Selon les données du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), au 31 mars 2021, l’Estrie était l’une des régions où le pourcentage de territoire protégé était le plus faible. Des régions comme la Montérégie (3,85 %) et le Centre-du-Québec (2,05 %) affichent aussi des taux très bas.
Plus difficile dans les terres privées
C’est que le territoire estrien est composé majoritairement de terres privées, soit 91 %.
« Le gouvernement n’a pas beaucoup d’outils pour aller agir en terre privée. Pour agir, les municipalités peuvent être des alliées, avec les outils comme les schémas d’aménagement ou les plans d’urbanisme, explique Delphine Favorel, responsable – Aires protégées Sud du Québec à la Société pour la nature et les parcs (SNAP) section Québec. Elles peuvent identifier des territoires, les zoner ou les affecter comme zones de conservation. Ce sont des outils qui existent. Toutefois, ils n’ont pas vraiment de reconnaissance au niveau de la pérennité, parce que ça change selon la volonté politique. »
Avec certains territoires protégés à la suite de compensations de milieux humides et des territoires d’intérêt identifiés dans les schémas d’aménagement (mais ne bénéficiant pas de protection actuellement), le pourcentage de protection pourrait augmenter à 6 % en Estrie, évalue Geneviève Pomerleau. Elle fait allusion à un exercice du CREE en 2020 qui a permis de voir le potentiel de protection estrien et qui a du même coup permis de dresser un état des lieux (3,5 %).
« Si tous ces territoires pouvaient ceux qui ne sont pas reconnus – obtenir leur statut, via la conservation volontaire – en milieu privé ou protégé par les municipalités – on pourrait commencer à avoir des chiffres un peu plus intéressants », indique-t-elle
La cible de 17 % au Québec concerne majoritairement ce qui se retrouve au nord du 49e parallèle, rappelle Geneviève Pomerleau.
« Quand on regarde au sud, même au sud du Saint-Laurent, et en Estrie, où 91 % des terres sont privées, on se retrouve avec des pourcentages tellement loin… J’ai suivi beaucoup la stratégie des aires protégées du Québec depuis 2002. Au début, en 1998-99, on était à 2-3 % au Québec, et on a réussi à atteindre 17 % en terres publiques. Mais le problème des terres privées demeure : on accuse un retard. En plus, on ne reconnaît pas tous les efforts. Ça va être quoi le plan Sud pour protéger notre belle biodiversité? Il y a différentes initiatives de conservation volontaire qui ne sont pas reconnues encore. »
Différentes organisations ont déposé mercredi le livre blanc « Un Plan Sud pour le Québec », afin de protéger cette partie de la province.
« Le Plan Nord du gouvernement du Québec prévoit consacrer 50 % du territoire au nord du 49e parallèle à des usages non industriels, incluant la protection de l’environnement et la sauvegarde de la biodiversité. Considérant que les pressions humaines exercées sur les milieux naturels sont plus fortes encore au sud du 49e parallèle, il devient urgent de mettre en œuvre un Plan Sud », a plaidé Martin Vaillancourt, directeur général du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec.
« Une stratégie d’ensemble nous aidera à préserver les milieux essentiels à la biodiversité, à lutter contre les changements climatiques ainsi qu’à léguer des milieux de vie durables, sains et de qualité aux prochaines générations. »
Connectivité
Geneviève Pomerleau rappelle que plusieurs organisations s’activent pour protéger le périmètre estrien.
Récemment, on apprenait que la plus grande île vierge du lac Memphrémagog, l’île Molson, a été protégée à perpétuité grâce à un don de l’homme d’affaires Andrew Howick à Conservation de la nature Canada (CNC). « C’est vraiment un bel exemple. »
[ Lac Memphrémagog : l’île Molson donnée pour sa protection ]
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Des territoires oubliés
Environ 83 projets de protection de territoire ont été mis sur la glace en décembre 2020 par le gouvernement du Québec. La Société pour la nature et les parcs (SNAP-Québec) plaide pour la protection de ces territoires oubliés, qui représentent environ 22 000 km carrés.
Aucun des projets ne figure en sol estrien. Celui-ci est composé majoritairement de terres privées, alors que ces initiatives visent uniquement des terres publiques.
« On veut relancer l’élan de la conservation (…) Si on veut atteindre 30 % de protection, c’est bien de se donner des objectifs, mais c’est important de commencer à poser les balises et la réflexion sur comment on va y arriver », souligne Delphine Favorel, responsable – Aires protégées Sud du Québec à la Société pour la nature et les parcs (SNAP) section Québec, en ajoutant qu’il y a beaucoup de chemin à parcourir.
SNAP-Québec fait partie des quelque 200 organisations qui ont été consultées pour le dépôt du livre blanc Pour un plan Sud déposé cette semaine.
Le Canada s’est donné comme objectif de protéger 25 % du territoire en 2025 et 30 % d’ici 2030. Ces objectifs sont fixés par la Convention sur la biodiversité de l’ONU, dont le Canada est membre.