Chronique|

De la qualité de vie

La semaine de quatre jours commence à se discuter en dehors des cercles habituels des hautes technologies ou des jeux vidéo pour s’étendre à d’autres secteurs.

Je ne sais pas si c’est seulement moi qui fabule ou si c’est parce que la chose m’interpelle davantage en ce moment parce que j’ai de jeunes enfants, mais j’ai l’impression que depuis quelques semaines, les médias nous parlent davantage de la qualité de vie et de la réduction du temps de travail. 

La semaine de quatre jours commence à se discuter en dehors des cercles habituels des hautes technologies ou des jeux vidéo pour s’étendre à d’autres secteurs. Le télétravail est devenu si bien ancré dans les habitudes que même certains employeurs sont obligés de l’adopter pour éviter des départs. Québec solidaire a récemment placé la « qualité de vie » au centre de son offre politique en vue des prochaines élections. Est-ce que la pénurie de main d’œuvre qui sévit inverserait suffisamment le rapport de force employeurs-employés et ouvrirait la porte à de nouvelles formes d’organisations du travail plus saines pour notre équilibre de vie? Est-ce que ces nouveaux modes d’organisation qui nous inciteraient à moins travailler pourraient aussi nous inciter à consommer moins, mais mieux et nous permettre de retrouver une empreinte écologique collective soutenable? 

Travailler moins

Différentes études sur la semaine de 4 jours convergent inévitablement à identifier de nombreux bénéfices tant pour les employeurs que les employés : meilleure attraction et rétention, augmentation de la satisfaction, diminution des absences maladies et augmentation de la productivité. Du côté environnemental, les bénéfices sont nombreux également. En mode télétravail comme pour une semaine de 4 jours, il y a une diminution des GES liés aux déplacements automobiles, moins d’achats reliés au travail (ex. vêtement). Vous disposez de plus de temps pour vous faire à manger plutôt que d’acheter des mets préparés suremballés. Vous arrivez à faire plus d’exercice physique et à être dehors plus souvent, donc vous tombez moins malade et le système de santé s’en trouve moins surchargé. Bref, un ensemble de causes à effet se met en branle et peut améliorer le système entier et réduire notre empreinte carbone.   

Évidemment, l’expérience n’est pas que positive pour tout le monde. Il peut y avoir des désagréments du côté des employés, comme une surcharge de travail, plus de stress pour réaliser ses tâches en moins de temps. Il peut y avoir une baisse de la productivité et donc de la profitabilité de l’entreprise. Même chose du côté environnemental. Si les gains qu’on l’on fait en travaillant moins sont transférés vers des activités ou des loisirs plus intenses en carbone on n’y gagne rien. Pour éviter cela et pour voguer vers des activités moins dommageables, nos gouvernements tant à l’échelle municipale que provinciale doivent continuer d’investir eux aussi dans les infrastructures qui nous permettent d’adopter de bons choix et de changer nos habitudes. Ces infrastructures sont par exemple : un réseau de transport actif et collectif efficace, des parcs, des bibliothèques, des jardins communautaires, des marchés publics, des commerces de proximités, des installations sportives, etc. 


De la qualité de vie comme facteur d’attraction

Une grosse nouvelle est tombée sur Sherbrooke au début du mois de novembre. Je ne vous parle pas seulement de l’élection historique d’une première mairesse à Sherbrooke, mais aussi de l’annonce de l’arrivée d’Ubisoft. La raison pour laquelle je souligne cette nouvelle, ce n’est pas tant que je me passionne pour le secteur de la technologie et des jeux vidéo que pour les raisons qui ont pu motiver Ubisoft à choisir Sherbrooke. Pour vous faire comprendre l’affaire, je cite la réponse qu’a donnée le responsable de ce dossier d’attraction chez Sherbrooke Innopole, Marc Henri Faure : 

« Avant, quand on faisait une présentation pour attirer une entreprise, on parlait de vitalité économique et on donnait des chiffres. Aujourd’hui, quand je veux attirer une entreprise comme Ubisoft je parle du nombre de pistes cyclables, d’espaces verts, et des autobus. Il faut maintenant voir les projets de pistes cyclables comme des projets de développement économique, car ça attire la main-d’œuvre et forcément les entreprises. » 

Je trouve qu’il y a quelque chose de puissant dans cette réponse. Sincèrement, ça donne envie de croire que le discours change dans la société et aussi dans les organismes de développement économique. Les outils que l’on utilisait hier pour attirer des entreprises sont encore là (ex. congé de taxe), mais de nouveaux outils et arguments commencent à s’imposer. Enfin, l’arrivée d’une vague de nouveaux et de nouvelles conseillères municipales a de quoi réjouir pour le futur. Nous n’entrons probablement pas dans une phase de décroissance pure et dure, mais il y a peut-être là le début d’une société plus sobre et plus lente, mais pas moins productive qui nous permettrait d’envisager d’autres valeurs que l’argent, le travail et la surconsommation pour assurer notre bien-être. Au final, c’était peut-être moi qui fabulais : je viens d’entendre M. Legault nous dire qu’il fallait augmenter la productivité du Québec pour ainsi réduire l’écart qui nous sépare de l’Ontario. Ça c’est un vrai projet novateur (ironie)!