguistique, qui unit des étudiants de l’UdeS et des commerçants immigrants de Sherbrooke, semble en effet avoir porté ses fruits.

« Ce projet m’apporte beaucoup de satisfaction personnelle », confie celui qui parraine le programme de mentorat depuis 2018. « Ces jumelages linguistiques répondent à des besoins concrets et réels sur le terrain en matière de francisation. Ils permettent d’aider des gens. »

« Beaucoup de personnes immigrantes veulent apprendre, mais manquent de temps ou d’outils. L’objectif de ce programme, c’est d’aller vers eux et de les jumeler avec un étudiant qui pourra tenir compte des besoins réels. Ça peut vouloir dire travailler sur la prononciation ou encore sur le vocabulaire courant de certaines activités de travail. Ce sont de belles rencontres interculturelles », admet le professeur.

« Les étudiants impliqués font bien plus que de donner des cours de langues, poursuit-il. Ils deviennent des ambassadeurs du Québec qui peuvent expliquer certains aspects de notre société, de son organisation et de sa culture. Cela favorise l’intégration des nouveaux arrivants », constate le professeur.