Chronique|

Des fées et des grands lézards

Le parc provincial des Dinosaures est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, notamment en raison de ses formations géologiques.

CHRONIQUE / Les routes sont longues et rectilignes dans les Badlands de l’Alberta. Les deux mains sur le volant, à défaut de courbes à négocier, on garde l’œil ouvert au cas où quelque chose d’inattendu traverse la chaussée. Mais ça n’arrive presque jamais. Sauf peut-être un serpent de temps en temps, qui risque gros en affrontant les roues des véhicules.


De Drumheller, où j’avais visité le Musée royal Tyrrell de paléontologie, je voulais faire tout en mon pouvoir pour rallier le parc provincial des Dinosaures, un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO qui présente un paysage lunaire des plus impressionnants. Selon Parcs Canada, on y a trouvé 300 squelettes de dinosaures en bonne condition. C’est entre autres de là que proviennent certains des grands lézards exposés à Drumheller.

Il faut prévoir environ deux heures de bagnole, peut-être un peu plus, pour rallier le parc depuis la « capitale mondiale des dinosaures ». En chemin, la Hoodoo Trail offre quelques arrêts d’importance. Le pont suspendu Star Mine de Rosedale, qui permettait aux habitants du secteur de traverser la rivière pour aller travailler dans une mine de charbon, a été construit en 1931. Il attire semble-t-il les touristes, mais est maintenant considéré trop dangereux pour qu’on puisse y marcher. Il peut néanmoins s’agir d’un endroit calme pour faire un pique-nique.



À quelques minutes de là, le lieu historique Atlas Coal Mine compte le dernier culbuteur en bois du Canada. Celui-ci permettait de charger les chariots de charbon. Si la visite guidée est recommandée pour tout comprendre, par manque de temps, j’ai choisi de ne pas m’y arrêter. J’avais surtout une curiosité accrue pour les cheminées de fées, les hoodoos, qui ont donné leur nom à cette route « thématique ».

Les cheminées de fées, ces espèces de champignons rocheux, peuvent être observées également à Banff et un peu partout dans les Badlands. On raconte toutefois que les plus spectaculaires de toute la province se trouvent là, quelque part entre les villages de Rosedale et East Coulee. Apparues en raison de l’érosion de la pierre calcaire, ces cheminées se sont formées après des millions d’années et sont grandes de cinq à sept mètres.

Lors de mon passage, une obole était réclamée pour le stationnement. Un stand vendait des rafraîchissements au pied des formations rocheuses. C’est qu’on peut escalader un grand monticule, derrière les principales cheminées, et être récompensé d’une vue sur la route en contrebas. On y trouve aussi le point de départ d’un sentier pour une promenade dans un paysage vallonneux. De bonnes chaussures vous éviteront de risquer votre vie sur le chemin du retour, alors que le sable et les pentes un peu abruptes rendent la descente un tantinet abrupte. Vaut mieux prendre son temps que d’arriver en bas les genoux en sang. Crème solaire et bouteille d’eau sont aussi des essentiels si le beau temps est de la partie. L’ascension est plus longue qu’elle ne paraît et la soif est si vite arrivée...

Le site se rapproche un peu d’une version miniature de la Cappadoce, en Turquie, où les champignons rocheux sont légion. Là bas, toutefois, on en trouve à perte de vue alors que les grappes aperçues dans ce secteur de l’Alberta étaient beaucoup plus petites.



Après les deux heures de route, je suis arrivée au parc provincial des dinosaures juste avant que le soleil ne commence à décliner. Il importe de savoir que les stations-service les plus proches se trouvent à une quarantaine de kilomètres de l’entrée du parc. Un des points de vue les plus spectaculaires se trouve justement à l’entrée du parc, d’où on aperçoit une vallée, des mesas (des espèces de collines) et des cheminées de fées.

Ces cheminées de fées, entre Rosedale et East Coulee, sont considérées parmi les plus impressionnantes d’Alberta.

Un peu plus bas sur la route se trouve un centre d’interprétation et une route en boucle qui permet d’accéder à quelques courts sentiers de randonnée et à des fossiles de dinosaures.

Si on reculait de 75 millions d’années, on retrouverait dans ce secteur une plaine bordant une vaste mer. Là où pataugeaient poissons et tortues, aujourd’hui se trouve un parc provincial qui a parfois des allures de désert. On estime à 35 le nombre d’espèces de dinosaures qui vivaient dans l’est de l’Alberta. C’est l’une des raisons qui fait du parc un site du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ses phénomènes géologiques et la variété de dinosaures issus du crétacé méritent d’être protégés.

J’avoue que je m’attendais à un parc beaucoup plus grand. La portion à parcourir en voiture est petite, mais on peut passer une journée, peut-être deux, à arpenter les sentiers longeant la route principale.

Une famille de Québécois arrivée à peu près en même temps que moi avait pris de l’avance et s’était aventurée jusqu’à un petit bâtiment exposant un fossile. « Ça vaut la peine? », que je demande au moment de me lancer vers le petit abri. « On est assez déçus. On a l’impression de perdre notre temps », a lancé la dame.

C’est un sentiment que je comprenais et que j’attribuais à l’empressement. Survoler le parc en une heure ou deux, comme nous le faisions, c’est probablement rater une occasion de prendre le temps et de s’émerveiller pour vrai. J’ai même eu un élan de jalousie en voyant les campeurs préparer leur abri pour la nuit. De tous les sites de camping, celui-là me faisait vraiment envie. La sainte paix.



Par ailleurs, il y a aussi des secteurs du parc qui ne sont accessibles qu’en tour guidé. Il peut s’agir d’une activité de randonnée ou d’un parcours d’interprétation avec un paléontologue d’expérience. Il importe toutefois de s’informer et de réserver, puisque toutes les activités ne sont pas offertes tous les jours. C’est sans compter le nombre limité de places disponibles. Mes recherches de dernière minute avaient été infructueuses.

Quoi qu’il en soit, les amateurs de nature aimeront sans doute davantage ce parc national, s’ils ont à choisir, plutôt que le musée de paléontologie de Drumheller. Le second présente toutefois l’avantage de voir travailler de vrais techniciens spécialisés dans l’univers des fossiles.

Ma visite éclair aura été de trop courte durée, mais elle m’aura permis de rentrer à Calgary avec le sentiment d’avoir pu voir un site de paléontologie de grande importance.