Elle est contente d’être là, est un peu mal à l’aise d’avoir à parler d’elle. On est en décembre, alors elle se lance sur la générosité de la communauté envers Moisson Estrie chaque fois qu’approche la période des Fêtes, enchaîne tout de suite sur son désir que ce soit Noël tout le temps, que la générosité s’étale tout au long de l’année parce que bien sûr, les besoins, eux, ne sont pas regardants sur les pages du calendrier.
Arrivée à la direction générale de Moisson Estrie en septembre 2011, Geneviève Côté a multiplié les projets et initiatives. Pendant que se poursuit la mission première de contrer le gaspillage alimentaire et d’assurer la redistribution des denrées aux gens dans le besoin et aux organismes qui en prennent soin, la dg et son équipe ont aussi éclaté la formule. Déménagement dans de plus vastes locaux, plateaux de réinsertion au travail, multiplication des partenariats, cuisine de revalorisation, créativité dans le financement, Geneviève Côté n’est jamais à court d’idées ou d’arguments.
« Les gens avec qui je travaille savent que je n’aime pas trop me faire dire « Ah non, c’est impossible », lance-t-elle en riant.
C’est sans doute par nature, mais aussi par habitude. Avant d’être embauchée chez Moisson Estrie pour prendre la relève du fondateur Gilles Duquette, Geneviève Côté avait œuvré pendant près de dix ans à la Ferme aux Champêtreries, à Bury.
Fondé par l’organisme L’Escalier de Montréal, l’organisme mixait travail à la ferme et réinsertion sociale, mais aussi de jeunes hommes du Haut-Saint-François et du quartier Hochelaga-Maisonneuve.
« J’ai appris là à faire preuve de beaucoup de créativité et de persuasion pour faire avancer les choses. Moi, j’avais étudié en environnement, travaillé pour la section des parcs à Rock Forest, c’était autre chose. Il y avait l’aspect maraîchage et transformation, mais aussi tout le côté humain, le maillage, les prises de conscience. C’était une belle école. »
Une belle école également pour dénicher sans cesse des partenariats et du financement. Financé en subventions à hauteur de 30 pour cent seulement, Moisson Estrie boucle un budget annuel de 1,9 M$ grâce à des dons en denrées et en argent.
« La cause est bonne et les gens sont généreux, engagés, note Geneviève Côté. Les donateurs, ils viennent une fois visiter nos installations, rencontrer notre monde, et ils comprennent la valeur de leur don. Il y a aussi beaucoup de beauté là-dedans. »
Et du respect, Geneviève Côté insiste là-dessus. Souvent. Respect envers la clientèle tellement variée, envers les donateurs, les bénévoles, les employés aussi, une vingtaine de personnes chaque jour. « J’aime faire ressortir les forces des gens, insister là-dessus plutôt que sur leurs faiblesses. Je nomme les choses, mais j’invite l’équipe à travailler dans le plaisir, à faire avancer les choses sans trop se prendre au sérieux. J’aime ça être obligée de fermer ma porte de bureau parce que ça rit fort dans le corridor. »
Elle aime aussi lancer des projets, les mener à bien. Trouver des façons de les réaliser.
Parmi ses rêves, qu’il vaut mieux sans doute appeler ses objectifs, des repas servis dans toutes les écoles du territoire, sans égard aux secteurs ou aux revenus. Après un projet-pilote mené avec le CSSRS à l’école Marie-Reine, elle espère que d’éventuels partenariats permettront la réalisation du projet.
« Des repas équilibrés, pour tous les enfants, sans stigmatisation, un peu comme en Europe. Des enfants qui mangent bien, chaque jour, et qui peuvent se concentrer en classe ensuite. On l’a vu pendant le projet-pilote, des enfants qui n’ont qu’une galette de riz dans leur boîte à lunch, on ne peut pas leur demander beaucoup d’efforts ou de concentration », explique Geneviève Côté avec l’enthousiasme et la détermination qui la caractérisent.
« J’avance en gardant les yeux ouverts et en saisissant les opportunités. Disons que j’avance au feeling, et que quand je sens quelque chose, c’est assez dur de m’arrêter », lance-t-elle dans un grand rire, avant de préciser plus sérieusement qu’elle n’oublie jamais la première raison d’être de Moisson Estrie.
« On n’a pas réinventé Moisson Estrie, on est là pour aider les gens qui traversent des moments difficiles, et Dieu sait qu’il y en a, et que personne, mais vraiment personne n’est à l’abri d’une passe plus rough. Mais sans oublier notre mission première, on a su s’adapter aux besoins au fil du temps. On fait le dépannage alimentaire, mais contrer le gaspillage alimentaire, c’est une belle victoire. On fait dans l’économie sociale, je dirais même dans l’économie circulaire. Il y a bien des gens qui se questionnent en ce moment sur leur travail. Moi, je ne me questionne pas, tout ça a du sens. »
Avant de quitter, Geneviève Côté retourne jaser au comptoir. Et conclure un autre partenariat.
Repères
- Directrice générale de Moisson Estrie depuis 2011
- A étudié en environnement et en gestion d’organisations
- Est mère de deux enfants
- A grandi à Rock Forest