Une ancienne employée de Bishop's dénonce une culture du silence malsaine 

« We hear you, we believe you #821 », peut-on lire sur un ruban orange accroché au pont près de l’Université Bishop’s. Le nombre fait ainsi référence à la dénonciation #821 partagée sur une page Instagram où des victimes se confient.

Une ancienne membre du personnel de l’Université Bishop’s joint sa voix à celle des étudiants entourant des allégations faites à l’égard de l’Université Bishop’s au cours des dernières semaines. La femme embauchée dans les dernières années pour mettre en place de meilleures pratiques pour contrer les violences sexuelles sur le campus dénonce des comportements qu’elle juge néfastes pour les victimes.


« Que portais-tu lorsque l’événement s’est produit? Il y a toujours deux versions à une histoire. Tu dois apprendre à réguler tes émotions. Une santé mentale fragile peut mener à des épisodes de paranoïa. » Ces propos auraient été tenus à l’égard de certaines victimes de violence sexuelle par des membres de l’administration, soutiennent plusieurs étudiantes rencontrées par La Tribune.

L’ancienne employée, qui souhaite garder l’anonymat, affirme avoir été contactée à plusieurs reprises par des victimes en détresse devant l’attitude de l’institution face aux incidents de violence sexuelle qu’elles avaient rapportés.

« L’administration donnait difficilement suite à mes demandes sauf quand cela avait un impact sur son image », mentionne l’ancienne employée. « Il est arrivé que mes courriels soient ignorés jusqu’à ce que le délai de 90 jours prescrit pour faire une plainte en bonne et due forme soit dépassé. »

« Lorsque cette situation s’est produite, j’ai douté de leur réelle volonté à créer une communauté bienveillante envers les étudiants », raconte-t-elle.

Ce délai était en effet appliqué à cette époque alors que Bishop’s s’inspirait de sa politique institutionnelle sur le harcèlement psychologique pour accompagner les victimes d’agressions sexuelles. Une politique de prévention de la violence sexuelle a cependant vu le jour en décembre 2018 selon laquelle aucun délai n’est désormais prescrit pour porter plainte.

« Au fil du temps, mes conditions de travail se sont détériorées. D’un côté, l’administration vantait ses mérites et ses avancées dans la lutte contre les violences sexuelles et de l’autre, on m’empêchait de faire le travail pour lequel j’avais été engagée au départ. Tout me laissait croire que l’image de l’institution était leur réelle priorité. »

À la fin de son contrat, l’ancienne employée aurait par ailleurs dû remettre tous ces dossiers pour violence sexuelle, soit plus d’une douzaine, à l’administration qui aurait songé à les détruire. « On me reprochait de trop croire les victimes », dénonce-t-elle.

Des victimes réduites au silence

Le témoignage de cette ancienne employée corrobore celui d’une victime ayant accepté de se confier à La Tribune. Après avoir rapporté un incident s’étant produit sur le campus à l’administration, l’étudiante aurait été ignorée malgré le soutien « exceptionnel » de l’ancienne employée.

 « On m’a dit qu’on était désolé pour moi. On m’a réorientée vers le service de police parce que mon agresseur n’étudiait pas à Bishop’s. Pour eux, le problème était réglé. Ça ne nuisait pas à leur image».

Une autre étudiante affirme avoir aussi été témoin de comportements troublants à l’égard de certaines victimes. « Comme beaucoup d’étudiants, je suis bouleversée, en colère, frustrée et honnêtement à court de mots. Je connais des personnes qui ont porté plainte et ont été confrontées à une réponse horrible de la part de l’université. Des victimes ont dû se débattre en silence. Il y a un problème sérieux à Bishop’s qui menace la sécurité de nombreux étudiants, en particulier celle des femmes. »

« He raped me. I reported him. He’s still in my class. BU take action ». Le récit d’une victime sur le pont de Bishop’s a chamboulé bon nombre d’étudiants qui aspirent à des changements sur le plan institutionnel.

Vague de dénonciations

Ainsi, la réputation de Bishop’s bat de l’aile en matière de violence sexuelle et de racisme systémique alors que les actions de dénonciations s’additionnent. Une pétition ayant atteint près de 15 000 signatures circule notamment sur le web afin que les pratiques de l’institution face aux plaintes d’agressions et de harcèlements sexuels soient améliorées.

Quelques comptes Instagram sont également dédiés aux témoignages des victimes. L’administrateur anonyme de l’un de ses comptes, lancé d’abord en 2019 pour rassembler des histoires de toutes sortes, affirme recevoir la plupart du temps des dénonciations d’agressions sexuelles.

« Cette plateforme est désormais utilisée à de meilleures fins. Pour partager les histoires de ces courageuses survivantes », dit-il.

L’administrateur est aussi d’avis qu’il y a un problème au sein même du conseil d’administration de l’institution face aux enjeux de violence sexuelle sur le campus. 

« L’Université entretient du déni à l’égard de ce qui se passe réellement. Et ça, c’est en plus de l’examen minutieux que les survivantes doivent subir suite à leur traumatisme lorsqu’elles vont porter plainte. »